Si vous avez commencé à sortir dans les années 80, vous devez sûrement connaître les chansons de Robotiko Rejekto et Microchip League. Ils ont fait danser des générations jusqu’à épuisement sur les pistes et ils le feront encore quand nous serons morts. Nous avons interviewé Ralf Henrich, qui jouera en live la musique des deux groupes à Madrid, lors du DarkMad, le 25 octobre. Une partie de l’histoire de la musique électronique.
—Votre premier projet s’appelait Axodry. Vous l’avez monté en 1983 avec Talla 2XLC, que vous avez rencontré au travail. Quelles étaient vos influences à l’époque ?
—Dans les années 70, mes groupes préférés étaient Sweet, Rainbow et Kiss. Les structures harmoniques de Sweet m’impressionnent encore aujourd’hui. Plus tard, mon approche musicale était influencée par le funk, la soul et le r&b, comme Grandmaster Flash and the Furious Five, Sugarhill Gang, Isley Brothers, Cameo, Shalamar, etc. Au début des années 80, j’ai commencé à m’ouvrir au mouvement new romantic wave. Les sons de groupes comme Clan Of Xymox, Dead Can Dance, This Mortal Coil, David Sylvian, Japan, Peter Nooten et Michael Brook (le magnifique chef-d’œuvre Sleep with the Fishes) et Depeche Mode sont mes préférés. Les artistes comme Gary Numan, John Foxx, Front 242, Yellow Magic Orchestra, Frontline Assembly, Brian Eno, étaient également très importants pour moi. Pour tous les différents styles musicaux que je viens de mentionner, la chanson et la structure harmonique sont les critères décisifs pour que j’aime une composition.
—Pourquoi ne pas avoir sorti un album complet d’Axodry malgré le gros succès des singles ?
—À l’époque, Talla et moi on produisait beaucoup de musiques différentes. Je pense que c’était une question de temps. En outre, le label Westside ne voulait pas en entendre parler.
—Vous avez sorti une nouvelle chanson sous cet alias, « Be a Fashionista » il y a deux ans. Est-ce que vous avez prévu de sortir plus de chansons ?
—Et aussi « This Is My Light ». The Last Days, le nouvel album de Robotiko Rejekto, est fini. Maintenant, je travaille sur un nouvel album de Microchip League 2.0. Après ça, au printemps 2020, ce sera au tour d’Axodry 🙂
—Après Axodry, vous avez monté Moskwa TV, avec Talla2XLC de nouveau. Vous avez enregistré le classique Dynamics and Discipline. 34 ans plus tard, quel est votre avis sur cet album ?
—L’album a été créé avec Kurt Ader, Alexander Henninger, Talla et moi. On l’a composé en 5 jours. On a reprogrammé la plupart du matériel dans mon propre studio, chez moi. J’adore cet album, car on l’a fait en toute liberté et on a laissé parler notre créativité. On s’est beaucoup amusés dans le studio. Mais… j’aimerais qu’il comporte plus de morceaux comme « Gen 7/8 ».
—Lorsque je lis Wikipedia pour trouver des informations sur The Sound of Frankfurt, je vois principalement votre nom et les noms de vos groupes. Que pouvez-vous nous dire de plus sur cette scène ?
—C’est moi qui ai fait la musique. Ne pensez pas aux noms et aux mouvements. Aujourd’hui, je vois différemment les choses. On est un groupe de musiciens qui compose énormément de bonne dance électronique. Talla arrivait très bien à sentir les nouvelles tendances, et il était un excellent networker et DJ.
—Vous avez aussi sorti quelques singles sous un différent alias et avec d’autres musiciens : The S:Sense, Sons of Nippon, Technoid, Project One. Lequel vous paraît plus intéressant ?
—S:Sense était un projet unique. On a composé et produit la chanson, mais elle n’aurait pas pu être incluse dans d’autres projets. C’est pour ça qu’on a donné ce nom, S:Sense. On savait qu’on n’allait pas continuer sur cette voie. En principe, tous ces projets étaient prévus avec différents artistes invités, et aucun album ou continuité n’étaient prévus. C’était juste un amusement.
—Avec SA42, on a parlé de l’utilisation de nombreux alias. Pourquoi avoir sorti autant de singles sous autant de noms ?
—Comme je viens de le dire, c’était juste pour m’amuser. Je n’avais rien de prévu. Mais avec le recul, je pense que j’aurais dû me concentrer sur des projets fructueux, en moins grand nombre. C’est ce que je fais désormais, avec Robotiko Rejekto, Axodry, MCL 2.0 et Pyrrhus Rage. D’ailleurs… j’ai fait un remix de SA42 il y a un moment.
—Quand avez-vous commencé votre projet Robotiko Rejekto ? Que signifie son nom ?
—Robotiko Rejekto est basé sur une histoire de science-fiction roumaine sur deux gars roumains. C’était une idée de Talla 🙂
—Pour votre premier single, Rejekto !, les paroles sont en roumain. Pourquoi avoir choisi cette langue ? Maintenant, cela constituerait un choix tout sauf commercial.
—On voulait faire quelque chose de différent. Un ami de Talla était Roumain, du coup, on a eu l’idée de chanter dans une langue qui n’était pas typique. Notre succès prouve qu’on a eu raison.
—En 1990 sort le premier album de Rototiko Rejekto : The Cyber Space (bien que le nom du LP comportait une erreur, Cyper Space) Comment s’est passé l’enregistrement de l’album ?
—C’est ZYX et le gars qui s’occupait des graphismes qui ont fait cette coquille. Mais ça n’a jamais vraiment dérangé personne. On a enregistré avec un tascam et un très vieil enregistreur Allen and Heath recording mixer. Pour le séquenceur, j’ai utilisé mon MSQ-700. Mon vieil ami Kurt Ader a amené son synthé au studio et on a enregistré beaucoup de chansons et de matériel pour cet album.
—Saviez-vous que la musique de Robotiko Rejekto était célèbre à Valence ? Lors de ce qu’on a plus tard appelé ‘La ruta del bakalao’, votre musique était très populaire.
—C’est vrai ? Wow, à l’époque, je ne savais pas ! Je travaillais tous les jours dans mon studio et je ne faisais pas de réseautage comme Talla. En plus, Internet n’existait pas. C’est le label qui me fournissait les infos, et parfois avec du retard. Mais ces dernières années, j’ai réalisé que les fans de musique espagnols sont incroyables. Pareil pour les Latino-Américains. J’en suis très reconnaissant. Et on est prêts à jouer pour nos fans.
—Après RR, vous avez sorti deux albums avec Whispering Colours. Ils sont moins électroniques et plus pop/rock. En aviez-vous assez des machines ? Pensez-vous que ces albums constituent un pas en avant par rapport à ce que vous avez fait plus tard ?
—C’était complètement différent. Avec Rainer Horneck, on était très influencés par la musique de 4AD, David Sylvian, Brian Eno, etc., etc. C’était une nouvelle expérience vers de la musique plus mélodique.
—Que s’est-il passé après 1995 ? Avez-vous arrêté de composer ?
—Jamais je n’ai arrêté de produire de la musique et j’ai travaillé dans différentes directions avec plusieurs musiciens. À l’époque, j’ai aussi rassemblé des idées de chansons, des collages de son et des fragments musicaux qui ont en partie voyagé jusqu’à l’album Corporate Power.
—En 2012, vous avez sorti un nouvel album, Corporate Power. Comment avez-vous eu l’idée de ramener Rototiko Rejekto à la vie ?
—À cause des contacts que j’entretenais avec Ava Nima, l’idée de produire un nouvel album de Robotiko Rejekto s’est formée. On a échangé de plus en plus d’idées sur la musique et le processus créatif, et on a pratiquement monté le projet, étape par étape. C’était un processus indépendant, d’auto-développement. En outre, un fan américain avait créé le site en hommage à Robotiko Rejekto sur MySpace, sur lequel les fans du monde entier postaient des messages très positifs. On a repris le site MySpace et le projet a commencé à évoluer.
—Prévoyez-vous de sortir un nouvel album ?
—Bien joué 😉 On va bientôt sortir un nouveau single, « Show Me Your Record » avec Marco Drago. Une vidéo sera uploadée sur YouTube le 15 septembre. Cet album s’appellera Adventures in Cyber Space et sortira à la fin du printemps 2020.
—Quelle est la genèse de Microchip League ? En lisant les crédits, j’ai remarqué que vous et Talla 2XLC, vous apparaissez sous l’alias de The Megatron Team. En outre, le groupe s’appelait MCL2 seulement sur le premier single, n’est-ce pas ?
—À la base, ce n’était qu’un projet. Notre première chanson « Communicate » a fait le tour des pistes de danse du monde. Après ça, on a commencé à enregistrer un album, MAIS on n’a pas réussi à le finir. On a eu des problèmes avec le label Westside, ils ont donc décidé d’engager d’autres personnes pour le faire. On a eu beaucoup de succès, notamment aux États-Unis. J’ai terminé l’album de RR récemment, et j’en attaque un nouveau. L’année prochaine, on retournera au Brésil et au Texas. C’est du sérieux, si on veut nous inviter à jouer, c’est encore mieux.
—Avec MCL, vous avez enregistré un autre album classique, Code Numbers, en 1987. Aimiez-vous la techno qui se créait au même moment à Detroit ou la scène de acid house au Royaume-Uni ?
—J’ai découvert de nouvelles variétés de musiques inspirantes grâce à Talla, étant donné qu’il était DJ. Alors oui, je connaissais ce qui se faisait à Detroit et la scène de acid house.
—EBM, electro, industrielle, early techno, synth pop… Quels mots utilisez-vous lorsque vous devez expliquer la musique de MCL ?
—À l’époque, je la qualifiais de techno, pareil pour RR. C’est ce que je lisais dans des magazines de musique. Pour moi, c’était simplement de l’electronic dance music.
—Les deux derniers singles de MCL se rapprochent de l’euro house. Vouliez-vous faire quelque chose de différent ?
—Ce n’était pas une décision consciente. On a composé ce qu’on ressentait.
—Pyrrhus Rage est un autre de vos projets, pour lequel vous faites de l’ambient, n’est-ce pas ? Combien d’albums avez-vous enregistrés sous ce nom ? Lequel nous recommandez-vous ?
—Oui, il s’agit d’un projet parallèle sur lequel je souhaiterais me concentrer l’année prochaine. C’est Ava Nim qui a eu l’idée du nom Pyrrhus Rage. Je qualifierais la musique de dark ambient. J’ai sorti 6 albums uniquement sous forme de téléchargements et streaming. À l’avenir, j’aimerais jouer un DJ set uniquement composé de dark ambient et d’électronique :-). Sans barrières commerciales. Ce serait super.
—Vous composez aussi de la musique spirituelle sous votre propre nom, et vous avez sorti six albums. C’est très éloigné de ce que vous faisiez avec vos projets précédents, que pouvez-vous nous raconter à ce sujet ? Quand les avez-vous sortis ?
—Au fil des ans, de temps en temps. Cette musique évolue et compense la musique dance plus monotone de RR, MCL ou Axodry. J’adore la musique méditative depuis que j’écoute Brian Eno. En 2020, je voudrais donner des concerts d’ambient ave de la musique spirituelle et méditative.
—Que pouvez-vous nous avancer sur votre concert au darkMad ? Vous allez jouer des chansons de vos deux projets, c’est ça ? Serez-vous seul ?
—Oui, mais je ne serai pas seul. Au début, je voulais séparer les chansons des deux projets. Maintenant, j’ai décidé de mixer des chansons de RR et de MCL. Elles s’harmonisent et vont parfaitement ensemble. Je jouerai à Madrid avec mon vieux compagnon et ami Markus Marcella et Verity Vian. Ava s’est retirée pour des raisons personnelles et familiales. Mais elle est toujours très proche de RR.