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Interview : Minimal Compact

par François Zappa

Minimal Compact est l’un des groupes les plus originaux des années 80, car il fait partie de ceux qui ont introduit des éléments de la musique du monde dans le rock. Aujourd’hui, nous passons en revue l’histoire du groupe créé par Samy Birnbach et Malka Spigel. Leur retour sur scène, avec un nouveau disque, est l’un des événements musicaux les plus importants de 2020. On aura la chance de les voir au W-Fest, à l’occasion de l’une des deux seules dates annoncées par le groupe en Europe.

—Samy Birnbach, vous avez déjà travaillé avec Rami Fortis dans un album appelé Plonter, lorsque vous viviez toujours en Israël. Rami a rejoint Minimal Compact en 1984 et est devenu une star nationale.

—Samy : J’écrivais les paroles de Rami Fortis (l’un de nos guitaristes de M.C. avec Berry) qui a enregistré ce qui est considéré comme le premier album punk israélien, bien que l’attitude et les paroles soient plus punks que la musique qui était un mélange basique de rock, de reggae et de pop. C’est devenu un album légendaire, qui a été rayé du catalogue par CBS, le grand label qui l’avait sorti, mais qui ne savait pas quoi en faire. Dix ans plus tard, l’album est ressorti sur demande du public, et s’est vendu à 10 000 exemplaires environ.

—Pourquoi le groupe a-t-il décidé d’aller vivre à Amsterdam ?

—Samy : On est tous partis pour Amsterdam en 1980 pour être proches de la musique qu’on aimait, car les seuls artistes internationaux qu’on pouvait écouter/voir en Israël étaient Elton John et Eric Clapton… Nous, on aimait Magazine, The Clash, The Pistols, XTC, Gang of Four, Siouxie and the Banshees, Devo, Television, Patti Smith, Lou Reed, Wire, Buzzcocks, Joy Division, Cabaret Voltaire, P.I.L, Nico, Blondie, Pere Ubu, This Heat, Robert Wyatt, The Cure, Suicide, etc. Du coup, on est partis à Amsterdam, car des amis qui y vivaient nous ont dit qu’il y avait de nombreux concerts, surtout au Paradiso et au Milky Way, donnés par les groupes et les artistes qu’on aimait et qui nous inspiraient.

—Marc Hollander a lancé Crammed records et a aidé Minimal Compact pour la création du premier EP. Il jouait également dans le premier album.

—Samy : Marc était l’un de mes amis d’enfance, mais on a perdu contact pendant quelques années. Plus tard, en 1980, lorsque les membres de ce qui allait devenir Minimal Compact, Malka, Berry et moi-même, sont allés vivre à Amsterdam, je lui ai écrit pour lui annoncer la nouvelle, et pour lui dire qu’on avait formé un projet appelé Minimal Compact. Je lui ai aussi dit qu’on avait fait deux démos maison : la première était «Creation is Perfect (I am a Camera)» qu’on a improvisée sur un poème du poète beat américain Bob Kaufman, et la deuxième «To Get Inside». Je lui ai aussi expliqué qu’on pensait sortir un single 7″ avec ces morceaux, et qu’on avait joué ces morceaux à Dirk Polak, le chanteur de Mecano, qui avait un petit label indépendant appelé Torso, et qu’il avait adoré et nous avait proposé une offre.

Par la suite, Marc m’a contacté, et m’a envoyé les premières publications de Crammed, le label qu’il venait de fonder. Il m’a invité à aller le voir à Bruxelles, là où il vivait. Je savais que c’était un excellent musicien, mais je n’étais pas au courant qu’il avait fondé un label. Ça a été une grosse surprise. Je me suis rendu à Bruxelles, et je lui ai fait écouter les démos. Lui tout comme sa femme Veronique ont adoré, et il m’a proposé d’enregistrer un 7″ pour Crammed. On a dit à Dirk Polak qu’on avait choisi Crammed, mais qu’on voulait qu’il co-produise le mini LP avec Marc Hollander. Marc et Dirk ont tous deux joué sur les morceaux et les ont produits. Pendant cette semaine de répétition avant l’enregistrement, on a composé «Statik Dancin’».

—Qui était le batteur à cette époque ?

—Samy: On n’avait pas de batteur à l’époque, par contre on avait deux batteurs invités : Stephan de Des Airs (label Crammed) et Pitja (de Mick Ness, chez Torso). Pitja a construit son propre set de batterie, c’était un mélange de batterie conventionnelle avec des parties métalliques. C’est ce son funky métallique particulier de «Statik Dancin’» qui a intrigué James Murphy.  Lorsque je l’ai rencontré au début des années 2000, il m’a dit que ce morceau était l’un de ses préférés. Je lui ai parlé de la batterie unique de Pitja.

—Mais le 7″ est devenu un mini LP, pas vrai ? 

—Samy : Pour en revenir à l’enregistrement de ce premier mini LP, Dirk a fait venir Corey, un autre membre de son groupe Mecano, qui a joué de la guitare et du clavier. Comme l’enregistrement avançait rapidement, on était très enthousiastes et inspirés. Deux chansons de plus, «Ready-made Diary» (pour laquelle on a utilisé des coupures de journaux) et «Happy Babouge» ont été improvisées dans le studio, transformant ainsi ce 7″ en mini LP (de 5 morceaux). On a pensé : mission accomplie ! On n’y a pas réfléchi plus que ça, mais la réaction de la presse musicale, des médias et de nos amis nous a fait changer d’avis.

—Max Franken vous a rejoints à cette époque et le groupe a commencé à jouer en live.

—Samy : L’un de nos amis communs nous a présentés Max. C’était sensé être un arrangement temporaire, étant donné qu’aucun d’entre nous, sauf Berry Shakaroff, qui était le seul musicien professionnel du groupe, savait comment faire de la musique. Mais on a appris au fur et à mesure… grâce aux enregistrements et aux tournées, et la passion de la musique nous a guidés. C’était la période post-punk, et on a tout donné. Dirk et Marc étaient ceux qui avaient le plus d’expérience. Ils nous ont conseillés et ont joué avec nous lors de nos premiers concerts en tant qu’invités. Cependant, ils n’étaient pas membres du groupe per se, chacun avait son propre label et son propre univers musical, et ils étaient très occupés.  

—Dans le premier album, One by One, on retrouve une chanson appelée «Morpheus Secrets», dont les paroles sont de Samy Birnbach. Morpheus est aussi votre nom de DJ Samy, où trouvez-vous votre inspiration pour les paroles ? Et comment avez-vous commencé votre carrière de DJ ? Vous avez aussi travaillé sur les albums de Free Zone, n’est-ce pas ?

—Samy : Oui, j’ai écrit les paroles de «Morpheus Secrets», ainsi que 95 % des paroles de M.C. J’ai commencé ma carrière de DJ en 78 dans une petite discothèque de Tel-Aviv (sous mon nom d’origine Samy Birnbach), appelée le New Wave Club. Je jouais entre les groupes qui ne pouvaient jouer nulle part ailleurs, car la scène israélienne était extrêmement conservatrice à l’époque.

J’ai joué dans cette discothèque de Tel-Aviv pendant 10 mois environ, mais je m’y suis mis sérieusement en 96, et Marc Hollander m’a proposé de travailler comme A&R avec lui pour le label SSR (le sous label électronique de Crammed). J’ai travaillé avec des artistes comme Carl Craig, µ-Ziq, 4 Hero, Dj Spinna, Telex et Bebel Gilberto sur des projets de remix, et beaucoup plus encore. Je faisais aussi des compilations de style différent, allant du hip-hop au break beats. La plus célèbre est la série Freezone (7 volumes doubles de 96 à 2002) un truc au tempo principalement lent, devenu la source de découvertes des producteurs nouveaux et expérimentés. J’ai voyagé au Japon, en Russie, en Chine; en Islande, en Corée et au Mexique grâce au succès de Freezone. Sous le nom de DJ Morpheus, j’anime aussi un show de radio hebdomadaire de 3h30 sur Radio Campus Bruxelles et une session mensuelle pour Kiosk Radio (un réseau de radio à Bruxelles) et pour FM4- ORF, la radio nationale autrichienne.

—Le groupe a le mérite d’avoir introduit la musique du monde dans la musique populaire. À l’époque, était-ce quelque chose de naturel pour vous ?

—Samy : Comme on venait d’Israël (sauf notre batteur qui nous a par la suite rejoints pour One by One), on était ouvert à la musique du monde. La population était remplie d’immigrants et était venue des quatre coins du monde, apportant ainsi leurs différentes cultures et traditions, et la radio reflétait ça, en faisant passer différents styles de musique.

Deadly Weapons a été coproduit par le défunt Peter Principle. On retrouve aussi Blaine L. Reininger. Pensez-vous que la carrière de Tuxedomoon soit similaire à celle de  MC ? Étiez-vous bons amis ?

—Samy : Avec Tuxedomoon, on vivait des vies parallèles. Comme nous avec Israël, ils ont quitté les États-Unis en tant que réfugiés culturels, car leur musique était qualifiée de trop européenne, et la nôtre n’avait pas d’avenir en Israël (l’ironie du sort est qu’elle a enfin été acceptée et qu’elle est adorée depuis). On vient de donner 6 concerts de réunion en Israël, et les concerts étaient sold out 6 mois avant. Les gens devenaient fous et chantaient tout le long avec nous. Le public nous a montré tant d’amour, que c’était dingue. Tuxedomoon étaient nos amis, après tout, on a vécu pendant des années dans la même ville, à Bruxelles. Le défunt Peter Principle, dieu ait son âme, a produit Deadly Weapons, notre album industriel le plus dark avec Gilles Martin. Il a aussi joué avec nous sur des tournées en Belgique et en Italie dans les années 80. Luc Van Lieshout a également tourné et joué avec nous, Blaine et Steven ont également joué sur quelques-uns de nos enregistrements.

—J’ai lu que l’enregistrement de Raging Souls a constitué une période heureuse pour le groupe, car certains membres ont commencé une relatino. Malka, comment vous rappelez-vous ces années ?

—Malka: C’était il y a longtemps. Plus de trente ans ! C’était une expérience intense. C’était une période heureuse, car on travaillait sur du super matériel et difficile à la fois, car Colin et moi, on est tombés amoureux. Ça a créé des problèmes dans les relations du groupe.

—Lors de la création de cet album, vous, Malka, vous rencontrez Colin Newman et vous vous mariez. Ensemble, vous lancez le label swim ~ et vous sortez des albums comme Rosh Ballata et Hide, et certaines collaborations comme Immersion. Malka, pouvez-vous nous en dire plus sur votre carrière en dehors de M.C. ?

—Malka : Dit comme ça, on dirait  qu’on s’est mariés pendant la création de l’album ! Pas du tout ! On s’est mariés en juillet 1986. On a lancé le label après avoir déménagé à Londres, en 1992. On a travaillé sur tellement de choses depuis, et on est partis vivre à Brighton en 2015. Ces dernières années, on a recommencé à travailler sur Immersion après l’avoir laissé 15 ans de côté. Personnellement, je pense que Sleepless, sorti l’année dernière, est l’une des meilleures choses qu’on ait faites ensemble. J’ai aussi un point faible pour mon EP Gliding (2014) et mon album Every Day Is Like The First Day (2015). J’ai composé 3 albums solo et 2 EP. Immersion a composé 5 albums.

The Figure One Cuts est l’album le plus sombre du groupe. Pourquoi avoir décidé de partir dans cette direction ?

—Malka : Ce n’était pas un choix conscient. Le matériel est devenu lui-même plus complexe, mais c’était un développement naturel pour le groupe. Minimal Compact n’a jamais essayé de travailler dans un style particulier.

—Pourquoi le groupe s’est-il réuni ? Au début, ce n’était que pour certains concerts, non ?

—Malka: En réalité, Minimal Compact n’existe pas vraiment en tant que groupe, mais parfois on se réunit, en général pour une série de concerts. La plupart ont lieu à Tel-Aviv, et parfois en Europe. La dernière fois, c’était en 2004, ça ne se produit pas si souvent que ça ! On se réunit tous les trois ou quatre ans. Le reste du temps, tout le monde vaque à ses occupations.

—Que pouvez-vous nous dire de votre nouvel album ? Pourquoi vouliez-vous réenregistrer toutes ces chansons ?

—Malka: Eh bien, j’espère que vous avez eu l’occasion d’écouter Creation Is Perfect. Il s’agit d’un étrange hybride qui a commencé sa vie en tant qu’album live, mais qui n’y ressemble plus du tout. C’était une véritable expérience pour voir si on arrivait à mieux refléter la façon dont le groupe joue maintenant. L’album était basé sur des enregistrements live de la réunion de 2012, puis on l’a continué comme s’il s’agissait d’un album studio. Il compte également une toute nouvelle chanson «Holy Roller», développée lors d’une session de studio en novembre 2018, lorsque tout le monde se trouvait à Tel-Aviv.

—Quel est le statut actuel de votre projet Githead?

—Malka : Githead ne s’est pas officiellement arrêté, bien qu’il soit devenu plus complexe lorsqu’on a déménagé à Brighton et que Robin est parti de Londres. Max est resté à Amsterdam. Ça a toujours été difficile de s’organiser. On ne dit pas qu’on ne s’investit pas dans Githead, mais pour le moment, on se concentre sur Immersion. On organise un événement occasionnel dans un espace artistique de Brighton, appelé Nanocluster. C’est un véhicule de collaboration, et le dernier collaborateur en date est Robin Rimbaud. Rien à voir avec Githead, mais on reste en contact.

—Que pouvez-vous nous dire sur votre futur concert au W-Fest ?

—Malka : On ne peut pas vraiment répondre, mais on peut vous garantir qu’on va se donner à fond !

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