Je me souviens d’une bande dessinée où un gothique et un rappeur se regardent en pensant : -Encore un drôle de zigoto ! Sur le moment, j’ai trouvé ça assez amusant, car ces deux univers étaient assez éloignés. Aujourd’hui, des artistes ont réussi à mélanger avec brio les deux esthétiques de manière singulière. L’un des projets les plus intéressants du moment est sans aucun doute DALHIA, un duo français sensationnel qui a vu le jour il y a trois ans.
—Rachel et Simon, vous avez créé DALHIA en 2019. Comment avez-vous fait connaissance ?
—À l’origine, c’est moi, Rachel, qui ai créé le projet. Je voulais représenter l’énergie du rock’n’roll à travers la musique électronique. Je cherchais quelqu’un d’ouvert d’esprit, prêt à expérimenter d’un point de vue artistique. J’ai rencontré Simon à Paris. Très vite, on a décidé de travailler ensemble.
—Comment avez-vous décidé de mélanger le hip-hop et la darkwave ? Certains artistes ont fusionné la culture gothique avec le hip-hop, comme Ghostmane ou l’ensemble de la scène horrorcore. Tout cela vous intéresse-t-il ?
—J’adore Ghostmane. Je trouve ça incroyable de mélanger deux styles de musique et d’obtenir un résultat unique. À mon sens, le hip-hop et la darkwave forment un ensemble assez cohérent, qui permet d’explorer de nombreux univers et émotions différents.
—Votre musique a été décrite à plusieurs reprises comme mélancolique. Vous considérez-vous comme des personnes mélancoliques ?
—Pas vraiment. À mon avis, la tristesse et toute sa palette de sentiments font partie de la vie et se retrouvent inévitablement dans la musique.
—Rachel, tu es féministe. Penses-tu que l’industrie de la musique est encore sexiste ? Le groupe a-t-il été victime de comportements sexistes ?
—L’industrie de la musique est encore très sexiste. Lorsque j’étais jeune musicienne, les agressions sexistes étaient très fréquentes : être insultée, se voir empêchée de jouer ou bien recevoir de la bière à la figure… Malheureusement, ce genre d’expériences se produit encore. De nombreux hommes pensent que les femmes ne sont pas compétentes.
Heureusement, la situation évolue, et certains hommes modifient leur façon de penser. Il est très important que les femmes, mais aussi les hommes, incarnent le féminisme.
—Que peux-tu nous dire sur l’enregistrement de votre premier EP Hide My Face ? Avez-vous réussi à obtenir facilement le son que vous vouliez ?
—Nous avons enregistré le 1er EP chez nous. On produit nos propres chansons. Simon et moi, on travaille chacun de notre côté sur les mixages, jusqu’à ce qu’on obtienne un son qui nous plaît vraiment.
—Comment considérez-vous la violence de vos paroles ? L’utilisez-vous comme partie intégrante de la culture hip-hop ? Ou l’utilisez-vous pour exprimer votre colère ?
—On retrouve une certaine violence dans nos paroles, qui reflète nos préoccupations. La violence fait aussi partie de la vie. Il est important pour nous de la laisser s’exprimer à travers notre musique.
—Quelle est votre approche du beat making ? Contrairement à la plupart des groupes de hip-hop, vous avez un batteur.
—Effectivement, nous avons un batteur pour la simple raison qu’on n’est pas entièrement un groupe de hip-hop. On aime modifier et fusionner différents genres. Je tenais à avoir une batterie en live sur scène, comme les groupes de rock’n’roll.
—Dans vos paroles, je trouve aussi un conflit avec la génération précédente, ou peut-être un conflit contre le statu quo. Une expérience qui t’a marquée ?
—C’est vrai, parfois les générations précédentes sont trop étroites d’esprit et bloquées sur de vieux stéréotypes. Le genre de truc que je ne supporte pas.
—Avec « Sublimation », vous donnez votre propre vision du RnB moderne. Aimeriez-vous continuer dans cette direction à l’avenir ?
—J’adorerais. J’aime la finesse du RNB, et la puissance de ses mélodies.
—Vous avez réalisé une reprise pour l’album de bienfaisance intitulé Sick Sad World. Vous pouvez nous en dire un peu plus ? Pourquoi avez-vous choisi de reprendre Tokio Hotel ?
—J’étais super fan de Tokio Hotel quand j’étais plus jeune. Je ne rejette pas les groupes que j’ai aimés. Un artiste doit savoir conserver sa curiosité, même s’il s’agit de groupes ringards.
La playlist a été créée pendant le premier confinement. C’était un moyen pour les groupes de maintenir leur énergie créative et de créer des morceaux amusants.
—Quelles sont tes influences en matière de hip-hop ? Le hip-hop a toujours occupé une place importante en France (certainement plus qu’en Espagne).
—Dans le RNB/hip-hop moderne, j’aime bien The Weeknd. J’adore ses parties de synthé et ses mélodies de voix. Du côté français, j’aimeCasey, Virus ou l’éternelle vieille école de Diam’s.
—Rachel, Etienne Daho fait partie de tes influences. Qu’aimes-tu chez cet artiste ? Y a-t-il d’autres artistes français qui t’intéressent ?
–J’adore Etienne Daho. Nous sommes effectivement influencés par la French Touch et tous les mouvements post-French Touch. Par des artistes comme : Air, Phoenix, Sébastien Tellier, Christophe… On aime les sons qui font partie de ce patrimoine électronique français.
—Comment avez-vous vécu la pandémie ? Pensez-vous qu’il était plus difficile de créer un groupe dans une telle situation ?
—Au contraire, ça a été bien plus difficile de se lancer à cette époque. Le plus dur a été de ne pas pouvoir sortir et assister à d’autres concerts. Pour nous, il est important de partager la musique avec d’autres. Ce n’était pas non plus évident de ne pas pouvoir jouer notre premier EP Hide My Face en live.
—Simon, tu fais aussi partie des Bad Pelicans. La musique est assez différente de celle de DALHIA et se rapproche plus du garage rock, non ? Tu peux nous en dire plus ?
—Dans ces deux groupes, j’aime la puissance de l’expression, et surtout la présence sur scène.
—Rachel, faisais-tu partie d’un autre groupe avant de créer DALHIA ?
—Je jouais dans un groupe de rock, mais je commençais à me lasser de cette musique, j’ai donc débuté sur Ableton Live.
—Que peut-on attendre de votre concert à Madrid ?
—On a hâte d’y être ! On a préparé un tout nouveau set live, et on va mettre le feu avec notre super ingé son, SATAN !