Nous avons découvert le musicien new-yorkais Nico Nightingale, plus connu comme Neud Photo, grâce à ses collaborations avec des labels espagnols comme Soil et Fill-Lex Records. L’étape suivante fut de nous submerger dans son intéressante discographie, et découvrir d’autres de ses nombreux projets, comme Ceci N’est Pas, INTRZ, Neud, Polymer ou Wall $Treet. On vous recommande chaudement son EP, DREAMZ, un disque époustouflant qui ne vous laissera pas indifférent. On pourra profiter de son live à l’Ombra Festival, qui aura lieu du 26 au 28 novembre à Barcelone.
—À quand remonte ton intérêt pour la musique ? En grandissant à Detroit, as-tu été en contact avec la techno ou les débuts de l’électro ?
—La musique a toujours gravité autour de moi depuis ma plus tendre enfance. En soi, je ne viens pas d’une famille de musiciens, mais mes parents avaient une certaine expérience du chant et je me souviens qu’ils jouaient du piano et chantaient assez souvent. En ce qui concerne Detroit, la techno était une influence subconsciente, mais l’électro a attiré mon attention de façon plus significative. La New Wave a probablement été le premier genre de musique auquel je me suis identifié.
—J’ai lu que tu as fait partie d’un groupe appelé Consort, même si je n’ai pas réussi à dénicher de références à ce sujet. Quel genre de musique faisais-tu avec eux ?
—Consort était un projet que j’ai commencé avec mon ami Jack Blake (Transient Sun) à Brooklyn. Il s’agit de ma première véritable expérience avec les synthétiseurs vintage et le processus de synthèse en général. Ce projet a été de courte durée, mais prolifique. Il nous a permis de jammer, d’expérimenter et d’enregistrer presque tous les jours pendant un été complet. À cette époque, la scène noise était énorme à New York. On a donc intégré une large part de cette énergie dans notre processus d’écriture, ainsi que dans nos pédaliers de guitare, nos vieux synthés poussiéreux et nos fréquences brutes de décoffrage. On s’est davantage concentrés sur l’expérience en live plutôt que sur l’enregistrement.
—Synthetix, ta première création en tant que Neud Photo a été enregistrée en 2010. On peut aussi dire que c’étaient également tes premières véritables compositions, n’est-ce pas ? Quel équipement as-tu utilisé ? J’ai lu que tu as acheté beaucoup de synthés vintage pour cette occasion.
—La fin de Consort a joué un rôle capital pour mon projet suivant, Neud Photo. Mon ancien partenaire de chez Consort était le plus calé en synthé et j’ai appris quelques techniques de studio grâce à lui. Quand j’ai créé Neud Photo, j’ai essayé de rassembler autant de synthés vintages que possible, principalement des machines Roland et Korg — 808, 909, 707, 606, CR-8000, etc. Les synthés Korg MS-20, Juno 106 et Jupiter 4 étaient aussi essentiels. Le cerveau était un séquenceur Roland MC-50 qui fonctionnait avec des disquettes. J’examinais aussi le matériel de mes groupes préférés de synth minimal et j’essayais d’acheter le même. À présent, je séquence tout avec le Digtakt.
—Avec Open-air Cinema, tu as ajouté énormément de nouvelles influences à ta musique. Que s’est-il passé au cours de cette année entre cet album et le premier ?
—C’est une remarque intéressante. Vers cette époque, j’ai découvert IFM et cette station de radio m’a vraiment ouvert à un large spectre de musique. Ma soif de musique électronique a vraiment commencé à prendre son envol.
—On retrouve une importante influence des années 1980 dans ta musique. Qu’est-ce que tu aimes dans le son de cette décennie ?
—Pour moi, les années 80 ont été la meilleure période pour la musique. Le nombre de groupes et de producteurs intéressants a explosé. C’était une période unique où l’évolution de la musique électronique a emprunté de nombreux chemins fascinants, accompagnée parallèlement par l’amélioration de l’équipement. Une large part de la musique de cette époque avait un aspect vraiment amusant et agréable, aussi bien musicalement que visuellement. Les années 80 ont toujours été d’une grande inspiration pour moi en matière de films, de musique et de mode. C’était une période très artistique qui semble résonner avec moi.
—Martin Pscherer a été la voix de certaines de tes chansons, même si tu as travaillé avec d’autres chanteurs. Que recherches-tu chez un chanteur ?
—Martin est un grand chanteur et il complète ma musique à merveille. J’ai travaillé avec lui depuis le tout début et j’espère qu’on collaborera davantage à l’avenir. J’aime vraiment son style vocal discret et son timbre froid et stoïque. J’ai tendance à être attiré par les voix pleines de charme et d’émotions.
—Quel genre d’images souhaites-tu transmettre avec ta musique ?
—Je ne me concentre pas nécessairement sur la projection d’images, mais je pense que l’atmosphère de mes morceaux induit une sorte d’imagerie visuelle.
—Pour Dimensions/Famous Grouse, tu réalisé une belle collaboration avec le producteur croate Zarkoff.. Comment l’as-tu rencontré ? Est-ce que son travail t’intéresse ?
—J’ai rencontré Zarkoff avec le label Kraftjerkz quand je suis allé en Croatie pour la première fois. C’est un compositeur et musicien vraiment très habile… sans oublier que c’est un gars vraiment cool.
—L’italo-disco t’influence-t-elle ? Est-ce que tu t’intéresses à un artiste de ce genre ?
—C’était le cas avant. Cette musique m’a obsédé pendant un certain nombre d’années. Elle m’a aidé à lancer mes projets italo High-NRG-Neud et Wall Street. Maintenant, quand j’écoute de l’italo, je suis surtout attiré par les sections instrumentales étranges et répétitives qui sont juxtaposées avec des lignes de basse pulsantes et des couches hypnotiques de synthés.
—Pour Neud, l’un de tes projets curieux créé avec Iva Viskovic et Pierre Klein, tu as publié un 12’ en 2014. En conservant la partie « Neud » dans le nom, voulais-tu la faire le lien avec projet principal ? Que peux-tu nous dire sur cette collaboration ?
—C’était un projet vraiment amusant avec Iva Viskovic et Pierre Klein. L’aspect « Neud » du nom lui a donné une dimension plus sexy.
—Avec Pierre, tu as aussi participé à la création de Ceci N’est Pas, un projet plus synth pop et à Wall $ treet. Au cours de ces années (2014-2016), tu t’es concentré sur ces projets parallèles. As-tu ressenti le besoin de faire une pause avec Neud Photo ?
—Oui, c’est toujours une bonne idée de faire une pause afin de pouvoir reprendre son projet avec un œil neuf.
—En 2016, tu as sorti Dystopix. Comment at-il été reçu ? Considérais-tu que tu appartenais à une scène electro ?
—Dystopix semble avoir été assez bien reçu. Je ne pense pas que ce projet soit considéré comme faisant partie de la scène electro, même si j’ai certainement fait usage d’éléments propres à ce genre dans mes beats et mes rythmes.
—Tu as enregistré une cassette pour Soil Records, un label valencien. Je suis en train d’écrire un article à leur sujet. Peux-tu nous parler de cette collaboration ?
—J’ai rencontré Ian (Soil) à Valence quand j’ai joué un set en live avec Orco de Fill-Lex Records. Je me souviens que c’était mon premier live et c’était vraiment bien. Il m’a demandé de lui soumettre des morceaux inédits pour son label.
—Penses-tu que ton son est plus brut dans ton dernier EP Dreamz ? Comment as-tu évolué en ce sens ? (Après avoir écrit cette question, j’ai lu que tu avais dit que ton son est maintenant « beaucoup plus brutal, brut et implacable ? »)
—J’ai commencé à utiliser un sampler pour la première fois et j’ai ajouté de nombreuses batteries et arrangements plus percutants à mes nouveaux morceaux. J’ai trouvé que la synthèse de beats superposés ajoutait vraiment plus de profondeur et de variété à mes chansons. Mon son aussi devenu bien meilleur au début de la pandémie qui a été une période très prolifique pour moi. Je voulais échapper à l’obscurité par l’intermédiaire de la production musicale.
—J’aimerais en savoir plus sur certains de tes projets parallèles. Maintenant que tu ne vis plus à New York, que s’est-il passé avec Xerox (ton groupe avec Chris Campion de Multipleman) ? Et avec Polymer ?
—C’était un projet très inspiré par l’EBM et la musique industrielle. Depuis que je réside en Europe, ces deux projets sont en suspens. Chris avait une approche au son bien plus agressive, ce qui m’a influencé à jouer ma musique de façon beaucoup plus brutale, surtout lors de concerts.
—J’ai été très surpris lorsque j’ai lu qu’au moment de ta dernière visite en Espagne, tu avais acheté beaucoup d’albums de Bakalao. Peux-tu nous dire le nom de certains d’entre eux ? Qu’est-ce que tu aimes dans ce genre ?
—J’ai toujours été fasciné par la scène rave de la fin des années 80 et du début des années 90 à Manchester. Alors quand j’ai récemment découvert la scène Bakalao de Valence, je me suis vraiment senti attiré par elle. Le son de Valence a tendance à être influencé par une variété de styles de musique plus sombres, avec plus de groove et une pulsation plus incisive.
—En 2020, tu es venu à Madrid en tant que DJ. Comment te rappelles-tu cette expérience ? Comment as-tu vécu la pandémie ? Beaucoup de tes concerts ont-ils été annulés ?
—Madrid est l’une de mes villes préférées. J’adore l’ambiance et la communauté musicale là-bas, donc lorsque l’on m’a demandé de jouer à la fête de Fantasia, j’étais vraiment ravi. J’ai joué un set en live et après, j’ai endossé le rôle du DJ. C’était une nuit vraiment trop fun !
Quand la pandémie est arrivée, j’ai été vraiment déçu parce que j’avais déjà une série de dates pour une tournée programmée en Europe. Surtout dans des villes que je n’avais pas encore eu l’occasion de visiter comme Bruxelles, Vilnius et Zurich.
—Étant donné que l’on a pu te voir mixer sur Hor Berlin, j’en ai déduit que tu avais finalement déménagé à Berlin. Comment trouves-tu la ville pour le moment ? Pourquoi avoir choisi de venir vivre dans la vieille Europe ? Quelle est la différence entre Berlin et New York en matière de musique ?
—Berlin est une ville très agréable avec de nombreux parcs et une grosse communauté d’artistes. Côté musique, c’est l’endroit idéal pour collaborer et intégrer les réseaux d’autres musiciens. Vivre à Berlin offre de nombreux avantages par rapport à New York. Déjà, il est plus facile de jouer à proximité d’autres pays européens, car ils sont très proches. Ensuite, la variété de musique ici semble bien plus diversifiée que la scène musicale de chez nous. L’un des avantages de vivre à New York en tant que musicien est que l’équipement vintage est beaucoup moins cher et plus accessible là-bas.
—Quels sont tes plans pour l’avenir ?
—J’ai quelques sorties sur compil’ à venir et un EP complet en préparation. L’un de mes morceaux sortira sur Frigio Records (Madrid) et l’autre chez M.U.S.A (Barcelone). Il se peut que je déménage en Espagne plus tard cette année. J’attends juste que l’arrivée prochaine du visa nomade digital.
—Que peux-tu nous dire sur ton futur live à l’Ombra ? Quel genre de spectacle prépares-tu ?
—J’ai vraiment hâte de jouer au festival Ombra. J’y ai assisté en 2019 et j’y ai passé un bon moment. J’ai été assez époustouflé par les concerts là-bas et je savais que, si jamais je devais y jouer, je devais tout déchirer. Jusqu’à présent, c’est mon festival préféré, sa programmation est absolument géniale. Je suis honoré d’avoir l’opportunité de m’y produire !
Traduction : Rémi Sauze