Ce qui m’a le plus surpris du Discipline de Blind Delon fut sa fascinante variété stylistique : de l’electro, le groupe passait sans problème au post-rock ou à la synthwave, avec des résultats surprenants. Dans l’interview que nous avons eu le plaisir de réaliser avec le duo, ils nous démontrent que cette variété provient d’un intérêt pour la musique incommensurable. On pourra les voir en live à l’Ombra, qui aura lieu du 26 au 28 novembre à Barcelone.
— Au tout début (2016), Mathis, tu étais seul dans Blind Delon. Tu composais une musique plutôt darkwave/synthpop. Quelles étaient tes attentes lorsque tu as commencé ? Avais-tu déjà envie de créer un groupe à l’époque ?
— Mathis : Ce qui est sûr, c’est qu’au tout début, j’ignorais que le projet prendrait cette ampleur. Je viens d’une famille de musiciens, la musique en général a toujours fait partie de notre vie. Dans les années 2000, mon père était membre du projet électro Nancy Fortune. Grâce à lui, j’ai découvert la musique électronique assez jeune. À la maison, on écoutait du rock des années 70 à 90, du classique, du baroque, des bandes-son de films, de la variété française, un peu de tout. Je pense que l’idée de fonder ce projet et de composer une musique qui ne m’était pas vraiment familière vient avant tout de la culture éclectique que mes parents m’ont transmise. Je voulais associer l’héritage électronique de mon père à mon amour pour la musique rock et les instruments. C’est peut-être aussi pour cela que Blind Delon est devenu un mélange de style. Cet aspect est resté. À l’époque, j’ignorais qu’on allait devenir un groupe, mais en tout cas, j’étais certain que je voulais jouer cette musique sur scène.
— Comment est née la collaboration avec Oráculo Records ?
— Mathis : « Edouard », le tout premier morceau du projet, a été produit dans mon appartement à Toulouse. J’étais assez fier de cette chanson, car elle a été composée avec ce que j’avais sous la main. Quand je l’ai uploadée sur SoundCloud, je ne pensais pas qu’elle serait écoutée ou appréciée. Quelques jours après l’avoir postée, Nico nous a contactés. Si je me souviens bien, à la base, il était question de publier la chanson sur l’une de leurs compilations Minimal Signals. Mais le fait qu’un label s’intéresse à ce projet si rapidement et si fortement m’a fait entrer dans une sorte d’état frénétique de composition et, en quelques semaines, j’ai produit les deux autres titres originaux qui apparaissent sur notre premier EP. Et comme on a souvent travaillé avec Oráculo, on remixé Synths Versus Me (dont nous venons d’apprendre le décès de Vanessa, nos plus sincères condoléances), et sorti plusieurs EP/chansons. Ce label nous a lancés, on leur doit tout. Sans eux on n’en serait pas là aujourd’hui.
— Que s’est-il passé avec Théo Fantuz ? Il a quitté le groupe, non ?
— Mathis : Quand en 2017, j’ai décidé de monter un groupe, j’ai fait appel à mes deux amis Coco et Théo. Avec Coco, on se connaissait depuis presque 10 ans, on avait travaillé ensemble sur de nombreux projets, des bandes-son pour des spectacles de danse, un projet de musique house, un groupe de rock progressif… Bref, on se connaissait bien et il était évident que je voulais qu’il soit à mes côtés dans Blind Delon. Théo était également un très bon ami avec qui on a travaillé régulièrement. Il dirigeait un label de techno (Longway Records) et je gérais la même chose de mon côté (Kolkoz Records). C’est donc tout naturellement que j’ai réuni ces deux personnes qui, à l’époque, ne se connaissaient même pas. Pendant 3 ans, le projet a fonctionné à trois et on s’est beaucoup amusés ! Mais j’étais le seul à être plus disponible, puisque je dirige un studio de mixage et de mastering. Coco avait un job cool qui lui permettait de partir en tournée quand il le voulait, et Théo bossait comme barman à Toulouse. Malheureusement, son patron était moins flexible. On s’est séparés de Théo début 2020, après une longue tournée de plusieurs semaines, d’un commun accord.
— Coco : On se voit encore, évidemment, on n’est pas du tout fâchés, mais c’était une décision à prendre pour l’organisation du groupe…
— Vous avez tourné et remixé deux fois le groupe allemand Holygram. Ils ne sont plus actifs (je pense que nous sommes les derniers à les avoir interviewés). Comment est née cette relation ?
— Mathis : Hmmm, je pense qu’on a commencé à travailler avec Holygram à cause d’Oráculo Records… Leur premier EP est sorti sur le label quelques semaines après l’un des nôtres. À cette époque, ils cherchaient des artistes pour remixer leur musique et faire un CD bonus. Lorsqu’on a écouté leurs chansons pour la première fois, je dois admettre que j’ai eu du mal à me projeter ha ha. La tendance shoegaze de cet EP ne me parlait pas vraiment et je m’interrogeais sur la faisabilité d’un remix. Au final, on a réfléchi et on a décidé d’ajouter la partie électronique qu’ils n’avaient pas du tout mise en avant. Je pense que c’est ce qui les a intéressés dans notre travail et c’est pourquoi on a également remixé une chanson de leur deuxième et dernier album. On a apporté une dimension électronique qu’ils n’avaient pas. C’est aussi pour ça qu’on a aussi partagé la scène plusieurs fois. On a senti qu’on était complémentaires. On n’aurait jamais osé noyer nos sons de guitare dans la réverbération, ni même travailler avec un batteur, et ils n’auraient jamais osé s’orienter vers des sons comme la techno ou le post-hardcore, alors que c’est un truc qu’on adorait. Et puis on est devenus de bons amis, surtout avec Patrick, le chanteur du groupe. On est toujours en contact, et même si on n’a pas encore réussi à composer de la musique ensemble, on garde espoir…
— Coco : On a vraiment passé un bon moment avec eux quand on a joué dans leur ville natale de Cologne, il y a deux ans. The KVB était également présents. Je pense qu’ils se sont séparés peu de temps après ce show…
— A-t-il été difficile de commencer à jouer en live en 2017 ?
— Coco : À ce moment-là, je revenais d’une année d’études en Espagne et même si j’avais déjà joué sur scène avec plusieurs projets, j’étais un peu rouillé. C’était intense à tous points de vue !
— Mathis : Je suis peut-être le seul à le penser, mais j’ai eu du mal à démarrer ce projet en live. J’avais passé plus d’un an dans mon studio à composer de la musique, et du jour au lendemain, on s’est motivés pour travailler, répéter, acheter du matos, adapter nos chansons à la scène. C’était une période intéressante, mais très stressante. Puis on a donné notre premier concert, et non des moindres, au festival Waveteef. Je crois qu’on a vomi avant de monter sur scène. Puis on a donné notre concert et passé une soirée magique. Sur le chemin du retour, notre voiture de location est tombée en panne. Ensuite, on a enchaîné en première partie de Frustration la semaine suivante. Depuis, on n’a pas arrêté !
— Le groupe a sorti un single en hommage à Genesis Breyer P-Orridge. L’une des chansons a également été publiée dans la compilation d’UPR. Comment sa musique vous a-t-elle influencés ?
— Mathis : Je pense que j’ai commencé à écouter Genesis par le biais de Drew McDowall et de Coil, puis de Psychic TV, de Throbbing Gristle, des performances de Cosey Fanni Tutti, et ensuite de bien d’autres façons.
The Ape Of Naples de Coil a été une explosion musicale pour moi. Je me souviens l’avoir choisi parmi les 5 CD que je pouvais emprunter avec ma carte de jeune membre dans la bibliothèque de ma ville. C’était aussi l’époque où mon père travaillait sur la création de patches MaxMSP et sur un projet de noise abstrait avec un violoncelle et quelques synthés modulaires. On écoutait beaucoup de Pan Sonic et de trucs abstraits à la maison. J’ai donc découvert Psychic TV assez jeune, mais j’y suis revenu bien plus tard lorsque j’ai fondé le label de techno indus Kolkoz Records. C’était en 2015 et je voulais absolument avoir une ligne artistique qui associe musique dansante et bruit. On a donc signé des artistes comme Bombardier, Drvg Cvltvre, ce qui nous a permis de cultiver un son très industriel, presque noise. En même temps, j’ai lancé mon studio de mastering qui est toujours mon activité professionnelle actuelle. À l’époque, j’avais l’impression qu’on travaillait sur des mélanges de genres assez nouveaux et un son très spécial. Pour cultiver mon oreille et m’inspirer pour trouver de nouveaux artistes pour le label, j’ai commencé à écouter principalement trois styles de musique : le grindcore classique (mais aussi des choses plus récentes comme Wormrot, un groupe que j’adore), le noise rock japonais de la fin des années 80, et enfin la noise comme Prurient et évidemment… Throbbing Gristle. Même s’il ne s’agit pas de l’influence principale de Blind Delon, on se retrouve souvent dans leur travail quand on expérience des choses plus bruyantes ou proches du sound design. De plus, lorsque Pedro d’UPR nous a proposé de composer une chanson en hommage à Genesis, on n’a pas hésité une seconde. Pour terminer ce travail et rendre hommage à un autre de ses groupes qu’on écoutait beaucoup, on a choisi un titre de PTV et sorti ce 7″.
— Comme influences, vous avez cité Denier du Culte et Anthon Shield & DZ Lectric. Selon vous, quelles ont été leurs influences sur la musique de leur époque ? On connaît plutôt bien le premier groupe d’Anthon Shield, mais pouvez-vous nous en dire plus sur Denier du Culte ?
— Coco : C’est drôle que tu parles de Denier Du Culte. En fait, Mathis et moi, on s’est rencontrés à Chambéry (Fr) pour faire des études de gestion culturelle et de musique. Notre prof d’ingénierie du son était Alain Basso, bassiste et compositeur de Denier Du Culte, et aussi de Phaeton Dernière Danse. C’était un type formidable, il nous a initiés au sound design, il nous a enseigné des techniques sonores très peu conventionnelles qu’on utilise toujours, et surtout grâce à lui, on a découvert beaucoup de groupes comme Chrome ou Sun City Girls.
— Mathis : On est clairement pas les plus expérimentés dans ce domaine, mais on a toujours aimé nous intéresser à ce que les autres n’écoutaient pas. On a découvert beaucoup de choses de cette manière, et la scène expérimentale française des années 80 en fait partie. Son importance pour la scène actuelle est évidente. Pourquoi ne le considérons-nous pas ? C’est une autre question.
Dans les années 70, les Pink Floyd et Led Zeppelin ont en quelque sorte monopolisé la scène, en laissant de côté une multitude de groupes inconnus, qu’on aurait complètement oubliés aujourd’hui sans Internet… Medusa, Riff Raff, Elias Hulk, Shinki Chen… Je ne dirais pas qu’ils étaient au même niveau que Floyd, mais c’était quand même de la bombe ! Et c’est encore le cas aujourd’hui, dans 20 ou 30 ans on se souviendra de ceux qui ont eu la chance de percer, mais on n’oubliera ceux qui ne l’ont pas fait. Je ne sais plus de quels principe ou concept il s’agit, mais c’est la question de l’émergence du groupe. Ce qu’on oublie, c’est que pour un artiste émergent, un millier d’autres coulent. Les grands ont besoin des petits, ils ont besoin d’être portés, et je pense que ça a été le travail de Michel et Christian et de beaucoup d’autres. C’est en ce sens qu’ils ont été essentiels à leur époque.
— Coco : Heureusement, on vit dans une société qui prête attention aux scènes alternatives. Aujourd’hui, on célèbre et rend hommage à de nombreux artistes qui n’étaient même pas connus de leur vivant.
— Pour en revenir à Anthon Shield, le groupe a collaboré avec son projet Black Egg, sur l’EP Dancefloor Dummies. Que pouvez-vous nous en dire ? A-t-il été facile de travailler avec quelqu’un qui vous a influencés ?
— Mathis : Michel est vraiment un type formidable. On a travaillé très vite et tout s’est très bien passé, car je pense qu’on avait une bonne idée commune de base pour ce projet. Souvent, dans les collaborations, tout le monde fait des concessions pour s’entendre le mieux possible, et pour que les choses puissent se faire. Mais là, on n’en a pas eu besoin, Michel a apporté ses idées, nous les avons aimées, nous avons proposé les nôtres, et les morceaux sont sortis. C’était simple comme bonjour. Une belle expérience.
— Vous avez collaboré avec Pedro Peñas Robles, propriétaire d’UPR, pour certaines de vos sorties, comme le single Blind Delon & HIV+ – Drugs, qu’on retrouve également dans Rubedo Edition. Quel est le point commun entre votre vision de la musique et celle de Pedro ?
— Mathis : Pedro est la deuxième personne que nous avons rencontrée de la scène coldwave, après Nico d’Oráculo. Nous lui devons beaucoup. En 4 ans d’amitié, on a travaillé avec son label peut-être une dizaine de fois, entre albums, EP, remixes, collaborations. On adore bosser avec lui et on espère que c’est réciproque, ha ha. Je pense qu’on se ressemble, notre musique a la même intention. Pedro aime les textes bruts jetés sur le papier, et ses mots/sa voix ont un son que je trouve très sauvage, tendu. La plupart du temps, on essaie d’obtenir le même résultat avec notre musique. On travaille sur des choses brutes et explosives, des sons pénétrants, une sorte de violence contrôlée.
— Vous produisez aussi de la techno. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Comment s’est passé votre live avec IV Horsemen ?
— Coco : En fait, on ne se fixe pas un style de prédilection. On est plutôt portés par l’intention qu’on donne à notre musique, entre violence, espace et romantisme noir. C’est pourquoi, lorsqu’on nous pose la question, nous répondons que notre musique va de la postwave au synthpunk, car on a le sentiment de ne pas appartenir à un style particulier. Il nous arrive de produire des morceaux plus techno, mais jamais sans intégrer des éléments d’autres styles. Par exemple pour le live hybride qu’on a fait avec Tim de IV Horsemen, on était 4 sur scène. Mathis jouait des disques EBM et électro, Théo et moi avions des synthétiseurs et Tim criait dans son micro. C’était intense et cela reflétait notre état d’esprit : la taxonomie est ennuyeuse, et rien ne nous empêche de tout mélanger et de voir le résultat…
— Pourquoi avoir appelé votre premier album Discipline ? Était-ce une référence au Festival de Toulouse ou à l’album de King Crimson ?
— Coco : C’est une question difficile, on adore le Discipline Festival et ce sont nos amis, mais on doit dire la vérité. Non, le nom de notre album ne leur rendre hommage… Ha ha.
— Mathis : Je crois que cet album porte ce nom pour 3 raisons : Discipline de King Crimson, Discipline de Electric Electric et Discipline of Sun Ra. On a beaucoup écouté ces trois œuvres pendant qu’on composait l’album, et même si on ne s’en ai pas directement inspirés, je pense que nous avons tiré une leçon inconsciente de ces disques.
— Coco : King Crimson parce qu’on a toujours aimé leur travail, c’est même probablement le groupe qu’on a écouté le plus souvent dans notre vie… C’était l’album où Tony Levin a rejoint le groupe. J’adore ce bassiste, je m’en inspire vraiment. Electric Electric parce que c’est l’un des meilleurs groupes de post-rock du siècle et ce qu’ils font est dément, à la fois complexe et accessible, et c’est, sans prétention, ce que nous avons essayé de faire avec notre musique… Et Sun Ra à cause du sentiment de liberté qui nous a toujours inspirés dans sa musique.
— Comment votre façon de composer/travailler a-t-elle changé avec Discipline ?
— Mathis : On est passés d’une méthode de composition amateur proche du home studio à la création de ce qui est aujourd’hui notre environnement de travail et notre studio professionnel. On s’est équipés de matériel vintage, de nombreux synthétiseurs des années 80 et d’instruments de toutes sortes. En fait, ce qui a beaucoup changé, c’est que nous avons modifié notre conception du travail en studio. On a commencé en mode « laboratoire », c’est-à-dire qu’on s’équipait de tout ce qui nous permettrait de rompre avec les méthodes conventionnelles et classiques de composition. Sans entrer dans les détails techniques, on peut dire qu’on aime faire partir le son d’un point A et le récupérer à un point B, un peu comme tout le monde. Cependant, le chemin par lequel voyage le son est parsemé de portes que l’on ne voit pas habituellement. On envoie des synthétiseurs dans des amplis de guitare, des boîtes à rythmes dans 4 ou 5 consoles de mixage en cascade… Beaucoup de trucs amusants…
— Dans cet album, vous avez collaboré avec de nombreux artistes, ce que vous avez souvent fait au cours de votre carrière. Considérez-vous la musique comme une activité collaborative ?
— Mathis : Absolument ! On conçoit la musique comme un lieu de rencontre. On aime travailler avec des amis, et parfois avec des personnes qu’on ne connaît pas, juste parce qu’on aime rencontrer des gens et découvrir leurs univers. C’est pourquoi beaucoup de chanteurs ou d’autres musiciens participent sur nos chansons. Et c’est aussi pourquoi nous aimons sortir notre musique en format split !
— Vous avez dit que vous vouliez faire des bandes-son, des nouvelles à ce sujet ? Toujours à propos des influences, vous avez cité Francis Lai et François de Roubaix. Pourriez-vous recommander un travail particulier de l’un d’entre eux ?
— Coco : Pas encore de nouvelles de ce côté. Mais on espère toujours !
J’aime beaucoup la bande-son de Marie de Francis Lai. C’est une biographie d’une ancienne reine de beauté américaine, épouse d’un boxeur alcoolique, qui a joué un rôle très important dans un scandale de libération conditionnelle donnée aux prisonniers contre de l’argent en 1977. La belle Sissy Spacek joue le rôle. La composition de cette œuvre orchestrale de 1985 me rappelle de nombreux passages de Joe Hisaichi dans les films de Miyazaki. Dans l’œuvre plus instrumentale de Francis Lai, on retrouve aussi Follement(1970) avec Alain Delon et Mireille Darc ou encore Les Pétroleuses(1971) qui est superbe.
— Mathis : Pour François de Roubaix, il est indispensable d’écouter sa bande-son pour Les Grandes Gueules(1966) ! Si l’on parle de nos influences en matière de bande-son de films des années 70, et même si Lai et De Roubaix sont sûrement les deux principales, on doit absolument mentionner Franco Micalizzi, Pino Donaggio et Goblin. La scène italienne déchirait tout ! Comme on l’explique souvent dans les interviews, on est des enfants des années 90, passionnés d’une culture qui n’était pas celle de leur époque. On a tous deux eu la chance d’être nés avec des parents qui nous ont laissé un héritage cinématographique phénoménal, et c’est la musique de ces films qui a bercé notre enfance. Même si Blind Delon est un projet électro-punk sauvage qui hurle sur scène, on compose avant tout des chansons d’amour. On parle de rencontres entre des personnages, des corps, des sentiments, des thèmes très présents dans le cinéma des années 70. Francis Lai, par exemple, était le spécialiste de la musique d’amour, et on s’est énormément inspirés de ses mélodies pour nos chansons. On essaie d’associer cet amour pour les mélodies heureuses, insouciantes et pleines d’espoir à la noirceur et à la tension que nous ont offertes la décennie suivante et le cinéma des années 80, dont nous admirons le travail de Carpenter, David Frank ou d’Alan Silvestri. Et bien sûr, tout ce qu’Howard Shore a fait pour David Cronenberg. Le sound design de Videodrome (1983) est tout simplement un chef-d’œuvre. Mais on pourrait citer nos influences pendant des heures ! Le cinéma est certainement notre influence principale.
— Votre dernier split avec Contre Soiree est presque punk. Est-ce une nouvelle direction que vous comptez suivre ?
— Mathis : Comme on essaie de l’expliquer ci-dessus, on ne se cantonne pas à un style particulier. La réponse à la question est donc non et oui. Comme on est deux dans le groupe, même si le Covid nous a empêchés de jouer pendant un certain temps, on a travaillé sur notre son et développé notre musique jusqu’à ce qu’on réalise qu’on voulait être capables de jouer sur scène tout ce qu’on produit en studio. Par exemple, la composition de Discipline a été une expérience fabuleuse, mais il aurait été très difficile de le jouer sur scène… On continuera donc à produire ce qu’on veut et ce qu’on aime, mais avec l’idée qu’on doit être capables de jouer tout ça devant notre public. Pourquoi le punk ? Car au-delà du style punk, c’est une énergie dans laquelle on se retrouve. Et nos prochaines productions iront dans ce sens. Comme on le rappelle souvent, notre devise est « Postwave et Synthpunk ». Postwave parce qu’on défend une vision large de la synthwave et que cela se ressent dans notre musique. Synthpunk parce qu’on a le sentiment que cela correspond à la fois à notre proposition scénique et au son de nos disques.
— Coco : On veut partager notre vision du mélange qui peut être opéré entre les synthétiseurs, les boîtes à rythmes, les guitares et les lignes de basse saturées. Ces jours-ci, on a l’impression d’être sur une vibe vraiment électro-punk.
— Mathis, tu as créé les labels numériques Kolkoz Records, WITHOUTLIES et Shawarma (trois références sur cassette). Peux-tu nous parler de ton expérience de la gestion d’un label ? As-tu l’intention de sortir quelque chose de nouveau à l’avenir ?
— Mathis : Je vais répondre à la deuxième partie avant et la réponse est non ! Rien n’est planifié et rien ne sera planifié… Même si la gestion de plusieurs labels a été une grande expérience pour moi ! J’ai rencontré des gens qui sont encore mes amis aujourd’hui, j’ai découvert beaucoup d’artistes, j’ai pu monter mon studio de mastering, travailler sur la musique des autres, et surtout j’ai eu le sentiment de faire quelque chose de cool. En 2015, j’ai fondé Kolkoz Records d’après un constat simple : dans la musique, j’aime la relation entre les artistes, voir émerger une idée qui va être nourrie par plusieurs personnes en même temps. J’ai donc décidé de lancer un label basé sur le modèle assez étonnant des singles. Un artiste produisait un titre et je trouvais neuf artistes qui le remixeraient. Telle était la ligne artistique de Kolkoz Records. Et je me suis éclaté ! J’ai pu faire des rencontres qui n’auraient jamais eu lieu dans d’autres circonstances. On essaie de maintenir ce mode de fonctionnement avec Blind Delon… Avant de terminer nos morceaux, on se demande toujours s’il ne serait pas intéressant d’impliquer une autre personne dans cette démarche. Lorsqu’on sort un disque, c’est souvent la même chose, c’est pourquoi nous aime le format split, qui permet de mélanger les gens, les styles, les visions.
— Mathis, tu as voyagé avec DJ Varsovie sous le nom d’Été 97 et tu as fait une tournée dans le sud de la France. Tu peux nous en dire un peu plus ?
— Mathis : Je ne révélerai aucun secret sur le déroulement de cette tournée… Tu devrais poser la question au Prince des Ténèbres lui-même !
— Continuons avec les projets parallèles. Mathis, tu en as beaucoup : du rock psychédélique/prog avec The Ricardo Salienas Oozing Project, un projet « Gorenoise » appelé After Rectal, de l’électro avec Frust, de l’ambient/drone avec Le Non-Savoir. As-tu du temps libre ? Y a-t-il un style de musique auquel tu aimerais t’adonner à l’avenir ?
— Mathis : Et bien d’autres encore ! Avec Coco on travaille sur Frust et Le Non-Savoir, et on a également un nouveau projet krautrock en préparation. On bosse aussi avec un batteur dans un groupe de rock alternatif (genre Kyuss/Red Fang). Malheureusement, je pense que le temps me manque, les 24 heures qui me sont accordées ne sont pas suffisantes. J’essaie tout ce que j’aime essayer depuis 6 ans, et je pense que je le ferai toujours. Depuis l’ouverture de notre studio en janvier, je n’ai vraiment eu le temps de me lancer dans de nouveaux projets avec Coco ou seul, et ça me frustre énormément, ha ha. Mais je prépare un projet solo popwave des années 80 pour 2022, il sortira sur le label de mon ami Kendal, Ritmo Fatale.
— On a posé la question à Leroy Se Meurt sur leur reprise d’Absolute Body Control qui figure dans l’album Oráculo. Pourquoi avez-vous choisi « Figures » ? ABC vous ont-ils influencés ? Allez-vous essayer de les voir à l’Ombra ?
— Coco : C’est assez simple, on a choisi un tube pour essayer de faire une reprise mineure… ABC n’a pas été une influence majeure, mais d’un autre côté, on a toujours écouté leur musique et on a aussi une connexion spéciale avec Eric. Il a masterisé une grande partie de notre musique et on apprécie son travail. C’était donc une façon de lui rendre hommage. On sera dans le public, c’est sûr !
— Quel est votre film préféré d’Alain Delon, en tant que fan ?
— Coco : La Piscine !
— Mathis : Le Jour et la Nuit de Bernard-Henry Lévy. Non, c’est une blague, Le Guépard de Visconti est l’un de mes préférés.
— Que pensez-vous d’autres artistes comme Com Truise, Jichael Mackson ou encore Tronald Dump ?
— Coco : Je suis un grand fan d’In Decay de Com Truise, je crois que je l’écoute tous les mois depuis qu’il est sorti. C’est une grande influence.
— Quels sont vos projets pour l’avenir ? Un split avec IV Horsemen et Churros Batiment ?
— Mathis : Exactement, nous allons sortir un split 4 titres avec notre ami IV Horsemen sur Soil Records, et on bossera également sur un split avec Churros Batiment, mais celui-ci ne sera pas sous le nom de Blind Delon ! On a composé une musique très cinématographique pour rendre hommage à John Carpenter et nous avons décidé de lancer un alias de Blind Delon pour toutes les bandes-son et les partitions. On vous donnera bientôt plus d’informations à ce sujet !
— Coco : On a également composé un morceau avec notre ami I Hate Models qui sortira bientôt. Bien entendu, on bosse aussi sur notre troisième album studio… Pas le temps de s’ennuyer.
— Que peut-on attendre de votre concert à l’Ombra ?
— Mathis : Vous pouvez vous attendre à voir notre nouveau set live, de nouvelles chansons, du nouveau matos, un nouveau son, une nouvelle énergie… J’espère que tout le monde appréciera.
— Coco : J’ajoute que ça fait longtemps qu’on n’a pas joué, on est chaud comme la braise, pensez à prendre vos boules quies !