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Interview : Robert Görl

"On travaillait et on produisait de façon très provocatrice."

par Violeta

À l’inverse de l’image robotique et inhumaine de la musique électronique qui était populaire dans les années 80, D.A.F. nous a montré qu’elle pouvait aussi être sensuelle. Le duo allemand est devenu par la suite le créateur de l’Electronic Body Music, un style qui, aujourd’hui encore, nous donne beaucoup de satisfaction. Nous avons parlé avec Robert Görl, la moitié survivante du duo, qui se produira au prochain Ombra Festival. Rappelons que D.A.F. a donné l’un de leurs derniers concerts avec Gabi Delgado lors de l’édition 2019 et que ce sera la première fois qu’en Espagne, nous écouterons leur nouvel album en live.

Photos: Patrice Hoerner

— Tu étais membre original de Der Plan, mais je n’ai pas vu beaucoup de mentions de cette époque. Quels souvenirs as-tu de cette expérience ?

— C’était au tout début. Lorsqu’on voulait tous former de nouveaux groupes et trouver les bons partenaires. Je venais de terminer mes études de musique et je suis venu à Düsseldorf après une pause estivale à Londres. Je souhaitais quelque chose de nouveau. C’était très palpitant !

— Der Plan et D.A.F. sont généralement considérés comme faisant partie de la Neue Deutsche Welle. Qu’en penses-tu ? À l’époque, considérais-tu que le groupe dépendait d’un mouvement quelconque ? Tu t’es intéressé à un autre groupe de la NDW ?

— Gabi et moi, on disait toujours que l’on n’appartenait pas à la NDW. Par ailleurs, on a fait à notre musique, à notre sauce. En tout cas, on a même été inclus dans la partie principale de ce mouvement.

— Comment qualifierais-tu ta relation avec Kraftwerk et les artistes krautrock ? De plus, vous ont-ils influencés ?

— Non, notre objectif le plus important était de ne ressembler à personne d’autre.

— Comment te souviens-tu de l’époque du Ratinger Hof ? Tu y passais beaucoup de temps au tout début de ta carrière, mais la police a empêché le groupe de jouer plusieurs fois, non ? On retrouve une chanson à ce sujet dans le nouvel album.

— On était toujours fourrés au Ratinger Hof. De jour comme de nuit. Notre premier concert a également eu lieu là-bas. C’était un super endroit punk. Au final, on voulait être des punks électroniques.

— Il est difficile d’imaginer un album de D.A.F. sans Gabi Delgado. Néanmoins, il n’a pas enregistré dans le premier album, Ein Produkt der Deutsch-Amerikanischen Freundschaft en 1979. Que s’est-il passé ?

— J’ai présenté quelques musiciens du label Ata Tak à Gabi pour faire bouger les choses et faire des essais. Mais Gabi n’a pas apprécié. Il est à peine venu répéter avec eux. Ainsi, on a enregistré le disque sans lui. Après ça, j’ai fait de nouveaux projets avec Gabi. On a toujours appelé cet album l’album 0.  J’ai fait appel à Chrislo Haas, et K.Dahlke a quitté le groupe.

— Comment la musique de D.A.F. a-t-elle été reçue lorsque tu vivais à Londres ? Les Anglais n’ont pas l’habitude d’écouter de la musique dans d’autres langues.

— On nous considérait comme des tarés d’Allemand qui traînaient au disquaire Rough Trade de Portobello Road à l’époque. C’est là que l’on a fait la connaissance de Daniel Miller de Mute Records. Il nous a aidés à obtenir nos premières dates et à composer un single pour son tout nouveau label, Mute.

— Pourquoi les autres membres du groupe sont partis ? Ils n’appréciaient pas la direction prise par le groupe ?

— Pour différentes raisons. Michael Kemner (basse) est parti après notre départ à Londres. De plus, il voulait retourner en Allemagne. Wolfgang Spelmans (guitare) est parti, car on voulait que l’électronique occupe une place importante dans la musique. Et Chrislo Haas est parti parce qu’il ne désirait plus jouer en live. C’était une période difficile. Finalement, on a décidé, Gabi et moi, de jouer en solo.

— Pourquoi le groupe est-il passé de la musique expérimentale des deux premiers albums à la proto-EBM de Alles ist Gut ?

— C’était le développement. On voulait devenir de plus en plus précis. Électronique et Body Beat. C’est tout.

— Le deuxième album de D.A.F. a été le premier à être publié par Mute. Comment était ta relation avec Daniel Miller et le label ?

— Daniel Miller nous a aidés à ce stade précoce. C’était un bon ami. On a pu enregistrer notre premier single Kebabträume et l’album Die Kleinen und die Bösen pour son label Mute.

— Tu as travaillé avec le producteur allemand Conny Plank sur les albums les plus célèbres de D.A.F. Par ailleurs, tu as qualifié cette expérience d’assez habituelle, car il essayait de connaître les groupes et de passer du temps avec eux avant l’enregistrement. Tu t’es intéressé à ses albums plus krautrock ?

— Pour nos albums les plus célèbres, on s’est présentés à Conny Plank comme duo. Nos idées étaient très différentes à ce moment-là. Pure électronique, batterie et voix. Non, les albums de Krautrock ne nous intéressaient pas.

— La première chose qui frappe quand on tient Alles ist Gut, c’est la pochette, qui représente une œuvre assez homoérotique. De plus, votre musique a toujours été assez sexy. Un de mes amis disait qu’il fallait écouter cet album avec un préservatif. Étiez-vous considérés comme des idoles de la communauté gay ?

— On travaillait et on produisait de façon très provocatrice. Dans de nombreuses directions. On est donc devenus les héros de la scène gay.

— Ta chanson préférée de ton répertoire solo est la même que la mienne, « Mit Dir ». Que peux-tu nous dire de l’enregistrement de cet incroyable morceau ?

— J’ai enregistré « Mit Dir » sur une cassette comme démo et je l’ai fait écouter à Daniel Miller au téléphone. Quelques jours plus tard, Daniel Miller est venu à Düsseldorf et a produit cette chanson. C’était le début de mon premier album solo Night Full of Tension (avec Annie Lennox) pour Mute Records.

— On observe le changement de style même dans la pochette de ton premier album, plus Wham ! que D.A.F. À ce moment-là, étais-tu intéressé par la musique pop ou voulais-tu simplement gagner plus d’argent ?

— J’ai aussi réellement aimé la musique pop. Bien sûr, on a toujours apprécié la mode d’une certaine façon. L’achat de vêtements inhabituels était l’une de mes activités préférées de l’époque.

— Et comment vois-tu 1er Step to Heaven en rétrospective ?

1 st Step to Heaven a été un grand retour de D.A.F. en 1986. Enfin, il n’a pas duré longtemps. À cette époque, Gabi et moi avions beaucoup d’idées différentes. Mais on s’est aussi disputés.

— À la fin des années 1980, tu as vécu à Paris où tu as enregistré les titres de The Paris Tapes, sorti en 2018. Que peux-tu nous dire de cette période ?

— Oh, c’est une longue histoire.  Difficile d’en faire un résumé. Oui, il a été enregistré à Paris dans un petit hôtel, dans des circonstances étranges.

— J’ai lu sur Discogs qu’un autre Paris Tape qui allait sortir dans l’avenir. Sais-tu quelque chose à ce sujet ?

— Il n’existe que les Paris Tapes originales. C’était une démo sur cassette qui est sortie sur Grönland Records. Après l’époque de Paris. L’idée était de produire Paris Tapes à Londres de manière professionnelle dans un excellent studio. Ensuite, j’ai eu un gros accident de voiture. Et tout a changé.

— Psycho était ton premier travail techno, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui t’a incité à prendre cette direction ?

— Je revenais d’un long séjour en Thaïlande. Dès mon retour, je me suis retrouvé sur camion de DISKO B à la Love Parade. Je suis retourné à Munich et j’ai repris mes Korg MS 20 et SQ10, ainsi qu’une boîte à rythmes Roland 909. Klaus Kotai a également participé comme technicien et Tobi Neumann comme producteur.

— Comment s’est passée la collaboration avec Regis dans Sexdrop ? Étais-tu intéressé par sa techno de Birmingham ?

— J’ai adoré travailler avec Regis pour son label Downwards. On a fait péter le son dans le studio. C’était incroyable. On s’est grandement amusés. Birmingham, la ville du métal et de la viande. On a mangé beaucoup de frites.

— En 2003, dans l’album Fünfzehn neue D.A.F.-Lieder, on retrouve une chanson anti-Bush, intitulée « Der Sheriff ». Partageais-tu les mêmes points de vue en politique que Gabi ou est-ce l’une des causes de la dispute ?

— Je partageais la même opinion des paroles provocantes de Gabi. Ça a toujours été le cas. Notre dispute n’avait rien à voir avec ça.

— Il y a eu un D.A.F. sans toi (D.A.F. DOS) et un D.A.F. sans Gabi. En 2007, D.A.F. s’est reformé pendant un bref moment avec Thoralf Dietrich (Jäger 90) au chant. Que peux-tu nous dire sur cette période ?

— Avec Thoralf Dietrich, j’ai créé pendant une courte période le projet D.A.F.PARTEI. Avant cela, Gabi faisait D.A.F. DOS quand on ne travaillait pas ensemble.

— Une chose qui m’a toujours surpris est que tu joues normalement de la batterie en direct au lieu de synthétiseurs, ce qui est le choix normal dans un groupe de musique électronique. Ça revient aussi moins cher. Pourquoi cette élection ?

— Comme je l’ai déjà dit, notre concept était : Électronique, Body Drums et voix. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes devenus les créateurs de l’EBM… et d’autres genres.

— Le nouvel album était-il un adieu ou un hommage à Gabi Delgado ?

— J’affirmerais les deux. C’est l’au revoir du temps passé avec Gabi et un nouveau départ.

— Le son est établi sur de vieilles séquences des années 1980 que tu as trouvées dans de vieilles cassettes. Tu peux nous en parler ? Quand ont été enregistrées ces cassettes ?

— Gabi était toujours impliqué dans l’idée que j’utiliserais nombre de vieilles séquences originales inutilisées du début des années 1980, que j’ai enregistrées sur un lecteur de cassettes lorsqu’on vivait ensemble à Holland Road/Londres, dans notre salon. Mais Gabi est décédé quelques semaines seulement avant la date à laquelle on voulait commencer la production de ce nouvel album.

— Ça a été difficile d’écrire les paroles ? As-tu suivi le style de Gabi Delgado ?

— Non, ça n’a pas été dur. Je pensais à Gabi. Parfois, j’ai même senti sa présence dans mon studio pendant l’enregistrement de ce nouvel album. Ma coproductrice pour cette nouvelle œuvre, Nur Noch Einer, Sylvie Marks, a également ressenti cela.

— On aime bien parler des projets secondaires. Tu as créé le projet Elektro avec Pete Namlook et sorti deux albums en 96 et 97. Comment as-tu rencontré Pete et quels sont tes souvenirs de ces albums ?

— Pete Namlook m’a appelé un jour et m’a invité dans son studio à Francfort. Occasionnellement, ça se passe comme ça. J’ai accepté son invitation. Par ailleurs, j’étais curieux de savoir ce qui allait ressortir de cette collaboration.  J’ai adoré le résultat.

— Et que s’est-il passé avec Glücksritter, ton projet live ?

— J’ai donné beaucoup de concerts avec Glücksritter. Parfois, je pense que je devrais aussi le produire dans le Studio. Le temps nous le dira.

— Que pouvons-nous attendre de l’avenir de Robert Görl et de D.A.F. ?

— Je travaillerai avec Sylvie Marks sur d’autres choses à venir. Vous allez être surpris. Quand Gabi est mort, j’ai promis de brandir le drapeau de D.A.F.

— Que peux-tu nous avancer de ton concert à l’Ombra ? Vas-tu jouer le nouvel album et les classiques ?

— J’interpréterai le nouvel album Nur Noch Einer ainsi que quelques vieux morceaux classiques de D.A.F.

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