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Interview : Dear Deer

par François Zappa

L’une des seules bonnes du confinement fut la série de concerts donnés par le groupe Dear Deer depuis les différentes pièces de leur appartement en avril. À mesure qu’ils nous montraient leur demeure, nous sommes tombés amoureux de leurs chansons. Quelques mois plus tard, nous avons eu la chance de les voir au Liège New Wave Festival.

—Federico, tu étais le batteur de Land of Passion/Popoï Sdioh. Peux-tu nous parler de ton expérience avec ces groupes ?

Federico : Le groupe s’appelait The Nomads Land et a été créé en 1989… Je les ai rejoints (Lagartija Nick, Stef Zimny ​​et Fred André) en tant que batteur à l’époque… J’avais 16 ans, ils étaient tous plus vieux que moi et avaient une certaine expérience. J’ai beaucoup appris pendant ces années : les premières tournées, les premiers enregistrements, les premières interviews, les premières expériences… etc. Tout a été très intense et créatif. Notre musique a évolué au fil des ans tandis qu’on évoluait en tant que personne…

—Tu as rencontré Sabatel quand Popoi Sdioh cherchait une chanteuse pour faire une reprise de Noir Désir, pour un album de reprise du groupe, c’set ça ? Que s’est-il passé lors de votre rencontre ?

Federico : Eh bien, c’est assez simple… Je suis allé à un concert de Cheshire Cat (le groupe de Sabatel) et je lui ai demandé si elle était d’accord pour chanter pour nous… Elle a accepté… Nous avons rapidement senti une bonne connexion musicale et des semaines après avoir appris à nous connaître, nous avons réalisé que nous avions aussi des connexions artistiques…

Sabatel, tu fais partie de Cheshire Cat (The Bouncing). Que peux-tu nous dire sur ce duo ? Vous n’avez rien sorti depuis 2015, non ?

Sabatel : En effet, Cheshire Cat n’existe plus. On a donné un dernier concert en Islande, puis on a décidé d’arrêter. On a joué ensemble pendant presque dix ans, c’était très amusant. Le projet était très minimaliste et batcave, et on est très fiers de notre dernier album ! Vous pouvez le trouver sur Meidosem Record. Les gens disaient qu’on sortait du lot.

—Et maintenant, tu joues avec le groupe classique de Coldwave Guerre Froide. Quand as-tu commencé cette collaboration ? Que peux-tu dire sur le groupe pour nos lecteurs qui ne les connaissent pas ? Au final, la tournée d’Espagne a été reportée à 2021.

Sabatel : Je joue avec eux depuis quatre ans (j’ai enregistré deux albums avec). Guerre Froide sont ouverts à de nouvelles expériences et ont évolué de manière très intéressante. Ils étaient surtout connus pour deux chansons coldwave « Berlin » et « Ersatz ». C’étaient des pionniers du genre. Aujourd’hui, ils se situent quelque part entre la pop, la coldwave et l’électro ! On n’a pas de booker donc on ne peut pas vraiment dire qu’on part en tournée, on donne quelques concerts ici et là !

—Federico, j’adore la façon dont tu joues de la guitare. Parfois, elle me rappelle l’insistance du premier album des Feelies ou la façon dont Arto Lindsay joue. L’un de ces artistes a-t-il eu une influence sur ton jeu ?

—Federico : En fait, je ne suis pas un « vrai » guitariste… La technique ne m’intéresse pas vraiment… C’est peut-être pour ça que j’ai plus été influencé par des groupes comme DNA, Mars et bien d’autres. Je préfère avoir un style de jeu plus physique que technique.

—En parlant d’Arto Lindsay, tu as avoué avoir certaines influences issues de la No wave, qu’est-ce qui t’intéressait dans ce style expérimental de la fin des années soixante-dix ?

Federico : C’était un style nouveau, plus punk que le punk. Presque tous ces groupes ont créé leur façon de jouer, leur propre technique. Tout était possible : des rythmes dansants avec des parties expérimentales et bruyantes, du spoken words, etc.

—Et toi, Sabatel, qu’est-ce qui t’a influencée en tant que bassiste ?

Sabatel : Peter Principle. Principalement. J’aime aussi beaucoup Tina Weymouth. Même si je ne peux pas me comparer, je ne suis pas une vraie bassiste, hahaha.

—Au début, vous jouiez avec des masques en fer, que leur est-il arrivé ? Ne sont-ils pas moins problématiques que le maquillage ?

On expérimentait des trucs que les chevaliers avaient l’habitude de vivre à leur époque : ne rien voir, sentir mauvais, tuer tout le monde par erreur. Du coup, on les a mis de côté pour l’instant.

—Dans vos deux albums, on retrouve Loto Ball en tant que collaborateur. Comment l’avez-vous rencontré ?

Federico : Je l’ai rencontré en 2010 (?) à Vilnius et Varsovie… C’était le chauffeur d’un groupe allemand appelé Genetiks… J’ai rencontré Loto Ball après le concert, auquel je n’ai pas pu assister, car on est arrivés en retard au festival avec le van de Genetiks… Nous avons parlé pendant un moment et j’ai eu un bon pressentiment… Musicalement, artistiquement et humainement. Bien sûr, j’étais déjà fan de Phantom Limbs et de son travail en solo. Alors quand on s’est mis à travailler sur nouvelles chansons avec Dear Deer, il était évident que nous devions lui proposer une collaboration.

—Depuis que j’ai dû étudier le Portrait de Giovanni Arnolfini et de sa femme de Jan van Eyck à l’école, j’ai toujours été intéressé par ce tableau que j’ai finalement pu admirer à la National Gallery. Cette œuvre a-t-elle été une source d’inspiration pour le morceau ?

Tout à fait. Toute la chanson est un véritable ping-pong poétique avec cette peinture. Les points de vue, celui qui la regarde… il faut la considérer comme un essai théorique sur la peinture, hahaha,

—Vos paroles sont un peu surréalistes, où vous trouvez votre inspiration ?

Elles ne sont pas surréalistes, si tu regardes de plus près, elles sont toujours construites sur des idées ou une histoire. Par exemple : « Disco-discorde » est une référence à la mythologie grecque, le fruit représentant un être dans sa perfection et la séparation de l’humanité en genres, qui est une sorte de désordre en soi. Autre exemple : « Nadia Comaneci » parle de la souplesse du corps humain pris dans les mécanismes écrasants de la dictature… Tu veux d’autres exemples ?

—Votre son et votre attitude sur scène ont le même sens de la théâtralité que celui de groupes comme Alien Sex Friend. À votre avis, trop de groupes jouent comme s’ils étaient au travail ?

Eh bien, si on pense aux artistes de shoegaze qui jouent de la musique tonitruante en regardant littéralement leurs chaussures… l’attitude peut être ces deux éléments à la fois. Ça dépend de ce que l’on ressent. Mais c’est vrai qu’on aime regarder le public dans les yeux, montrer nos peaux et nos plumes, gémir, crier, cracher, chanter <3

—Votre musique est de plus en plus électro, plus dansante. Est-ce une évolution que vous recherchiez ?

Oui, totalement, et on ajoutera plus de rythmes disco et techno. On évolue constamment, le troisième album sera un autre pas en avant. On fera peut-être du gabber, qui sait.

—Vos deux albums « studio » ont été enregistrés chez vous. Est-ce parce que votre appartement a une acoustique incroyable ou parce que vous souhaitez un son proche de celui de votre live ?

—On l’a fait pour plusieurs raisons :

Un home studio n’est pas cher, on n’a pas les moyens d’enregistrer en studio.

Le home studio rend possible la recherche, l’enregistrement et la construction en même temps. Et c’est ainsi qu’on travaille, on cherche, on ajoute, on supprime, jour après jour, petit à petit.

—Dans tous vos albums, on retrouve une chanson en polonais, une raison particulière à ça ?

Eh bien, on a des amis proches qui sont polonais, et c’est une façon de maintenir une connexion, même si la Pologne est en train de vivre une mauvaise passe. Là-bas, il y a trop de haine pour la communauté LGBT par exemple. On déteste ça, et c’est triste, car la Pologne a tellement de belles choses à offrir : la musique, les écrits, les pierogis.

—Comment est née l’idée de jouer dans différentes parties de votre appartement, ce qui a conduit à la création de votre nouvel album live ?

On voulait faire une tournée, malgré les temps qui couraient. C’est la seule solution pratique que nous ayons trouvée pour jouer et avoir une connexion avec le public.

—On vous a vus jouer au Liège New Wave Festival, comment s’est passée l’expérience ? Avez-vous donné d’autres concerts pendant la pandémie ?

Ça a été le seul festival cette année. On a aussi joué à Varsovie en septembre… Ces deux concerts étaient tellement rafraîchissants ! Ça a fait du bien de revoir des gens. On sentait que le public était heureux d’être là, qu’il avait envie, comme nous, d’assister aux concerts, comme avant la pandémie.

—Et que pouvez-vous nous dire sur l’avenir ? On sait que vous allez sortir un split avec le groupe belge Embers et que vous travaillez sur un nouvel album.

—Le split vinyle 12 » avec Embers va sortir très bientôt, oui, on en est très fiers. Il contiendra quatre nouvelles chansons de chaque groupe. Ce sera une édition limitée de 170 unités sur vinyle transparent, avec les illustrations faites à la main en série. Embers est un groupe que nous apprécions, car ce sont des gens sympas (ils sont Belges, lol) et leur musique est un cocktail révolutionnaire.

Nous travaillons également sur un clip vidéo et le troisième album. ¾ du travail est déjà fait. Mais ne nous précipitons pas, car encore une fois, donner des concerts, c’est pas pour demain la veille.

Photo de couverture : Patrice Hoerner

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