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Interview : Black Needle Noise

par François Zappa

Si vous êtes tombé amoureux de la musique des années 80, vous devez certainement connaître John Fryer, producteur qui a travaillé sur les disques de Fad Gadget, This Mortal Coil, Depeche Mode, Yazoo, Cocteau Twins et autres groupes qui vous ont fait rêver pendant notre décennie préférée. Dernièrement, il a fait son grand retour sous le nom de Black Needle Noise, et a sorti trois disques, le dernier d’entre eux, intitulé These Mortal Covers, est considéré comme étant le meilleur disque de reprise de l’année par votre serviteur.

—Commençons par une question sur le nom de ton groupe. Black Needle Noise fait référence aux vinyles ?

—Oui, il existe deux versions du nom : 1. La version old school serait : Black représente le vinyle, Needle représente le fait de placer l’aiguille sur le disque et Noise représente le son qui sort des haut-parleurs, mais en réalité, je regardais Black Mirrors. L’émission télévisée m’a inspiré et j’ai commencé à penser qu’on pourrait faire fondre un vinyle et nous l’injecter nous-même pour que la musique circule dans nos veines et notre corps afin qu’on puisse y accéder facilement d’un simple claquement de doigts.

—Selon toi, l’histoire de Black Needle Noise a commencé avec « Bang Bang », une reprise de Nancy Sinatra produite par Lee Hazlewood, présentant un son rêveur grâce à l’utilisation du trémolo. « Some Velvet Morning » semble également venir d’un autre monde. Hazlewood a-t-il eu une influence sur ton travail ?

—J’ai créé Black Needle Noise après avoir arrêté mes deux autres groupes DarkDriveClinic et Silver Ghost Shimmer, pour une raison ou une autre. J’avais écrit beaucoup d’autres chansons en écrivant pour ces 2 groupes, mais elles ne correspondaient tout simplement pas à leur son et j’ai pensé que ce serait du gros gaspillage si je n’en faisais rien.

C’est ainsi qu’est née l’idée de Black Needle Noise. BNN n’est pas censé avoir un seul son ou type de chanson. Le groupe prendra n’importe quelle direction visuelle ou artistique, si on le juge nécessaire. « Bang Bang » a été la première chanson à sortir sous le nom de Black Needle Noise. Elle a été suivie rapidement de « Wild Stone » avec Zialand au chant. J’ai fait la reprise de « Bang Bang » et la plupart des autres reprises à cause de la société de placement de musique avec laquelle j’ai travaillé ces dernières années, car selon elle, il est plus facile de placer une reprise que de la musique originale.

—Tu as chanté sur « Bang Bang » et sur une chanson de chacun des disques que tu as sortis. Comment choisis-tu le morceau sur lequel tu vas chanter ?

—Eh bien, la plupart du temps, c’est la société de placement qui m’a demandé de placer du chant sur les chansons, avec un préavis très court (un jour ou peut-être 2). Dans ces cas, je finis par les chanter moi-même, car en général, car je n’ai pas assez de temps pour impliquer quelqu’un d’autre. J’ajoute aussi des chansons sur lesquelles je chante sous forme de piste bonus. Je n’allais jamais sortir d’albums, c’était juste mes amis dans les médias qui m’ont demandé de rassembler les morceaux pour faire des critiques et on m’a conseillé d’ajouter une piste supplémentaire en bonus pour rendre l’album encore plus spécial.

—Tu as travaillé avec beaucoup de chanteuses, penses-tu que les voix des femmes correspondent mieux à l’ambiance de tes chansons ?

—Oui totalement, la plupart du temps une chanteuse permet d’élever une chanson à un autre niveau, mais de temps en temps une voix masculine peut aussi fonctionner à merveille, comme dans « Seed Of Evil » avec Raymond Watts, Bill Leeb, Antic Clay et tous les autres chanteurs qui ont été impliqués dans le processus créatif de BNN.

—Ce sont généralement les chanteurs qui écrivent les paroles, as-tu déjà eu des problèmes avec le contenu de l’une d’entre elles ?

—Jusqu’ici non, je fais confiance aux chanteurs et ils font un travail incroyable. Leur nom figure sur la chanson ou les chansons, ils apparaissent comme co auteur. Je pense qu’ils écrivent des choses dont ils sont fiers, sinon ils ne l’écriraient pas.

—Que recherches-tu chez un chanteur ? Écris-tu la chanson en pensant à lui ?

Non, j’écris la musique et ensuite je demande à quelqu’un de chanter sur la chanson. C’est parfois différent de ce à quoi ils sont habitués et peut les sortir de leur zone de confort, mais jusqu’à présent, tous les chanteurs ont été prêts à relever le défi, à l’exception du couple qui m’a ignoré, dont je ne dirai pas le nom.

—Un chanteur avec lequel vous aimeriez travailler à l’avenir ?

—Oh, il y a plein de chanteurs avec qui j’aimerais travailler, la liste est interminable.

—Tu as expliqué que tu avais écrit « Dead Star » en hommage à Bowie, un artiste avec lequel tu aurais aimé travailler. Imagine-toi dans la peau de Brian Eno dans les années soixante-dix en train de produire Low or Heroes. Quel aurait été le son de ces albums avec toi en tant que producteur ?

Ce n’est pas tout à fait vrai. La chanson est finalement devenue un hommage à Bowie de ma part grâce à la façon dont je l’ai mixée. Betsy a écrit les paroles et a donné son nom à la chanson, mais tout s’emboîte d’une étrange manière cosmique.

Pour Low et Heroes, leur son aurait été bien meilleur ! (rires)

—Tu as également dit que l’un des piliers du projet est d’avoir l’esprit ouvert quant à l’écriture et au son. Mais y a-t-il une limite que tu ne franchiras jamais ?

Pour le moment, la seule règle ou directive est que je demande aux chanteurs est de ne faire qu’une ou deux chansons. Je ne veux pas que cela ne devienne un fardeau et affecte leur propre carrière musicale et leurs projets. De cette façon, ils aiment travailler avec moi.

—Tu as enregistré deux chansons avec Elena Alice Fossi de Kirlian Camera, un groupe que nous avons également interviewé. Comment est née cette collaboration avec la chanteuse italienne ?

—Je travaille avec Kirlian Camera depuis les années 80, j’ai mixé certains de leurs albums au fil des ans et j’avais quelques morceaux sur lesquels je pensais que la voix d’Elena serait parfaite. Elle a chanté sur « Behind The 4th Door » et « Naughty Girl », et elle a accompli un travail époustouflant.

—Que peux-tu nous dire sur « Extermination », la chanson que tu as composée pour la bande-annonce d’un film qui n’a pas encore été réalisé ?

—J’avais déjà travaillé avec Bruce sur la chanson de Danger Global Warning. C’était un projet multimédia prévu pour sensibiliser les gens au changement climatique. Quelques années plus tard, Bruce m’a demandé si je pouvais l’aider pour un pitch d’un film qu’il voulait réaliser, et bien sûr j’ai accepté. Il a décrit ce qu’il voulait et indiqué le moment où il voulait que les choses se passent, puis j’ai fait la musique. Il a mis son animation sur la bande originale en disant que c’était plus facile de travailler de cette façon pour lui. Il a reçu de bonnes critiques, mais malheureusement, ce projet n’a toujours pas été converti en film.

—Ta musique est très cinématographique, à part les bandes-son sur lesquelles tu as travaillées par le passé, aimerais-tu en faire une nouvelle avec ton projet Black Needle Noise ?

—Oui, j’aimerais beaucoup et j’ai quelques films en ligne de mire. Je travaille également avec mon ami Greg Young sur la réalisation d’un documentaire sur 4AD pour glorifier les années d’or des années 80, sur ce qu’elles signifiaient et signifient pour les gens/fans et comment elles ont inspiré des générations de groupes au fil des ans. Je ferai de la musique pour ça aussi.

—J’ai enfin vu ton documentaire et j’ai vraiment apprécié la partie live. Comment est née l’idée de ce doc ?

—Phil Owen de [Skatenigs] a invité Betty X avec BNN à venir jouer la chanson qu’elle avait chantée sur le problème des réseaux sociaux lors de son programme pour SXSW. J’ai pensé que c’était une super idée et qu’on devait en profiter pour en faire 5 à 6 chansons. C’est ainsi que le groupe live est né. Au final, Anjela et moi avons parcours 6000fut un voyage aller-retour de 6 000 milles.

L’émission allait être unique, j’ai donc eu l’idée de la filmer. Heureusement, l’amie d’Anjela, Katherine Sweetman, est une incroyable réalisatrice. Elle a proposé de venir la filmer pour nous. On était censés jouer uniquement pour une émission, mais finalement, on a été invités pour donner un deuxième concert le lendemain. On s’est vraiment bien amusés. Le film a été présenté dans plusieurs festivals de cinéma et a obtenu de très bonnes critiques.

—Que peux-tu également nous dire sur l’album ReMIXes sorti en 2016 ? C’était toi qui faisais les remixes, non ? Comment abordes-tu tes propres chansons lorsque tu vas les remixer ?

Non, je ne remixe pas mes propres chansons. Ce n’est pas vraiment un album de remix, c’est une collection de remix que les gens ont fait au fil du temps et mis sur Bandcamp. On rajoutera plus de morceaux quand il y aura plus de remixes. Comme un cadeau infini.

—Actuellement, tu fais les vidéos du groupe, non ? Quand as-tu commencé et comment as-tu eu cette idée ?

Black Needle Noise est une question de collaborations, j’ai commencé par faire des vidéos des chansons, mais au fil du temps, de plus en plus de personnes ont collaboré. Black Needle Noise consiste à se promouvoir les uns les autres à partir de nombreux genres différents et continuera à promouvoir ceux qui travaillent avec et font partie de la famille BNN.

—Lors d’une conférence que tu as donnée dans une université, tu t’es rendu compte que les jeunes ne veulent pas payer pour la musique. Penses-tu qu’il existe un moyen de les faire changer d’avis ?

—Eh bien, c’est comme ça que fonctionne le monde avec Internet. Ils pensent que tout devrait être gratuit, mais ils ne comprennent pas le processus qui se cache derrière chaque chose qui se retrouve sur Internet.

Le piratage sur le net est un problème et si tout le monde prend tout gratuitement alors à un moment, personne n’aura l’argent, le temps ou l’énergie de faire quoi que ce soit : pas de logiciel, pas de films, pas de musique, pas d’émissions de télévision, tout s’assèche progressivement.

—L’une de tes dernières chansons a été composée avec Fakeba. Comment se déroule ton projet avec elle ?

Fakeba m’a contacté il y a quelques mois et m’a demandé de travailler avec elle sur un album pour elle, mais je lui ai suggéré de faire une chanson de BNN en premier. Nous avons fait « System Bi » pour BNN, puis nous avons commencé à travailler sur son album, Jotna. L’album Jotna est un album d’ambiance dance incroyable qui n’a pas atteint le potentiel qu’il mérite, mais c’est ainsi que nous vous avons rencontrés en Espagne, avant le concert destiné à promouvoir l’album.

—Tu as travaillé avec Sivert Høyem, chanteur de Madrugada et avec Raymond Watts. Lorsque tu travailles avec un chanteur qui chante pour un groupe au style particulier, essaies-tu de composer une chanson qui correspond à son style ou essaies-tu de faire quelque chose de complètement différent, pour aborder son style dans une direction différente ?

—Tous les chanteurs de BNN sont célèbres à part entière, mais la musique de BNN n’est pas toujours la même que la leur. Parfois cela les sort de leur propre zone de confort ou comme dans le cas de Bill Leeb c’était sa première collaboration vocale à l’extérieur de ses propres projets. C’est différent pour chaque chanteur.

—L’année dernière, tu as sorti un album de reprises. Comment as-tu choisi ces chansons pour l’album ?

—C’est une collection de chansons sur de nombreuses années à partir de 2011 avec DarkDriveClinic et « Walking In My Shoes ». Nous étions dans les coulisses de l’un de nos concerts et Rebecca a demandé à porter mes chaussures pour traverser la pièce. Je lui ai dit hé, pourquoi ne pas faire une reprise de « Walking In My Shoes », juste pour le plaisir. C’est ainsi qu’on a commencé à travailler sur les reprises. Pour les autres, c’est en général les sociétés de placement de musique qui m’ont demandé de les faire, car elles sont plus faciles à placer que la musique originale ou l’éditeur demande des reprises de chansons à placer. Anjela se promenait aussi en chantant des chansons qu’elle voulait reprendre, elles sont donc incluses sur le disque.

—Anjela Piccard chante trois chansons sur cet album. Que peux-tu nous dire d’elle ? Est-elle vraiment membre du groupe ?

—Anjela est ma femme, elle est géniale et a chanté sur 3 reprises. Elle fait partie du groupe live avec Betty X, Sean Haezebrouck et moi-même. J’adore travailler avec elle vocalement, mais elle est aussi une artiste à part entière.

—Est-ce difficile d’aborder les classiques ? Black Needle Noise a quand même fait une reprise de « What a Wonderful World ».

L’idée générale des reprises, de mon point de vue, est de rendre les chansons plus cinématographiques à ma manière. Certaines n’ont pas beaucoup changé par rapport aux originaux, mais d’autres ont été radicalement modifiées. « What A Wonderful World » a été abordée d’une manière plus apocalyptique, déprimante, mais édifiante, pour s’adapter à ces temps sombres et au monde en ce moment. Elle est aussi parfaite pour un film.

—Je n’ai trouvé aucune information sur « Let This Be The Night ». Qui l’a écrite ?

—Ah, c’est Pinky [chanteur de Silver Ghost Shimmer] qui chante un morceau de son père Russ Conway. À l’origine, on souhaitait commémorer, honorer et se souvenir du décès de son père, et on a vraiment adoré le résultat. J’ai donc voulu l’ajouter à l’album.

—Comment est-ce d’être un producteur de nos jours ? L’industrie musicale peut-elle payer un bon producteur ? Que pensez-vous des bedrooms producers ?

Ce n’est pas facile de nos jours, mais heureusement, je travaille encore principalement au mixage et à la production exécutive lors du mixage. Il y a de très bons artistes, mais beaucoup d’entre eux ne parviennent pas à faire le bon mixage. Il faut beaucoup de temps, d’énergie et d’habileté pour bien mixer, ça ne vient pas du jour au lendemain, il m’a fallu des années y parvenir.

—La dernière fois qu’on s’est vus, tu nous as parlé de tes projets de tournées, et je suppose qu’ils ont été annulés en raison du coronavirus. L’année prochaine, peut-être ?

Ouais, c’était tellement triste que nous, Black Needle Noise et Fakeba ayons dû annuler nos concerts, mais les tournées reprendront dès que cela sera humainement possible. Il est très difficile de mettre une chronologie sur quoi que ce soit pour le moment, mais on se tient prêt et on jouera à nouveau lorsque nous aurons le feu vert. Gardez les yeux et les oreilles ouverts pour plus d’informations.

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