Parfois Facebook vous annonce de bonnes nouvelles : le 23 avril de l’année dernière, une photo où l’on pouvait voir Hélène De Thoury et Amandine Stioui réunies, augurait de bonnes nouvelles pour les fans de Minuit Machine. Ensemble, et avec un superbe disque sous le bras, elles ont répondu à notre interview à l’occasion de leur futur concert au W-Fest. Ne dormez pas : écoutez la musique de la machine de minuit.
—Hélène, vous avez dit que vous aimiez le métal (vous avez même joué dans un groupe électro-industriel pendant 8 ans). Pour tous les deux, au Garaje, le métal était aussi notre premier amour. Selon vous, quels éléments la synthwave et la darkwave ont en commun avec le métal ? Quel genre de métal vous intéressait ?
H : —J’ai l’impression que beaucoup de gens qui écoutaient du métal dans les années 2000 s’ouvrent à la darkwave ces derniers temps. Les similarités qu’on peut retrouver entre ces deux styles sont les émotions profondes qu’ils sont capables de nous faire ressentir. Il y a 10 ans, j’écoutais de nombreux groupes de métal électro-industriels. J’ai toujours aimé les synthétiseurs et l’électronique, qui font toujours partie de ma musique.
—Vous avez également joué dans Phosphor pendant quelques années. Comment vous souvenez-vous de cette expérience ?
H :—C’est une expérience qui a changé ma vie. Ça m’a ouvert un tout nouveau monde. J’ai tellement appris avec Nathalie et Jake, c’est aussi avec eux que j’ai donné mes premiers concerts à l’étranger. C’était dingue, comme un rêve devenu réalité. J’ai réalisé que la musique représentait bien plus qu’un simple hobby pour moi.
—J’ai lu que vous avez posé une annonce, et c’est ainsi que vous avez trouvé Amandine. Où avez-vous posé cette annonce ? Pensez-vous qu’une application comme Tinder pour les musiciens pourrait être utile ?
H :—J’ai posé une annonce sur un célèbre site de musique français : ça a été très difficile de trouver quelqu’un qui partageait mes goûts. J’ai été si heureuse qu’Amandine voie cette annonce et me réponde ! Et oui, ce serait vraiment utile d’avoir ce genre d’application, non seulement pour trouver des collaborations musicales, mais aussi pour trouver des photographes, des réalisateurs, des ingénieurs du son, des designers, des labels, etc.
—Comment s’est déroulé l’enregistrement de votre premier EP, Blue Moon ? Aviez-vous déjà votre propre home studio ?
H :— J’avais déjà quelques démos de prêtes avant de poser cette annonce en ligne. Amandine a composé ses lignes de chant et on a enregistré sa voix dans mon minuscule appartement. À ce moment, il ne s’agissait pas vraiment d’un home studio, haha. Les choses n’ont pas vraiment changé. Je ne vis plus dans cet appartement, mais j’enregistre et je compose la plupart de ma musique dans ma chambre. Amandine enregistre ses voix dans la sienne, et ensuite, je mixe le tout.
—Votre premier album, Live & Destroy, sort en 2014. Que pensez-vous de cet album maintenant ?
A :—On adore toujours cet album. Je pense qu’il nous a donné une identité et qu’il nous a permis d’atteindre un public qui nous suit toujours aujourd’hui. Il fait partie de l’histoire de Minuit Machine, et même si on pense que notre style a évolué au fil des années, chaque chanson de cet album signifie beaucoup à nos yeux.
H :—J’adore encore toutes les chansons de l’album et je ressens encore les émotions profondes qui en émanent. Cependant, j’entends que j’ai amélioré ma production depuis, haha.
—Existe-t-il une possibilité que vous sortiez de nouveau votre premier EP et votre premier album ? Sur Discogs, c’est difficile de trouver une copie de Live & Destroy, et quand quelqu’un en vend une, elle est très chère.
A :— Oui ! Live & Destroy devrait sortir sur CD et vinyle ce mois-ci 🙂. L’EP n’a jamais été sorti en copie physique, mais qui sait, peut-être un jour ?
—Amandine, vous écrivez les paroles. Quelles sont vos sources d’inspiration ?
A :—Mes paroles parlent le plus souvent de mes pensées et de mes sentiments. Elles sont inspirées de toutes les émotions par lesquelles je passe, et certains événements de ma vie personnelle. Elles sont comme un journal. Les paroles d’Infrarouge ont aussi été influencées par les crises actuelles de notre monde, comme le réchauffement climatique ou les tueries de masse.
—Violent Rains est votre deuxième album. Pensez-vous que le travail au niveau des synthés et des boîtes à rythmes se soit amélioré ? Écoutez-vous de la musique électronique ?
A :—Personnellement, je pense que chaque album est meilleur que le premier. Je suppose que c’est surtout à cause de nos goûts personnels qui évoluent, on compose de la musique qui correspond à ces goûts. J’écoute principalement de la musique électronique : dark techno, EBM, dark wave…
H :—Il est clair que la production s’est améliorée, le mix tout particulièrement. Du coup, les synthés et les boîtes à rythmes ont un meilleur son. On entend également mieux les voix et les paroles. Pour le moment, j’écoute principalement de la musique électronique. D’ailleurs, la musique m’ennuie très vite s’il n’y a pas d’électronique.
—Vous avez remixé des artistes, y compris Empathy Test (on les a aussi interviewés) et Ash Code. Qu’essayez-vous d’ajouter aux remix que vous faites ou qu’essayez-vous de changer afin que la chanson soit différente ?
H :—En général, je conserve la ligne de basse et la voix, et je coupe tout le reste. Je recompose les batteries et certaines mélodies. Je ne pense pas à la version originale. J’essaie aussi de donner une atmosphère différente à la chanson.
—Que s’est-il passé pendant la pause de trois ans ? Le groupe s’est-il séparé ?
A :—Oui, on s’est séparées, car notre relation professionnelle était trop tendue, et on n’arrivait pas à trouver un moyen de l’améliorer. Je pense qu’on avait juste besoin d’un peu de temps pour comprendre quels étaient nos problèmes. C’était la meilleure décision à prendre, car maintenant nous sommes très fortes et très proches. On se fait confiance à 100 % d’un point de vue professionnel et personnel.
H :—Ça nous semblait tellement évident qu’à ce moment, la seule solution plausible était la séparation. Maintenant, je ne m’imagine pas faire tout ça sans elle.
—En 2016, vous avez créé votre propre label, Synth Religion, et, quelques mois avant, votre propre studio. Synth Religion a sorti quelques albums, y compris le premier de Fragrance. Comment vont les affaires avec le label ?
H :—Très bien ! J’ai créé le label pour sortir le premier album de mon projet solo, Hante. puis très vite, j’ai commencé à sortir les albums d’autres groupes. Maintenant, on est comme une famille. Hante., Minuit Machine, Box and the Twins, Fragrance. et Marble Slave sont les artistes principaux du label, et on est tous de très bons amis. On adorerait sortir plus de matériel, mais on n’a pas assez de temps pour le moment.
—Le label a aussi organisé deux éditions de Forgive Me For My Synths, un événement gratuit avec des groupes de synthwave français qui a eu lieu à Paris. Que pouvez-vous nous dire de ces événements ?
A :—C’est une bonne question, car maintenant, on est en train de développer le label pour le faire évoluer au niveau supérieur. L’événement Forgive Me for my Synths promeut la musique électronique alternative. On invite les groupes qui nous plaisent et on invite les gens à venir les découvrir. Notre but est d’organiser d’autres fêtes de ce type, avec des groupes lives, des sessions de DJ, dans des salles plus grandes.
H :—On organise aussi des présentations Synth Religion à l’étranger. La prochaine aura lieu à Munich, à la fin du mois de mars. C’est passionnant, même si, une fois qu’on regroupe tout, ça représente énormément de travail !
—Maintenant qu’on en parle, que pensez-vous de la scène synthwave en France ?
A :—Je sens que, ces trois dernières années, notre musique, qui était considérée comme très alternative, est devenue de plus en plus populaire. De nombreux événements à Paris et en France font la promotion de la darkwave ou de la minimal wave. Mais il y a encore beaucoup à faire pour promouvoir la scène alternative dark.
H :—J’ai également senti un changement. Je pense que c’est grâce à des groupes comme Lebanon Hanover ou encore Boy Harsher, qui sont devenus très populaires et qui ont dévoilé cette scène à un plus grand public. Je ne connais pas la situation dans les autres pays, mais en tout cas, ça a vraiment aidé à développer la scène à Paris.
—Quels sont vos synthés préférés ?
H :—Korg Minilogue et Monologue, Waldorf Steichfett
—Infrarouge est le troisième album du groupe. Était-ce facile de composer des chansons à deux de nouveau, après avoir travaillé seule dans votre projet Hante. ?
H :—Ça a été très facile ! Il existe une véritable alchimie entre ma musique et les voix/paroles d’Amandine. Dans Hante., je suis souvent très frustrée, car j’ai des difficultés avec la voix la plupart du temps. J’adore chanter, mais j’ai souvent beaucoup de mal à reproduire ce que j’ai en tête. Dans Minuit Machine, c’est libérateur : je compose la musique, que je donne ensuite à Amandine, qui fera des miracles avec.
—Selon vous, comment a évolué le son de Minuit Machine au fil des ans ?
A :—Je pense qu’il est devenu de plus en plus « techno ». Je parle plus particulièrement d’Infrarouge, qui selon moi, est très différent des autres LP. Nos goûts musicaux ont évolué, évidemment. On écoute de plus en plus de techno, de darkwave uniquement composée avec des synthés. Mais même si notre son a évolué, je suis certaine qu’il présente toujours une forte identité à la Minuit Machine.
H :—Pour être honnête, je n’en ai aucune idée. Il a évolué avec nous, nos sentiments, les événements qui se sont produits dans notre vie, nos influences. J’ai lu des choses complètement différentes dans les médias. Pour certains, le son n’a pas (assez) changé. Pour d’autres, le nouvel album avait un son (trop ?) différent. Je ne sais pas, c’est juste nous, ce qu’on est, ce qu’on aime.
—« I Am a Boy », une chanson de votre EP, a été remastérisée pour ce nouvel album. Est-ce une chanson à propos des problèmes d’identité sexuelle ?
A :—Non. La chanson décrit ce qu’on appelle la dysphorie de genre. En fait, cette chanson parle surtout d’accepter qui on est, ce que l’on ressent, même si cela ne correspond pas forcément à l’image que les gens ont de vous.
—Vous êtes toutes deux de grandes fans de cinéma. Pourriez-vous nous citer quelques noms de réalisateurs avec lesquels vous souhaiteriez travailler ?
A :—Gus Van Sant, Lars Von Trier, Xavier Dolan
H :—Wes Anderson et Michel Gondry
—Pensez-vous que c’est le bon moment pour être un groupe synth ? Des séries TV comme Stranger Things les ont remis à la mode, et même les métalleux écoutent Perturbator et d’autres groupes synths.
H :—Oui ! J’espère que ça durera !
—Comment vont les choses avec votre projet Hante.? Vous avez sorti un nouvel album au début de l’année, c’est ça ?
H :—Oui, j’ai sorti FIERCE en janvier 2019. Je suis partie en tournée aux États-Unis et j’ai joué dans des festivals cet été et au printemps. En novembre, j’ai également joué en première partie de Boy Harsher, puis en tête d’affiche d’une tournée avec Sølveig Matthildur de Kælan Mikla. J’ai déjà de nombreux événements passionnants prévus pour 2020, comme une tournée en Amérique du Sud avec les deux groupes. Je travaille dur pour ces deux projets, Hante. et Minuit Machine. Ça demande beaucoup d’organisation.
—Que pouvez-vous nous avancer sur votre futur concert au W-Fest ?
—A: C’est une question difficile, car on ne prévoit jamais nos concerts à l’avance 🙂 On aura quelques nouveaux morceaux ajoutés à notre set, mais on jouera toujours les hits de nos albums précédents.
—H: On a vraiment hâte de jouer aux côtés de tous ces supers groupes ! On va bien s’amuser.