Dans la bande dessinée hebdomadaire Little Nemo in Slumberland, le personnage vit d’incroyables aventures, mais à la fin, il se réveille toujours dans son lit. De la même façon, le groupe de Paris nous emmène dans des mondes merveilleux sans que nous ayons besoin de quitter notre chambre. Nous avons interviewé Nicolas Dufaure, d’abord bassiste et maintenant guitariste de ce groupe de coldwave. Little Nemo jouera à Valence le 28 février et à Barcelone le 29, lors de concerts qui auront un goût de rêve.
—Certains membres de Little Nemo faisaient partie de Stain of Sin, un groupe post-punk. « The Fall », dont Little Nemo a fait la reprise, a été écrit par ce groupe. Que peux-tu nous dire de ce groupe ?
—Oui ! Vince et moi, nous avons créé ce groupe en 1984 à Lyon, avec un chanteur appelé Olivier Leymarie et un batteur appelé Philippe Meurier. On était tous étudiants en ingénierie. Ce groupe de musique peu connue, inspiré des Smiths et de Theatre of Hate, jouait à Lyon et a également donné un concert en 1985 à Paris avec Little Nemo au Cithéa, une salle située rue Oberkampf. Le groupe s’est séparé en 1987, et seul est resté Little Nemo.
—Pourquoi le groupe s’est-il inspiré d’une bande dessinée pour son nom ? Peut-être parce que les deux partagent ce même sens de l’onirisme ?
—Olivier Champeau était un fan inconditionnel de la BD. Le passé, l’art, les rêves et le nom très reconnaissable, sont les principales raisons qui ont motivé son choix.
—Quels autres groupes français ont inspiré le groupe, à part Marquis de Sade ? Aimais-tu les groupes de new wave comme Telephone ou Dogs ?
—D’après moi, Telephone ou Dogs ne sont pas des groupes de new wave, mais plutôt de rock ‘n’ roll ! Quant à notre musique, nos influences ne viennent pas de France, mais du Royaume-Uni. Cependant, Vince aimait la poésie française, et aussi l’atmosphère des cabarets. Je peux citer Taxi Girl ou encore Étienne Daho.
—Penses-tu que le fait de chanter principalement en anglais a rendu les choses plus difficiles ?
—De 88 à 92, nous avons sorti des disques (sauf notre dernier, enregistré en 2013) en anglais, qui n’était pas une langue très commune chez les groupes français. Donc en effet, c’était plus difficile à l’époque. Maintenant, les groupes français peuvent chanter en anglais, car la musique est mondialisée grâce à Internet…
—Comment a été inventé le terme « Touching pop » ?
—À la base, c’est Laurence Pierre, une journaliste française de France Inter, qui l’a inventé pour qualifier notre musique.
—La première référence de Little Nemo est « La Cassette Froide ». Le terme coldwave était-il déjà inventé ? Sentais-tu que tu faisais partie de cette scène ?
—« Coldwave » était et reste l’adjectif français utilisé pour qualifier le post-punk. Quand j’écoutais Joy Division au milieu des années 80, je disais qu’il s’agissait d’un bon groupe de coldwave. Alors oui, je dirais que nous avons essayé de faire partie de ce mouvement, car nos influences étaient Joy Division, The Cure, The Smiths, The Sisters of Mercy…
—Dans vos disques, le groupe met en musique des poèmes de Villon ou Baudelaire. Quels autres écrivains ont été une influence ?
—TOUS les poètes romantiques, comme Rimbaud, Verlaine, Antonin Artaud…
—Past and Future est votre premier album et première œuvre conceptuelle. Quels éléments donnent à l’album son unité ?
—Ce n’était pas un album, mais une démo enregistrée sur un magnétophone à 4 pistes par Olivier et Vincent en 1987, à part « À une passante » qui a été réalisée en studio à Lyon en 1986. Mais cette démo a été si bien réalisée que la maison de disques New Rose a décidé de la distribuer en l’état. Les 1000 exemplaires se sont très vite vendus.
—En 1988, le groupe sort Private Life. La belle pochette et la mélancolie de la musique trouveraient leur place dans n’importe quelle publication de Sarah Records. Penses-tu qu’il existe des connexions entre Little Nemo et les groupes de ce label ?
—Je ne connaissais pas ce label, mais les musiques des groupes sont assez proches des nôtres oui ! C’est notre premier album studio, en 1988, j’avais rejoint le groupe en 1987.
—Comment avez-vous composé les chansons de Sounds in the Attic, votre dernier album des années 80 ? J’ai lu que pour certains albums, le groupe écrivait les chansons par deux ou trois, mais que dans d’autres, chaque membre écrivait ses chansons.
—À l’époque, nous répétions à Nanterre dans le même studio qu’Asylum Party. L’un de nous venait avec une idée assez travaillée, et nous complétions les idées en répétition. Nous avons finalisé les idées par une démo 4 pistes avec tous les titres juste avant de rentrer en studio.
—L’année dernière, Thierry Sobezyk d’Asylum Party est mort. Vos carrières étaient fortement liées. As-tu un souvenir spécial que tu voudrais partager avec nous ?
—Oui c’est bien triste, j’ai bien connu Thierry avec qui nous avons partagé beaucoup de bons moments, les concerts et les afters, (qui parfois dégénéraient dans les loges comme à Lausanne en 1990 après l’abus de substances apparemment licites là-bas puisque faisant partie du catering) et de fêtes et anniversaires chez les uns et chez les autres au sein de la « tribu » Touching Pop en cette époque féconde entre 1988 et 1992. Un gars très affectueux, avec beaucoup de talent et de sensibilité, qui pouvait être aussi drôle que sa musique était cold, il va beaucoup nous manquer.
—Le supergroupe Teepee a été créé uniquement pour chanter une seule chanson à la fin des concerts des groupes de Touching Pop ?
—Oui c’est exactement cela. Il s’agissait du concert Touching POP Night à l’Elysée Montmartre en octobre 1989 où Little Nemo, Asylum et Mary Goes Round ont joué.
—Dans Turquoise Field de 1990, le groupe inclut ses premières chansons en français (sans compter les poèmes), n’est-ce pas ? Pourquoi ?
—Oui : « À une passante » (d’après le poème de Baudelaire) et « La ballade des pendus » (poème de François Villon) étaient sur Past and Future, en 1987. Vincent adore la poésie française romantique et cela donne une touche cabaret à la musique du groupe.
—Turquoise Fields has been reissued for its 30th anniversary in a limited edition of 500 copies. Any plans of other reissues of older material?
—Pas d’autre réédition pour l’instant, par contre il est prévu qu’on revisite un titre (cela pourrait être vieux titre qui s’appelle “Mad Master” qui date de la Cassette Froide de 1986 mais qui n’y figure pas) pour une compilation du Label North Shadow Records qui sortira à l’occasion du Festival 2020 de ce label qui aura lieu à Auchel et où nous allons participer. Nous avons été contactés par Nazaré Milheiro à ce sujet et nous nous ferons un plaisir de participer à son projet.
—Comment l’arrivée de la house et de la scène Madchester a-t-elle affecté la musique de Little Nemo ?
—Cette influence house se sent sur le titre « City Lights » et aussi sur l’EP de 1991 Biologic qui utilise pour la première fois des samples dans le titre éponyme.
—The World is Flat sort en 1992. Cette fois, on remarque des influences des années 60, et même une reprise de Byrds. Le groupe écoutait-il plus de musique des années 60 ? J’ai lu que vous faisiez des jams sur des chansons de Nico et Led Zeppelin.
—En 1992, on fait ce choix de s’écarter un peu de la new wave, pour mettre plus de guitares avec la participation en studio de notre guitariste de la tournée Turquoise Fileds : Geogres Remiet. J’ai beaucoup écouté Led Zeppelin étant jeune c’est vrai !
—La séparation du groupe était-elle seulement due à la faillite du label Single Ko, ou était-ce aussi la faute aux projets solo ?
—Les projets solos de Olivier et de Vincent ont suivi l’arrêt du label. Mais d’autres raisons plus familiales ont également joué.
—Que s’est-il passé avec Aqualites ? La plupart des membres de Little Nemo ont terminé dans ce groupe. Allez-vous sortir les albums qui n’ont pas été publiés dans le futur ?
—Peut-être !
—Pourquoi le groupe s’est-il réuni en 2008 ?
—Une envie de rejouer tous nos titres ensemble sur scène, et un certain renouveau de la scène new wave à l’époque.
—Le groupe a créé Artefact, son propre label. Est-ce difficile de jouer dans un groupe et de gérer tout le processus d’enregistrement en même temps ?
—C’est plus courant aujourd’hui qu’à l’époque, bien sûr !
—Out of the Blue, votre dernier album de 2013, a pour thème tout ce qui est méditerranéen. On y trouve une chanson en grec et une autre chanson sur Pompéi et Troie. Pourquoi avoir choisi d’en parler ?
—Vincent est passionné par la Grèce Antique !
—Pensez-vous sortir un album dans le futur ?
—Nous y pensons… !
—Que peut-on attendre de vos concerts en Espagne ?
—Nous allons profiter des 30 ans de la sortie de Turquoise Fields, notre album le plus vendu à ce jour, pour rejouer des titres de cet album que nous n’avons pas rejoués depuis presque 30 ans en concert… Et bien sûr nous apporterons les rééditions vinyles de Turquoise Fields qui seront en vente pour l’occasion !