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Interview: In Aeternam Vale

par François Zappa

De tous les artistes étonnants que nous avons découverts grâce au label Minimal Wave, l’inclassable projet électronique In Aeternam Vale est, sans aucun doute, celui qui m’a le plus surpris. Dans les notes de la première compilation sortie en 2009, j’ai pu apprendre que le projet français avait déjà une grosse discographie de plus de 200 sorties dont nous n’avons vu qu’une petite partie. De matériel inédit et d’autres choses, nous avons parlé avec Laurent Prot dans cette nouvelle interview. Ce sera l’un des lives à ne pas manquer au à l’Ombra qui aura lieu la semaine prochaine !!!!

— Tu as d’abord commencé comme guitariste dans un groupe punk appelé Sordid Blanket. Quels souvenirs as-tu de cette époque ? Que signifiait le punk pour toi ?

— C’était une époque démente. On était jeunes et fous, et complètement débiles, il faut dire. Le punk était utopique, énergique et cynique, porteur d’un typhon de possibilités et de liberté, qui à nos yeux était à l’opposé du vieux mouvement hippie qu’on trouvait apathique.

— Tu as nommé Flying Lizards, The Normal, PIL, Yello, Kraftwerk, Throbbing Gristle, Suicide et Ravel parmi tes influences. Au Garaje, on ne parle pas suffisamment de Flying Lizards à notre goût. À ton avis, comment ils t’ont influencé ? Sur la façon de décomposer une chanson ?

— Absolument, la première fois que j’ai entendu une de leurs chansons à la radio, c’était « Summertime Blues » et je pense toujours qu’ils en ont saisi l’essence. C’est sans doute pour ça que j’ai eu envie de faire des reprises, moi aussi.

— Ensuite, en 1983, tu as créé In Aeternam Vale. Au début, c’était un groupe de trois membres, n’est-ce pas ? Vous comptiez conserver le format du groupe de rock ?

— Nous étions 4, le chanteur, qui jouait aussi du violon, le guitariste, le bassiste (moi) et un batteur. Je dirais qu’il s’agissait d’un format prévu pour la scène, car on avait l’idée de se produire. Par contre, on n’avait même pas d’endroit pour répéter ou de morceaux. On était juste quatre types, qui jouaient au même endroit au même moment.

— Comment et quand as-tu eu ta première boîte à rythmes et ton premier séquenceur ? Quand as-tu commencé à t’intéresser à la musique électronique ?

— Quand j’ai cessé d’être intéressé par la scène et que j’ai voulu produire et enregistrer dans ma chambre, j’ai acheté un SR-88 et un CS-01 que j’ai branchés sur mon ampli de basse.

— Éructation et Vocifération, si je ne me trompe pas, était ta première sortie (1984). À cette époque, la musique était plus industrielle et expérimentale. Comment s’est déroulé l’enregistrement ?

— L’enregistrement était merdique et la musique approximative, les idées la plupart du temps n’étaient pas très claires non plus.
C’était un enregistrement typique d’une chambre, réalisé avec très peu de technique. La première piste était à droite, le réenregistrement à gauche, et y’avait pas de mixage.

— Depuis 1985, tu mènes le projet en solo. Que s’est-il passé ? Tu trouvais qu’il était plus facile de faire ce que tu voulais tout seul ?

— C’était un peu plus tard, disons en 1986 ou en 1989 mais j’ai toujours travaillé avec des artistes invités, comme aujourd’hui.

J’imagine que la principale raison à ça, c’est que je produisais n’importe quand, alors c’est devenu mon projet.

— Tu as parlé à plusieurs reprises de ton intérêt de l’improvisation. D’où venait-il ?

— Je ne sais pas exactement mais l’improvisation peut produire le meilleur et le pire. J’aime l’idée d’une musique spontanée et éphémère.

— Garde Au Sol Productions fonctionnait bien ? Tu as vendu beaucoup d’albums ?

— Haha, c’était très artisanal. Je partageais et distribuais des cassettes audio à des amis et d’autres labels de l’époque (1982-1990). Je pense qu’au moins 500 ont été produits et vendus.

— Étais-tu en contact avec d’autres pionniers de l’électronique dans les années 80 ? J’ai lu quelque chose à propos de Jean Louis Costes.

— Oui. Je ne vais pas te donner la liste complète ici, mais Jean-Louis et moi avons composé quelques morceaux sortis sur son label, Ma musique sur ta musique, au milieu des années 80.

— Tu as composé du dub techno, du proto EBM, du New Beat, de la coldwave tout en étant assez isolé de l’extérieur. Quand as-tu découvert la vision de ces genres par les « autres gens » ?

— Absolument, j’étais complètement isolé, J’ai appris les noms donnés à ces genres par la suite.

J’ai découvert la vision des autres grâce à la musique que mes amis, Pascal Aubert, Didier Gibelin et Philippe Tona m’ont fait écouter.

— Malgré tes pas dans la techno, tu n’aimes pas vraiment les clubs. Tu aimes composer de la musique sur laquelle on peut danser ?

— Oui, et c’est un processus égoïste. J’aime faire de la musique qui pousse ceux qui l’écoutent à hocher la tête, agiter le poing et danser dessus.

— Comment décidais-tu du matériel que tu allais sortir ? Comme on peut le voir dans les dernières compilations de matériel inédit, tu as laissé quelques joyaux dans le placard.

— Des joyaux ? Je ne sais pas. Peut-être juste des morceaux inouïs qui peuvent parfois surprendre l’oreille. La plupart du temps, ma décision est rapide et spontanée, si je trouve que ça a du sens.

— Il est assez difficile de retracer l’évolution de ta musique, car tu as enregistré beaucoup de cassettes. Tu as beaucoup de matériel inédit et chaque album comporte plusieurs styles différents mais… à ton avis, quand ta musique a évolué vers une orientation plus « chanson », par rapport à tes sorties plus expérimentales des débuts ? Avec Nourriture Liquide ? Première Rétrorythmie ?

— Dans ces 2 albums, c’est Pascal Aubert qui a écrit et interprété 80 % des chansons.
Au début, c’est vrai, il était plus porté sur les cris et les hurlements, façon performance vocale. Je me souviens que le changement est venu naturellement avec le temps, lorsqu’il a commencé à chanter les textes et les paroles qu’il écrivait.

— J’a trouvé des points communs entre « Rock Around the Aspirateur » et certains morceaux des Residents. Tu t’intéressais à leur musique ?

— Oui, je suis un grand fan de The Commercial Album, d’Eskimo et de Diskomo.

— Quand as-tu commencé à utiliser des samples ? Comment ça a changé ta façon de travailler ?

— En 1986, je pense. J’avais un mini rack d’effets, la Boss RSD10, un seul sample et aucun moyen de le sauvegarder. Puis la boîte à rythmes Korg DDD1 est arrivée, avec une option de sampling, ainsi que le Roland MKS 100.

C’était des machines très limitées mais qui ont changé ma façon de travailler. Elles complétaient les synthés analogiques et les boîtes à rythmes, et élargissaient les possibilités créatives.

— Tu as nommé l’une de tes cassettes Dub et tu as fait de la « techno influencée par le dub » comme dans Dust Under Brightness or La Piscine. D’où venait cette influence ?

— Je ne sais pas exactement, mais je pense que ça vient du Bedroom Album de Jah Wobble.

— Tu as fait beaucoup de reprises. Comment décides-tu de reprendre telle ou telle chanson ?

— Il faut qu’elle me plaise.

— Tu peux nous parler de ta collaboration avec la chanteuse espagnole Anneq ? Tu l’as rencontrée en 2011, n’est-ce pas ?

— Fin 2012 en fait. On a bavardé un moment et après quelques mois, on a décidé de bosser ensemble. J’aime sa voix profonde et j’ai adoré composer de la musique pour l’accompagner.
J’aime le faire de cette façon.

Puis Anneq a convaincu Veronica Vasicka de Minimal Wave de les publier.

— Quand as-tu commencé à fabriquer ton matériel ? Quelle est ta plus belle réussite, selon toi ?

— Il n’y a pas si longtemps, peut-être en 2012, j’ai commencé à construire mes propres synthés modulaires. Mon préféré est une valise 9 U Doepfer dans laquelle j’ai mis trois VCO, un oscillateur complexe, quatre LFO, quatre ADSR, deux VCF, un filtre, des VCA, quatre séquenceurs, une interface midi, un retard analogique, une réverbération analogique et une distorsion à tube sous vide.

— En paraphrasant l’un des albums de Frank Zappa, selon toi : l’humour a-t-il sa place dans la musique expérimentale ?

— Oui, c’est sûr. Pas seulement dans la musique expérimentale d’ailleurs, sans doute dans toutes les autres formes d’art. C’est ce que je pense. Sinon, autant s’allonger sur les rails et attendre que le train passe.

Bref, dans la techno à mon avis, si humour il y a, c’est dans le « décalage » que le producteur va distiller dans le morceau, dans les mots, les paroles et les sons.

— Tu as enregistré/tourné sous le nom de Solid State avant de rencontrer Vasicka. Tu peux nous décrire la musique de ce projet ?

— Honnêtement, elle ressemblait à celle d’In Aeternam Vale. C’est juste que j’en avais marre de ce nom.
Ensuite, Veronica a de nouveau dévoilé ce nom en 2009.

— Que pouvons-nous attendre de toi à l’avenir ? De nouveaux morceaux ?

— Je ne suis pas aussi prolifique que mon bon ami Christophe Petchanatz de Klimperei mais je sors régulièrement de nouveaux morceaux sur mon Bandcamp.

— J’adorerais avoir ta discographie complète sortie sur Vinyl-On-Demand. Ta musique correspond parfaitement au style qu’ils publient. Tu es en contact avec eux par hasard ?

— D’après ce que je sais, ce sont des gens très occupés.

—Que nous réserves-tu pour ton live à l’Ombra ? Je t’ai vu à Milan en 2015 avec Vessel et Silent Servant, quel line-up !

— Tu peux t’attendre à tout, j’ai pas encore pris de décision là-dessus.

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