Inicio » Setmana Santa 2022 » Interview : Years of Denial

Interview : Years of Denial

par François Zappa

Fin 2020, en pleine pandémie, j’ai acheté un EP avec un titre de The Hacker (avec son alias Amato) et trois remixes, publié par le label madrilène Barro. La reprise de “2 in 1” par Years of Denial a vraiment attiré mon attention, car ils ont ajouté des voix à l’original, créant un morceau darwave intense. Après avoir beaucoup écouté le remix, j’ai continué avec leurs deux albums, pour être à nouveau surprise par l’incroyable variété trouvée entre Suicide Disco et Human Tragedy, l’un plus darwave/ebm, l’autre plus ambient/industriel. Les deux disques sont incroyables. Years of Denial était l’un des groupes que nous voulions voir au festival français Setmana Santa mais malheureusement, nous n’avons pas pu y aller. Espérons que nous aurons l’occasion de les voir en concert bientôt.

Photos : Matt Favero / @liminalwarp

— Jérôme, tu as commencé ta carrière musicale avec Piano Magic. Je crois que je les ai vus lors de leur tournéeArtists’ Rifles à Madrid. Tu ne jouais pas encore avec eux à l’époque, non ?

— J’ai rejoint le groupe après la sortie d’Artists’ Rifles en 2000. J’ai joué avec eux pendant 16 ans jusqu’à ce que le groupe soit mis au rancart. Pendant cette période, j’ai eu le plaisir de composer, d’enregistrer et de partir en tournée avec le groupe. On a sorti 9 albums ensemble et joué dans la plupart des pays d’Europe. Auparavant, j’avais étudié la batterie dans une école de jazz tout en jouant dans des groupes de rock. Je me suis lancé dans la production de musique électronique au milieu des années 90. Quand j’ai rejoint Piano Magic tout a pris un sens. J’ai pu apporter mon expérience pour le mixage, de la batterie aux claviers, en passant par la production de certains morceaux. Je n’avais jamais travaillé avec un auteur-compositeur avant Glen. Il a écrit certains de mes textes préférés, et je suis heureux d’avoir contribué à l’héritage du groupe. Au fil du temps, nous avons également collaboré avec des artistes incroyables comme Brendan Perry et Peter Ulrich de Dead Can Dance, Simon Raymonde de Cocteau Twins et Alan Sparhawk de Low. Je ne peux pas me plaindre 🙂 Piano Magic restera à jamais une expérience extraordinaire.

Et pour répondre à ta question, j’étais bien là à Madrid, il y a plus de 20 ans, et j’avais de longues dreadlocks !

— Barkosina, ton éducation musicale a été influencée par la scène underground tchèque. Tu peux nous en dire plus ? Jusqu’à présent, au Garaje, nous avons parlé de beaucoup de scènes différentes, mais jamais de la scène tchèque.

— Je suis née de parents qui ont vécu sous le régime communiste, une époque intimidante, sombre et froide. Les artistes étaient confrontés à la persécution politique et les gouvernements réprimaient les artistes, les musiciens et les écrivains. De nombreuses œuvres étaient interdites par l’État, et ce n’est que par le biais du samizdat, un système clandestin de circulation d’écrits et de reproduction du matériel interdit, que les artistes pouvaient continuer à être stimulés culturellement parlant. Par conséquent, la culture underground tchèque a toujours été résistante, car elle a fleuri dans les cendres d’un régime politique dur. Voilà ce que je voulais dire par là. Je fais référence au passé et à l’histoire qui m’ont façonnée aujourd’hui en tant qu’artiste et être humain. Je perpétue cet héritage et l’applique à ma pratique artistique et à ma philosophie. À la fin des années 90 et au début des années 2000, grandir musicalement signifiait grandir avec des genres musicaux qui existaient en tant que mouvement politique, résistance et activisme. Beaucoup de punk, de hardcore, de heavy metal et de free parties, comme le tristement célèbre Czech Tek. Ma famille était activement impliquée dans les groupes, la culture vinyle et le Djing. J’écrivais et je chantais. Cependant, j’ai quitté la République tchèque assez jeune et je n’y suis jamais retournée, alors je ne connais pas grand-chose de la scène actuelle.

— Barkosina, tu as aussi parlé de l’influence de Laurie Anderson. À ton avis, en quoi la compositrice de « O Superman » a influencé ton travail ? Pourquoi aimes-tu sa musique ?

— Je suis intriguée par le travail de Laurie Andersoncar elle applique les pratiques de l’art de la performance, de la narration et de l’expérimentation à ses compositions musicales. Son travail a toujours été futuriste grâce à l’utilisation de sons et d’objets, mais associé à l’art le plus ancien de l’homme : la narration par la voix. En combinant cette technique, ses productions sont exceptionnellement innovantes et originales. Cependant, on ne retrouve pas d’influence de « O Superman » dans mon travail. Je n’utilise pas de vocodeur et je ne m’inspire pas non plus de l’opéra. J’aime d’autres éléments de son œuvre, comme sa présence scénique, sa narration et son spoken word. Je ne me lasse pas d’écouter Bright Red, son cinquième album studio sorti en 1994. Dans ses premières performances des années 70, elle a réalisé une pièce où elle se tenait debout sur un bloc de glace et jouait du violon pendant que la glace fondait lentement sous elle. Laurie Anderson est une artiste avant-gardiste brillante. Pendant la pandémie, Laurie a régulièrement présenté des conférences Norton en ligne intitulées « Spending the war without you ». Toutes sont disponibles sur YouTube. Je vous les recommande vivement.

— Du côté des influences non musicales, vous avez tous les deux parlé de la philosophie politique qu’est l’isolationnisme. Comment a-t-elle changé votre façon de voir le monde ?

— Ce n’est pas tout à fait correct. Nous avons toujours parlé de l’isolationnisme comme d’une influence musicale, pas d’une philosophie politique. On se réfère à Kevin Martin, qui a inventé ce terme au début des années 90 et l’a décrit comme une « forme de musique fracturée et feutrée qui “repousse” les auditeurs ». C’est un voyage sonore introspectif et intime avec une sensation de terreur, pas une musique de fond facile à écouter. Elle ouvre les portes et l’espace de l’inconnu, à un processus sonore plus aventureux et intéressant.

— Jérôme, tu as parlé de l’influence de Experimental Audio Research. Qu’as-tu appris du projet de Sonic Boom ? Tu aimes un autre de ses groupe, comme Spacemen 3 ?

— Spacemen 3 et Spectre étaient déjà une grande influence pour moi et mon groupe, mais la sortie de Beyond the Pale d’E.A.R en 1996 a déclenché un truc auquel on s’attendait pas. Il était temps de mettre les instruments de côté et de traiter les sons, d’étirer le temps et d’oublier les structures musicales conventionnelles. Des heures interminables d’improvisations ont suivi. On revient à l’isolationnisme, en développant une relation intime avec les fréquences et en créant des humeurs, des espaces alternatifs et des états extatiques. J’ai eu le plaisir de rencontrer Pete Kember à plusieurs reprises. Nous étions sur le même label que PM. C’est une personne très passionnée et dévouée à son art, et je suis heureux de voir qu’il sort encore de la musique incroyable. L’un de mes albums préférés de tous les temps est Forever Alien de Spectre. On faisait la reprise de « Revolution » de Spacemen 3 avec Piano Magic, quand on donnait des concerts.

— Pour conclure la « partie influences », quelle importance a eu la musique industrielle pour vous ?

— Barkosina: La musique industrielle est importante pour moi en raison de son approche et de son contexte social et politique. Nous respectons beaucoup son histoire, et nous aimons croire que l’influence du son industriel vient des gens de la classe ouvrière qui travaillent dans des usines et qui doivent faire face à des bruits extrêmes et à des machines. Lorsque le terme a été inventé par Throbbing Gristle dans les années 70, l’idée était de créer une musique qui n’est pas forcément agréable à écouter en raison de ses sons durs et provocateurs. La fusion du rock et de la musique électronique se mêle à l’avant-garde, au bruit blanc, aux synthétiseurs, aux séquenceurs, à la musique sur bande et à la provocation punk. Les premières expérimentations réalisées par les artistes industriels portaient toutes sur des déclarations et des sujets controversés. Ces œuvres peuvent être facilement placées sous le parapluie de l’art politique. Cependant, de nos jours, le terme et le genre décrivent une esthétique purement sonore sans déclaration thématique. À peu près tout son légèrement déformé est défini comme de la musique industrielle.

— Vous vous êtes rencontrés au KAOS London, n’est-ce pas ? —Que pouvez-vous nous dire sur cet endroit ? Vous avez tous les deux été DJ là-bas, non ?

— Kaos est un endroit qui ne ressemble à aucun autre. Un bon conseil, vas-y si tu en as l’occasion. Ils ont récemment déménagé d’Electrowerkz à Fold London ; ça vaut le coup. En 2015, on était tous les deux DJ là-bas on est devenus des ravers réguliers. C’est ainsi qu’on s’est rencontrés et qu’on a ensuite commencé à travailler ensemble. Kaos occupe une place spéciale dans nos cœurs. Nous avons été stimulés et éduqués musicalement et humainement.

— Vous pouvez nous parler de vos premières compos ensemble ? Barkosina, tu faisais des performances et Jérôme créait le son.

— Oui, c’est ça. Jérôme expérimentait avec des synthétiseurs modulaires pour créer la bande-son de mes performances en direct. J’ai expérimenté ma voix sur ses rythmes électroniques, et comme ça, nous avons compris l’alchimie créative entre nous. Nos premières compos étaient spontanées, et artistiques. On était très productifs et inventifs. On voulait créer de l’art et participer au processus de création autant que possible.

— Votre premier EP, Blood Debts était très industriel et sombre. Comment avez-vous trouvé votre style ? S’agissait-il d’un développement des travaux de la question précédente ?

— Jérôme : J’ai travaillé avec des drones et des textures industrielles sans avoir de plan ou de sortie spécifique en tête, juste en me perdant dans les sons et en créant des ambiances. Blood Debts était un projet de studio sans nom ni visage. Plus tard, j’ai rencontré Maya Petrovna. J’ai enregistré sa voix seule sans aucune musique et je l’ai utilisée comme un collage pour construire des pistes. Oliver Ho a entendu le résultat et, à ma grande surprise, a proposé de le publier en tant qu’EP sur Death & Leisure. À l’époque, le disque est sorti, j’ai rencontré Barkosina, nous avons commencé à travailler sur la musique pour ses performances artistiques en direct, ce qui nous a amenés à collaborer sur YOD entièrement. C’était une progression naturelle, tout était logique et tout tombait à pic, la poésie sombre et la prestation de Barkosina ont apporté la narration à mes compositions abstraites. À partir de ce moment-là, on a commencé à composer et à enregistrer, mais aussi à jouer ensemble en live. Years of Denial était né.

— Au contraire, votre premier album complet, Suicide Disco était moins industriel et un peu plus dansant. C’est une autre facette du groupe, différente de celle de l’« ambient ».

— Oui, comme mentionné précédemment, ce sont deux œuvres totalement différentes. Suicide Disco est le résultat d’une collaboration de 3 ans entre nous. Cependant, on a toujours travaillé avec des compositions ambient, ce qui se manifeste bien dans Human Tragedy sorti sur Modular Mind. Sur le plan créatif, on doit se diversifier lorsqu’on travaille avec le son et la narration.

— Cet album est sorti sur le label Veyl, et vous avez également collaboré sur le deuxième LP de Maenad Veyl et même composé un EP avec lui. Comment s’est passée la collaboration avec Thomas Feriero ? À votre avis, son travail est comparable au vôtre ?

— Jérôme : Thomas est un producteur et un musicien fantastique. Il fait partie de ces artistes qui ont digéré les influences à 100 % et réussi à produire des œuvres originales à chaque fois. Suite à notre split avec lui sur Death & Leisure, on a sorti « Is it Over Yet » sur un V/A pour son label Veyl. Il nous a ensuite proposé de sortir un album, etSuicide Disco a été le résultat. Collaborer sur son album a été un véritable plaisir et une joie pour nos oreilles. Certains morceaux comme « Stranger » ou « Mary is Dead » nous ont fait découvrir des lieux encore inexplorés et nous ont aidés à développer notre musicalité. On ne comparerait pas notre travail, mais il est certainement complémentaire.

— J’aimerais vous citer pour la prochaine question : « Nous composons de la musique qui vous rappelleront ce qu’est la douleur ». À votre avis, pourquoi cette société essaie-t-elle d’éviter/d’oublier la douleur ?

— Barkosina: Les chansons tristes permettent aux gens de se sentir moins seuls. Poésie confessionnelle, peinture tragique, corps en sang, cinéma pessimiste, voix hurlant à la lune…

L’art est « un antidote au vide de l’existence ».

L’art nous permet de voir à quel point nous sommes imparfaits et fragmentés et d’exprimer des joyaux cachés de folie, d’authenticité, d’excentricité et de sauvagerie. Il y a quelque chose de très réel là-dedans, sans filtre. Certains préfèrent éviter ces qualités… La société capitaliste conçoit le mode de vie des gens et fait en sorte que le public désire la perfection, le bonheur et toutes sortes d’escroqueries spirituelles. Il y a une pilule pour tout, et les gens sont beaucoup plus égocentriques et déconnectés.

Prenez la récente obsession du selfie par IA, par exemple. On a la technologie au creux des mains, et on pourrait l’utiliser à d’incroyables desseins. Mais tout ce qu’on veut, c’est ressembler à des fées, un nouveau niveau de narcissisme numérique. Cette culture hyper individualiste présente un problème. Elle crée une compétitivité et un isolement extrêmes, et les gens sont plus anxieux et aliénés que jamais. Les gens ont peur de dire ce qu’ils pensent, à cause de la culture de l’annulation et de sa nature propice à juger. Les libéraux extrémistes brûlent l’histoire, l’art, la littérature et tous les méchants. Les erreurs et les échecs font inévitablement partie du fait d’être humain, plus précisément d’être un meilleur humain.

Pourquoi la société essaie-t-elle d’éviter la douleur ? Parce que nous vivons dans le déni.

— Pour en revenir à vos albums, Human Tragedy est à nouveau plus ambiant/noise et assemblé à partir de vos expérimentations précédentes. Quand a-t-il été composé ? Est-ce plus facile de composer ce genre de travail ou bien celui qui est plus orienté vers le dancefloor ?

— Human Tragedy a été un travail continuel. Certains morceaux ont été composés avant Suicide Disco, donc début 2019, et d’autres après. On a joué ce matériel en live dans une église, des théâtres et des cinémas lors de performances ambient/noise, et finalement Kujo de Modular Mind a proposé de le sortir sous forme de mini LP. On n’éprouve aucune difficulté à travailler avec les deux genres, qu’il s’agisse d’une expérimentation d’ambient ou d’une production plus axée sur le dancefloor. Lorsque l’on compose, on aime naviguer entre les deux mondes sonores comme on le souhaite en fonction de nos émotions et de nos humeurs. On expérimente ainsi davantage et on développe notre son et notre expression. Notre créativité peut adopter différentes formes et saveurs, mais elle fait partie d’une chose qui est plus grande que la somme de ses parties. Cependant, aucun des genres n’est plus facile à travailler, car toute production, quel que soit le style, exige de l’intensité.

— Je lis que vous vivez dans un endroit assez isolé. Comment cela a influencé vos derniers travaux ?

— On pensait que notre processus ne serait pas autant impacté par l’environnement isolé. Cependant, on doit bien reconnaître que certaines de nos productions ont pris une tournure un peu plus douce et émotionnelle. Le silence constant et le vaste espace qui nous entoure nous ont pris aux tripes et affecté notre perception du monde extérieur. Mais on ne serait pas là où nous sommes maintenant si nous n’avions pas déménagé loin de la ville. Dans l’ensemble, ce changement a été très bénéfique, et la signature sonore du projet n’a pas beaucoup changé.

— Barkosina, tu as dit que tu apportais au groupe le chaos tandis que Jérôme apporte l’ordre. Comment traduis-tu cela dans ta façon de composer ?

— Toute collaboration est intéressante, car elle requiert des compétences et des caractères divers. Nous sommes deux individus aux personnalités très différentes, et c’est ce qui rend tout groupe unique. J’aime prendre la voie la plus sauvage. Jérôme est plus persistant et calme.

En général, on le voit surtout quand on se produit en live. Jérôme est plus introverti, a des compétences techniques solides et une excellente concentration, ce qui est nécessaire, car tout peut mal tourner à tout moment. Je suis plus extravertie avec une pincée d’attitude punk. J’aime intégrer des compétences de performance dans nos concerts. Interagir avec le public et utiliser ma forte présence sur scène.

— Dès le début, vous avez eu une bonne relation avec Broken English Club. Il fait partie de vos influences et remixé vos chansons. Comment avez-vous fait connaissance ?

— Jérôme : J’ai rencontré Oliver Ho vers 2009/2010 à Londres. Il a joué plusieurs fois lors de ma série d’événements intitulée Flesh. On s’est bien entendu et on est restés en contact depuis. C’est une personne très douce, un artiste talentueux et visionnaire. Oliver Ho a soutenu YOD depuis le début et a publié notre musique sur son label Death & Leisure, nous a remixés, et figure également sur notre nouvel album. On est reconnaissants d’avoir croisé son chemin et on éprouve un énorme respect pour l’ensemble de son travail, de l’époque où il travaillait sur Blueprint et Meta à des projets plus récents sur Downwards, Jealous God et L.I.E.S.

Très peu d’artistes parviennent à passer le cap des 20 ans et plus dans l’industrie musicale, tout en parvenant à se renouveler. La musique se démode très vite, mais si on y met tout notre cœur et qu’on reste fidèle à soi-même, ça nous permet de continuer. Je le citerais plus comme inspiration que comme influence.

— Jérôme, tu as aussi joué avec lui dans The Eyes in The Heat, une collaboration avec Zizi Kanaan et Oliver Ho. —Que peux-tu nous en dire ?

— Oliver et Zizi jouaient ensemble déjà depuis un moment avant que je ne les rejoigne à la batterie. The Eyes in The Heat était une excellente combinaison d’instruments live, de séquences et de voix. On a donné quelques concerts déments après la sortie de l’album sur Kill The DJ. Malheureusement, le projet n’a pas duré longtemps, mais c’était très amusant. Zizi est un compositeur productif, qui développe constamment des concepts. Tout pouvait arriver pendant nos répétitions, et le processus était plein de créativité et de joie. On s’est revus en septembre au mariage d’Oliver, Zizi est désormais une maman heureuse.

— Le groupe a collaboré avec Unknown Pleasure Records, en faisant des reprises de Death in June, Bauhaus et The Sisters of Mercy. Quelle est votre approche des reprises ? Quel groupe aimerais-tu reprendre ?

— Les hommages d’UPR sont une excellente occasion d’essayer quelque chose de différent. On prend généralement la piste à la racine et on part de là. On essaie d’oublier l’arrangement et les sons originaux et d’apporter notre touche. On commence par créer une ambiance qui correspond aux mots et on développe autour. On a tendance à ralentir et à étirer le temps pour mettre en valeur les paroles et les voix. Reprendre des morceaux chantés par des chanteurs est très intéressant et peut constituer un véritable défi. Le contraste des tons et des émotions peut créer de beaux dégâts. On a récemment sorti une reprise de Bauhaus et on travaille actuellement sur une version de « Cervix Couch » de Christian Death. En tant que grands fans des débuts de The Cure, ce sera un plaisir de travailler sur une chanson de l’un des meilleurs groupes de tous les temps. Un grand bravo à Pedro Peñas Robles pour le travail acharné et sa passion.

— J’ai adoré votre remix d’Amato sur la 4e référence de Barro. Vous y avez même ajouté une partie vocale. Comment avez-vous eu cette idée ?

— La voix est devenue la signature de Years of Denial et lorsqu’on travaille sur des remixes, des collabs et des VA, on exige que la voix soit présente. Par conséquent, avec le remix d’Amato, on a automatiquement ajouté le chant, et Barkosina a développé l’histoire en s’inspirant du titre original 2 en 1. Elle a écrit des paroles dédiées à l’amour androgyne, l’énergie féminine et masculine vivant dans un corps singulier.

— C’est l’heure des questions sur les projets parallèles. Jérôme, peux-tu m’en dire plus sur Supreme Low ? Ce n’est pas le genre de musique que j’écoute, mais j’ai vraiment apprécié l’album avec Sensational. Quel objectif cherches-tu à atteindre ?

— J’adore l’illbient, et Supreme Low est mon point de vue sur le sujet. J’aime associer l’atmosphère industrielle à des beats Dub bruts. Je produis ce type de son depuis le milieu des années 90, et j’y suis encore très attaché. Ça fait des années que je veux collaborer avec Sensational, et mon rêve s’est réalisé. Je ne voulais pas échanger des fichiers. Je voulais créer ensemble, que ce moment soit spécial. Ça nous a pris plus de temps, mais on a profité de cette occasion pour enregistrer l’EP pendant qu’il donnait un concert au Royaume-Uni. Je suis vraiment satisfait du résultat. De plus, pour garder l’ambiance familiale, j’ai invité  Broken Engish Club et Barkosina, qui figurent aussi sur Still Ill avec des remixes du maître de la confusion Hypnoskull et le surprenant Maenad Veyl.

— Barkosina, tu as sorti un album solo en 2021 intitulé Fasting culture, que peux-tu nous en dire ? Il est sorti avec un livre à couverture rigide, n’est-ce pas ?

— Fasting culture est un projet artistique multimédia créé pendant la pandémie.

L’œuvre est composée de poésie, d’art performance, de courts essais et de musique et le produit final se présente sous la forme d’un livre à couverture rigide et bande audio publié sur Modular Mind Records. L’idée initiale est venue du sentiment de vide pendant les confinements, soulignant la relation entre l’artiste et l’espace culturel. Avec ma pratique du jeûne, j’ai décidé de jeûner et de créer de l’art simultanément. J’ai ressenti le besoin et l’urgence de faire l’expérience du vide physique, un état de privation, pour articuler le concept. Pour l’artiste, l’absence de culture est parallèle à l’absence de nutrition. Comme nous le savons, le paysage culturel a été le premier à être fermé et le dernier à être rouvert. Sans aucun soutien, la culture et l’art vivant étaient morts.

— Que pouvons-nous attendre de l’avenir de Years of Denial ? Sera-t-il plus ambient ou plus dansant ?

— Nous allons sortir un album, Suicide Disco Vol.2 sur Veyl records.

Si tout se passe comme prévu, il devrait sortir début mars 2023.

On espère aussi faire une tournée internationale et se produire en live autant que possible. Le fait d’être sur la route nourrit la volonté, et nous donne l’objectif de continuer.

Sera-t-il plus ambient ou plus dansant ? La réponse est les deux.

 

Laisser un commentaire

* By using this form you agree with the storage and handling of your data by this website.

This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Accept Read More