Peu de producteurs ont un son aussi caractéristique qu’Umwelt, facilement reconnaissable avec son électro futuriste, sa techno puissante et son matériel plus ambient. L’année dernière, il nous a surpris avec l’époustouflant Dead Eyes Society, sans aucun doute, l’une des sorties de 2022. Nous pourrons le voir en live la semaine prochaine à l’Ombra lors d’une journée qui ravira les amateurs d’électro.
—Comment es-tu arrivé à la musique électronique ? Tu as cité B.W.P. Experiments et le label Direct Drive comme premières influences. Tu écoutais uniquement cette électro/trance ou tu aimais aussi l’électro ?
—Tout a vraiment commencé avec l’arrivée de la new beat en 88 sur les ondes radio et mes premiers achats de vinyls maxi 45 t . C’est à ce moment-là que j’ai vraiment commencé à mixer et à m’intéresser à la musique électronique. En 91 avec l’arrivée de Radio Maxximum, c’était carrément la folie, ils retransmettaient en direct les premières raves parisiennes. En 93, le phénomène Rave est arrivé à Lyon et j’ai eu la chance de me retrouver au même moment dans le premier lieu underground “l’Hypnotic” et animateur de l’émission radio “Teknoland”.
Là, c’était devenu vraiment sérieux et les connections ont commencé à se faire avec la Belgique et notamment le krew BWP Experiment avec Deg et Acid Kirk qui m’ont beaucoup influencé; leur musique et leurs sets étaient incroyables. Direct Drive et Adam X ont été aussi une grosse influence avec ce son techno industriel et dark; c’était vraiment nouveau comme vibes à l’époque.
J’ai decouvert les premier maxi electro un peu plus tard en 95 avec Drexciya mais surtout à la fin des années 90 debut 2000 lorsque la scène electro etait vraiment très prolifique avec les productions d’Anthony Rother, des labels comme Electrix, Scopex, Satamile, Breakin, Rotters Golf Club … Il y avait aussi beaucoup de maxis techno qui proposaient un track electro breaks sur la face B. Pour moi, c’etait l’âge d’or de l’electro.
—Tu as avoué admirer Fixmer et The Hacker. À ton avis, comment ces deux producteurs t’ont influencé ?
—Oui j’ai beaucoup de respect pour eux car se sont des artistes francais importants pour la scène actuelle. Ils sont toujours restés fidèles à une certaine esthétique, ont influencé et influencent plusieurs générations.
—Comment était la scène techno/electro à l’époque ?
—Dans les années 90, en France, la scène electro était vraiment très underground, il y avait tres peu de DJs qui jouaient ces sons. Je crois que c’est vraiement au moment de la sortie de l’Album d Sex With The Machines sur le label techno a Kanzleramt que les Djs et le public ont commencé à s’interesser à ce style. Mais c’est toujours resté un style très underground.
—Avec Rave or Die, tu as créé un label artistique et conceptuel très caractéristique. Pour le concept, tu as dit que tu demandais au producteur invité de chercher son côté raver. Comment sélectionnes-tu les artistes pour faire un split ? Que peux-tu nous dire de ton EP avec le légendaire DJ espagnol Óscar Mulero ?
—Oui c’est exactement ça, d’exprimer son côté Rave. Ce qui est très intéressant c’est que chaque artiste a une vision, une expérience et un background différent.
Pour Óscar je lui avais parlé du projet et il a immédiatement adhéré et c’était un grand honneur de l’avoir sur le label.
—Tu presses des vinyles chez toi, c’est ça ? Quand as-tu commencé ? Est-ce que tu réalises la majeure partie de ta production de cette façon ?
—Dans mon studio, j’ai une machine à graver des vinyles à l’unité, cela permet de me faire quelques dubplates pour mes sets ou des quantités ultra limitées sur certaines sorties du label.
—Tu as commencé à sortir du matériel en 1997 avec l’album Zeltron. Quel genre de matériel tu possédais à l’époque ?
—Ma première bonne configuration studio avec laquelle j’ai sorti mes premiers EPs était celle-ci : TR808, TR505, SH101, Juno 106, JX 3 P, Polysix, FX et Cubase sur Atari 🙂
—En parlant de matériel, tu as dit que tu n’utilisais que du hardware, pourquoi ? Ça t’aide à être plus créatif ?
—Oui j’ai pourtant testé les Softwares et plugins. Au début c’était cool car plein de nouvelles possibilités s’ouvrait à moi, mais au final je perdais en spontanéité et créativité. C’est pourquoi je suis très vite revenu au hardware. Avec le hardware t’es un peu plus limité , tu dois faire avec la machine et cela pousse ma créativité , c’est plus direct, tu cogites moins!
—Dans certains de tes travaux suivants, tu as commencé à faire de l’électro, comme dans Tchoukar:EP et …City. Umwelt est comme un environnement (la signification en allemand). À ton avis, tes fans l’ont bien compris ? Était-ce difficile au début de sortir des styles différents sous le même nom ?
—Oui je n’ai jamais développé de side projet, je n’aime pas les étiquettes que l’on colle sur un artiste: Électro, Techno, acid… pour moi il n’y a pas de préférence, il faut juste que le track me plaise et que je ressente une émotion ou une énergie.
—Comment composes-tu ta musique ? Tu as dit que tu suivais principalement ton instinct et que tu te basais sur tes sentiments.
—Oui c’est exactement ça, je ne cherche pas à faire une chose précise et j’aime bien développer des EPs ou Album en rapport à l’esthétique du label comme pour mon dernier album sur Monnom Black qui explore le côté plus Techno.
—J’aimerais discuter d’une phrase que tu as prononcée : Je fais de la musique en tant que DJ, je ne me préoccupe pas beaucoup du son. Que veux-tu dire par là ?
—J’étais DJ avant d’être producteur, et très souvent quand je compose des tracks je pense à un lieu dans lequel il pourrait être joué et l’effet que cela pourrait avoir. Une sorte de fantasme personnel 🙂
Même si j’essaie à la fin d’avoir un son cool ça n’est pas ma priorité, et c’est probablement ce qui rend mon son atypique. Je suis d’ailleurs toujours surpris quand un autre artiste me demande mes secrets de production alors que c’est vraiment artisanal et assez expérimental dans le procédé.
—Ta musique est empreinte d’une certaine mélancolie. Tu essaies de l’incorporer ou ça te vient naturellement ?
—Oui la mélodie et l’émotion sont deux choses que je recherche très souvent. J’aime bien l’idée que mes morceaux soient aussi bien joués en soirées qu’en écoute tranquille chez soi. Comme je ne suis pas trop “DJ tool”, il faut toujours qu’il se passe quelque chose.
—Dans tes albums, tu as essayé différentes choses, par exemple Abandon In Place, qui est plus ambient. Considères-tu que c’est un album à écouter à la maison ? Et qu’est-ce que tu écoutes chez toi ?
—Abandon In place et Subversive Territory sont clairement des projets plus conceptuels, comme une bande-son que chacun interprète à sa façon.
—La science-fiction a été une influence importante dans ton travail, principalement pour les concepts. Y a-t-il des œuvres qui t’ont particulièrement influencé ?
—La science-fiction, la dystopie, le fantastique sont des thèmes qui m’influencent. Comme la filmographie et les thèmes s par David Cronenberg par exemple.
—D’où t’est venue l’idée de Planeta de las mujeres ? C’est l’une de tes sorties où la musique correspond parfaitement au concept, et te laisse imaginer un de ces films de science-fiction des années 50.
—J’étais tombé sur ce film des années 60 totalement par hasard sur internet et j’avais trouvé le titre intéressant pour un EP . La domination, l’extinction d’un genre ou d’une espèce a toujours été très utilisé dans la SF comme “The last man on earth”, “La planète des singes”….
—Ma femme, qui est une grande fan de ta musique, dit que le son qui te caractérise apparaît pour la première fois dans l’EP Post Humain. Le considères-tu comme une sortie spéciale ?
—Oui, Post Humain sur Satamile est le LP qui comme mon EP sur Kommando 6 à la même période définira davantage mon style. À l’époque, le label Satamile était un label très important sur la scène electro, c’était énorme pour moi d’y produire un EP puis un album.
—Subversive Territory, était une sorte de musique de film, plus ambient encore et composée pendant la pandémie. Tu voulais partager partager tes doutes et tes peurs ? L’as-tu imaginé comme un film ?
—Les confinements, le virus, les informations, les morts, les malades plus ou moins graves, les vaccinations … bref l’ambiance était particulièrement surréaliste et au final très dystopique. Cela m’a probablement influencé, mais je pense que c’est plus particulièrement la BD de Yann Legendre “Flesh Empire” que j’ai lue pendant le confinement qui m’a poussé un peu plus dans ce projet. Je me suis lancé d’en une sorte d’illustration sonore, un BO des dessins magnifiques de Yann. Quand j’ai terminé l’album, je lui ai demandé s’il était partant pour illustrer Subversive Territory. Il a immédiatement adhéré au projet qui a vu le jour quelques mois plus tard.
—Ton dernier travail est encore une fois une techno puissante, intitulée Dead eyes Society et sortie sur Monnom Black de Dax J. C’est un travail sur la société aveuglée par les politiques, les gouvernements et les médias. À ton avis, la musique peut ouvrir les yeux du public ?
—Ça serait prétentieux et illusoire de le penser, je pense. Il n’y a pas de paroles sur mes titres, je peux juste tenter de faire passer un message par les titres et le style du track (dark, melancholic …).
—Quels sont tes projets pour l’avenir ?
Continuer à aimer ce que je fais et garder la passion toujours vive. Des nouveaux EPs et des projets collab arrivent en 2024 …
—Que peut-on attendre de ton live à l’Ombra ?
—De la puissance et de l’obscurité 🙂