Photo : Klara Johanna Michel
Normalement, tous les articles des magazines en ligne disposent d’étiquettes qui correspondent, dans notre cas, aux genres musicaux de chaque artiste. Pour cette interview de KVB, on peut, pour une fois, utiliser une grande majorité de nos tags, car la musique du groupe anglais navigue entre plusieurs styles : darkwave, post-punk, musique experimental, shoegaze… On a parlé avec Nicholas Wood et Kat Day, qui joueront au W-Fest le 23 mai.
—Nicholas, ton premier groupe était Man on the Moon, un projet un peu plus country. Peux-tu nous dire quelque chose à ce sujet ?
—C’étaient simplement mes premières expériences à l’écriture et à l’enregistrement de chansons, dans ma chambre. Ça fait longtemps ! Je dirais que je cherchais une ambiance « psych-folk » à l’époque, avant que je découvre les synthés et boîtes à rythmes ou que je puisse me permettre d’en acheter.
— La cassette The Black Sun, sortie en 2010, est la première référence du groupe (tu étais le seul membre à l’époque), n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui t’as fait commencer The KVB ?
—Le projet a commencé comme un exutoire. J’enregistrais des démos pour d’autres groupes, dans lesquels je jouais avec des amis à l’époque. Je n’avais absolument pas prévu de sortir quoi que ce soit jusqu’à ce que James, de Pink Playground, me contacte sur MySpace pour me demander si je voulais faire une cassette avec eux. Ce qui a donné The Black Sun.
—« Never Enough » (pour moi l’une de tes meilleures chansons) est déjà sur cette première cassette. Pourquoi as-tu mis 6 ans avant de la sortir à nouveau ?
—On n’aime pas regarder en arrière trop souvent, mais on a senti que le moment était venu de la ressortir quand on l’a incluse sur Of Desire. On a toujours joué cette chanson en live et il était logique qu’elle apparaisse sur son propre album.
—Après cette première cassette, tu as sorti un 10″ intitulé It’s too Late en janvier 2011, et l’EP Into the Night, en juin. Comment définirais-tu le son de The KVB à ce moment-là ?
—Les 3 premières années, de 2010 à 2013, les compositions ont toutes été enregistrées de la même façon : sur enregistreurs multipistes ADAT et magnétophones. Du coup, je suppose qu’elles ont toutes la même ambiance brute.
—Entre les deux, tu as enregistré Minus One, chez toi, en cinq jours. C’est vraiment impressionnant, étant donné que tu as également sorti un autre 10″ ce même mois. Tu écris toujours si vite tes chansons ? C’était le premier de tes albums à être réédité, en es-tu particulièrement fier ?
—On a essayé de ralentir un peu depuis ce temps-là, vu qu’on a développé et affiné la façon dont on écrit et enregistre. Je pense que la version rééditée de l’album Minus One a permis à plus de gens de nous découvrir.
—Quand Kat a-t-elle rejoint le groupe ? Pendant Subjection/Subordination ou pendant THE KVB EP ? Le processus d’écriture a-t-il changé lorsqu’elle a commencé à faire partie du groupe ?
—Kat m’a rejoint fin 2011. Au début, c’était juste pour les concerts que j’avais prévus, et pour faire des visuels. Mais après un certain temps, on a commencé à travailler ensemble sur la musique aussi. Notre collaboration a concrètement débuté à peu près quand on a sorti Minus One et enregistré Out Of Body.
— As-tu prévu de ressortir toutes ces chansons ? Le groupe vendait une clé USB avec tout enregistré dessus lors des concerts, jusqu’en 2018, non ?
—Oui, on a effectivement vendu une clé USB en édition très limitée en 2018. Je suis sûr qu’un plus grand nombre de nos anciennes compos sera réédité à temps.
—The KVB navigue entre les scènes Goth et Shoegaze, mais vous jouez aussi dans de grands festivals comme le Primavera Sound. Selon toi, où le groupe est-il le mieux reçu ?
—On ne se voit pas vraiment dans une scène particulière, donc on joue pour beaucoup d’événements différents. Jouer lors d’un événement comme le Primavera Sound est génial car le public est vraiment diversifié. On a récemment fait des tournées en Amérique du Nord et la réaction du public nous a complètement pris par surprise, spécialement dans les villes où on ne s’y attend pas, comme Salt Lake City. Ils étaient plutôt… sauvages !
—Le tout premier album du groupe, Always Then, sorti en 2012, contient une reprise de « These Boots are Made for Walkin’ » de Lee Hazlewood. Le groupe a également repris « Sympathy for the Devil », « Taxman » et « Rebel Rebel ». Quelle est ton approche pour reprendre les chansons ? Et pourquoi avez-vous ré-enregistré quatre des chansons de l’album original ?
—Quand on reprend une chanson, on aime se l’approprier, autrement on trouve ça ennuyeux et sans intérêt. On a réenregistré ces 4 chansons de Always Then pour l’EP bonus, car on était curieux d’essayer de les remettre au goût du jour à la façon dont on les avait jouées en live.
—Le groupe a fait appel à certains artistes techno tels que Regis et Silent Servant. Est-ce vrai que Silent Servant a obtenu une cassette du groupe et vous a aidés à signer un contrat avec le label fondé par Regis ?
—Oui, c’est vrai. Je ne connaissais pas vraiment Downwards à l’époque, mais j’ai été honoré qu’il m’ait tendu la main. Cette cassette est vraiment ce qui a permis de lancer le projet.
—Comment avez-vous eu l’idée de l’EP de remix avec Regis, Silent Servant et In Aeternam Vale? Qu’ont-ils apporté à votre musique, d’après vous ?
—Ça faisait un certain temps qu’on voulait que ces gars-là remixent nos chansons. Alors on a demandé à Veronica de Cititrax si elle le publierait et, merci à elle, elle voulait bien le faire. Tous les artistes ont une approche de la manipulation du son vraiment intéressante et les remix qu’ils ont faits ont un attrait intemporel, ce qui les rend d’autant plus intéressants aujourd’hui, et pour les années à venir.
—Est-ce difficile d’être un groupe « DIY » de nos jours, ou pensez-vous que grâce à Internet, c’est un peu plus facile que dans les années 90 ?
—Kat: Pour être honnête, c’est impossible à dire. Comme je suis née dans les années 90, il est difficile pour moi de connaître précisément quelle était l’expérience pour les groupes à ce moment-là. Internet nous a certainement aidés à atteindre beaucoup de gens dans le monde entier, mais j’ai l’impression qu’il est de plus en plus difficile pour les groupes d’atteindre un public de nos jours, surtout quand autant de magazines en ligne et en format papier cessent d’exister.
—Kat, tu as dit que tu ne voyais pas les visuels comme une chose distincte de la musique. Alors, quand vous composez tous les deux, penses-tu déjà aux visuels, ou est-ce quelque chose sur lequel tu ne travailles que pour les concerts?
—Kat: Les visuels sont notre troisième membre. Ils créent l’atmosphère qu’on veut pour les concerts. Dans les situations les plus idéales, plus c’est grand, plus c’est captivant, mieux c’est. À l’heure actuelle, les visuels viennent toujours après avoir réfléchi sur la musique, mais se bornent toujours à des sujets similaires tels que la nature, l’architecture, les corps numériques et ont la claire intention d’affecter les corps, de créer des artefacts analogiques et du haptique. Je me suis vraiment donnée à fond et j’ai récemment créé un ordinateur pour rendre les visuels 3D plus intéressants ainsi que pour contribuer aux visuels du live du projet de mon ami Tommi : groupe A. Ceci basé sur notre amour commun de l’architecture brutaliste.
—Quelle est l’histoire derrière Mirror Being, une compilation de chansons expérimentales et instrumentales enregistrées en 2014 ? Avez-vous essayé de trouver de nouvelles pistes à suivre pour le groupe avec ces chansons ?
—Ces morceaux étaient à l’origine enregistrés pour un projet différent, mais une fois qu’on a commencé à les compiler, on a eu l’idée de les sortir en cassette pour KVB, pour montrer un côté différent de ce qu’on fait. L’atmosphère et les allusions à la cinématique sont évidentes dans nos albums, et on avait bien envie d’explorer le côté plus expérimental de cette atmosphère.
—Avez-vous procédé différemment pour l’enregistrement de Of Desire ? Vous avez aussi compté sur la présence de Geoff Barrow et de ses synthés, non ?
—C’était le premier album complet qu’on a enregistré en studio, et après déjà plein d’albums enregistrés dans notre chambre, ça nous semblait être un changement nécessaire à l’époque. On a beaucoup appris pendant sa création, et les différents synthés et machines du studio nous ont définitivement aidés à explorer de nouvelles idées, à trouver de nouveaux sons qui sont devenus une partie de notre style. Par exemple, c’est dans son studio qu’on a découvert une pédale d’effets appelée PT Delay, inventée par Bugbrand, qui est devenue une partie intégrale de nos paysages sonores ainsi que des textures de feedback lors des live.
—Dans Only now forever, vous avez dit que vous vouliez élargir vos compositions et l’instrumentation. Comment diriez-vous que vous y êtes parvenu ? C’est aussi l’album avec le nouveau synthé OB-6, non ?
—On voulait se concentrer sur la création de la meilleure gamme de chansons qu’on pouvait, tout en restant un album KVB. On a beaucoup travaillé sur l’ajout de mélodies, de variations et de textures, plus que nous n’avions pu le faire sur les disques précédents et l’OB-6 a été très utile pour ça.
—Nous avons interviewé beaucoup de musiciens qui ont déménagé à Berlin. Qu’aimez-vous de la ville ? Avez-vous déjà l’impression d’en faire partie ?
—En fait, on n’est plus à Berlin, on est désormais de retour au Royaume-Uni et on déménage à Manchester. Bien sûr, on adore toujours Berlin, mais c’était un endroit de transit, qui a eu une grande influence sur l’art qu’on y a créé.
—Nicholas, où en est ton projet parallèle Burma Camp, et Saccades ? Que peux-tu nous dire à leur sujet ?
—J’ai presque terminé un autre album de Saccades, mais je ne sais pas quand il sortira. Je ne fais pas grand-chose avec Burma Camp en ce moment, mais je travaille sur des idées pour un projet différent avec Kat.
—Il y a quatre ans, vous avez dit que vouloir faire un court métrage et sa bande-son. Vous y avez pensé ?
—Bien sûr, mais ces choses-là prennent du temps. Les tournées et tout ce qui vient avec nous occupent pas mal, mais on aimerait quand même concrétiser l’idée du film relativement rapidement. Peut-être sous un autre nom.
—Aimez-vous la musique d’autres duos comme Mueran Humanos (vivant également à Berlin) ou Lebanon Hanovre ? Vous trouvez-vous des points communs avec eux ?
—Oui, on a beaucoup traîné avec Mueran Humanos à Berlin et ils sont super ! J’aime particulièrement « Un Lugar Ideal », c’est une bonne chanson pour danser. Pour tout dire, on va jouer avec Mueran Humanos et Qual (le projet solo de Lebanon Hanover) à Leipzig en mai !
—Dans l’EP Submersion, votre dernière sortie en octobre dernier, on trouve un remix par Minami Deutsch. Comment les avez-vous rencontrés ? Vous êtes intéressé par le Krautrock (classique ou moderne) ?
—On a rencontré Kyotaro il y a deux ans, lorsqu’on vivait à Berlin et on a discuté de l’idée d’un échange de remix pendant un certain temps. Oui, on aime le Krautrock, ancien et nouveau, ça a été une grande influence sur notre musique au fil des ans.
—Comment va se passer le concert au W-Fest ?
—Kat: On va jouer un mélange de nouvelles chansons et de classiques, peut-être rejouer certaines qu’on n’a pas jouée en concert depuis quelques années.
Kat revoit également l’arrangement de certains visuels. On est impatients d’y être, et aussi de regarder DAF après !
Traduction : Emmanuelle Ambert