On vous a parlé de B1980, nom artistique de Bert Libeert, il y a peu, étant donné qu’il est l’auteur de l’une de nos dernières sessions. Producteur belge et membre du groupe d’electro rock Goose, il a sorti quatre EP qu’on vous recommande chaudement, de techno influencée par l’EBM. En outre, il réussit à transposer sa musique avec brio au format live, qu’on aimerait vraiment avoir l’occasion de voir en grandeur nature. Rappelez-vous : B, comme dans Electronic Body Music.
—Avant, tu t’appelais juste B. Quand as-tu changé de nom de scène ? Était-ce pour être plus visible sur Internet ?
—Je l’ai changé en « B1980 », avec ma publication sur Zone, début 2020. Visuellement, je préfère toujours la lettre B. C’était principalement pour que les gens trouvent ma musique sur Internet. Au lieu de changer de nom, j’ai ajouté mon année de naissance, qui est aussi une période qui a influencé ma musique aujourd’hui.
—Tu joues aussi dans Goose, un groupe qui s’appelait d’abord Loamy Soil et qui a fait des reprises d’AC/DC. Était-ce une bonne expérience en tant que batteur ? Quand le groupe a-t-il décidé de changer de style ?
—Avoir une formation rock influence toujours ma façon de faire de la musique. J’aime la musique brute de décoffrage. J’aime aussi la musique électronique organique, qui a un côté humain. Je n’aime pas le son clair de nombreuses productions informatiques. Avec Goose, on n’a jamais décidé de changer de style, il a simplement évolué de manière naturelle alors qu’on essayait de se réinventer encore et encore.
—Comment jouer avec Goose a-t-il influencé ta carrière actuelle ? Le groupe a sorti un nouvel EP il y a quelques mois, non ? Que peux-tu nous en dire ?
—Je joue dans Goose depuis que je suis jeune. On est quatre amis et on se lance constamment des défis. On a des goûts communs en ce qui concerne les artistes, mais on est aussi très différents à bien des égards. Grâce à ces différences, le processus qui nous permet de composer est unique. Ce processus m’apprend à repousser mes limites, à rechercher quelque chose de nouveau.
—Ambush, ton premier travail, est un peu plus electro que ce que tu fais en ce moment. On peut dire que tu as trouvé ton style avec Black Atlas. Pourquoi avoir changé de direction ?
—J’ai toujours senti que je voulais quelque chose de plus dark et de plus atmosphérique à la fois. Je découvrais de plus en plus d’artistes qui m’inspiraient. Il est naturel pour un artiste d’évoluer, de même qu’une personne évolue. T’apprends de nouveaux trucs et chaque expérience te permet de mieux te connaître. De cette façon, tu parviens à mieux comprendre comment tu souhaites t’exprimer, que ce soit dans la vie ou en composant de la musique. Plus je compose, plus je collabore, plus j’évolue vers le son qui sera vraiment le mien.
—Les journalistes décrivent ta musique de la façon suivante : l’ambiance méditative et les lignes de basse associées à des batteries dans les tons graves définissent B1980. Sa musique contient des éléments d’EBM et de techno bruts, d’une autre dimension. Comment d’écrirais-tu ta musique ?
—Si je fais cette musique avec B, c’est parce que j’ai l’intention de transformer de l’énergie sombre en énergie positive. Je crois que tout le monde a sa propre part d’ombre. Parfois, il est difficile de s’y rendre et d’affronter ses sentiments et pensées. Pour moi, composer de la musique dark est une façon de libérer cette énergie négative. Je la transforme en énergie positive en la rendant groovy et dansante. J’espère aider les personnes qui ressentent la même chose que moi.
—Quels artistes de techno t’ont influencé ?
—Je suis très inspiré par l’histoire belge de la musique électronique. Des groupes comme Front 242 et Telex, par exemple. Gamin, j’adorai The Confetti’s, un groupe de new beat hyper commercial. Leur premier morceau, « The Sound of C », sorti en 1988, me donne encore envie de bouger. Plus tard, des artistes comme Fixmer et The Hacker m’ont montré une approche différente de cette musique, une approche tournée vers les clubs et la techno. En général, n’importe quelle bonne musique électronique m’inspire.
—Tu as dressé la liste de morceaux qui t’ont vraiment inspiré, et on retrouve « Warm Leatherette » de The Normal en numéro 1. On adore le travail de Daniel Miller. En quoi t’inspire-t-il ?
—J’aime tous les aspects de ce morceau. Le rythme est lent et rapide à la fois. J’adore sa façon de chanter. Le morceau contient peu d’éléments, mais chaque son a son importance. Il est plein d’énergie, mais on peut aussi entendre qu’il est un peu négligé et joué par un humain. Il n’utilise pas beaucoup de séquences, et je pense que n’importe quel artiste de musique électronique devrait en tirer des leçons. Quand on joue une ligne de synthé ou de batterie à la main, elle devient immédiatement unique. J’ai essayé de retravailler ce morceau plusieurs fois, mais je n’ai jamais réussi à surpasser l’original. Remixer un morceau qui est déjà parfait est la chose la plus dure qui soit.
—Quand as-tu commencé à t’intéresser à l’EBM ?
—J’ai toujours su que l’EBM existait, mais ce n’est que lorsque j’ai écouté l’album « Muscle Machine » de Terence Fixmer que j’ai réalisé que ce genre était bien plus que l’EBM oldschool des années 80. Après ça, j’ai voulu en savoir plus et j’ai découvert tout un nouveau monde d’artistes old school et de nouveaux artistes influencés par ce genre.
—Peux-tu nous décrire la scène revival de l’EBM en Belgique ? C’est là où les artistes les plus importants du genre sont nés. En Espagne, on a quelques labels qui sortent du nouveau matos intéressant.
—Pour être honnête, je connais pas beaucoup d’artistes belges en ce moment, si tu fais référence à la musique EBM et EBM-techno que j’aime. J’ai remixé Radical G, qui sortira bientôt (les voix ont été enregistrées par The Horrorist). Ça fait un moment qu’il est dans le coup. Mais la scène EBM/techno que j’aime a vraiment besoin de se bouger en Belgique ! Je recherche toujours des groupes en Hollande, France et en Allemagne, pour savoir ce qui se passe.
—Dans State of Nature on retrouve également des influences d’acid. Quand tu composes tes pistes, est-ce que tu te laisses aller ? Ou bien est-ce que tu as déjà une certaine idée de ce que tu veux faire ?
—Chaque nouvel EP ou morceau est le résultat de ce que je ressens au moment où je le compose. Je ne prévois jamais le son. Je fais quelques config dans mon studio, avec le matos qui m’inspire sur le moment, et je fais quelques tests pour voir ce qu’il en sort. J’essaie aussi des instruments qui ne sont pas utilisés dans la musique électronique pour voir si je peux les associer. Si j’ai besoin de faire des sons drone atmosphériques j’utilise une guitare avec un ebow, des voix murmurantes ou de vrais instruments à cordes. J’essaie toujours de trouver des sons uniques impossibles à obtenir avec une machine.
—Peux-tu nous parler de ton dernier travail, Warrior Two ? Comment décrirais-tu ton évolution jusqu’alors ?
—Quand je composais les morceaux de cet EP, j’avais l’intention de composer quelque chose de brut. Le synthé Polivoks russe m’a vraiment inspiré pour cet EP. Il a vraiment un gros son sale, et le nôtre est particulièrement en mauvais état, du coup, il est vraiment imprévisible et c’est une bonne chose ! Chaque fois que je le branche sur mes haut-parleurs, je ne sais pas ce qu’il va me sortir. J’adore travailler. avec des facteurs imprévisibles. J’ai acheté le Polivoks Pro y’a pas longtemps. C’est vraiment une bonne réplique de l’original, il est plus petit et plus stable, je peux l’utiliser pour mes lives.
—Par le passé, tu as mixé le premier album de Whispering Sons. Quels souvenirs as-tu de cette collaboration ? Je suppose qu’ils sont plutôt célèbres en Belgique à présent.
—Il y a quelques années, j’ai fait un remix de « Performance ». Ils l’ont adoré et ils m’ont contacté pour mixer leur premier album. C’était un véritable honneur, car c’est l’un de mes groupes belges préférés. Ils sont vraiment adorables et savent ce qu’ils veulent. Écoutez leur travail !
—Tu as remixé une chanson du projet du chanteur d’Amenra, CHVE, et une autre de Syndrome. Ces deux artistes sont plutôt éloignés de ton style. Qu’as-tu essayé de réaliser avec tes remix ?
—À première vue, c’est un style différent. Mais on a plus de ressemblances que de différences. Notre musique vient souvent du même endroit, un endroit sombre, que l’on cache en nous. La puissance du son d’Amenra se traduit dans la puissance de l’EBM-techno : leurs guitares graves et leur tempo lent contre les lignes de basse électroniques dark et les percus grave. Les ambiances méditatives et transcendantales de leur projet solo, CHVE et Syndrome sont très douces et émotionnelles. J’essaie aussi de combiner la rudesse à la douceur pour créer des tensions. Chaque morceau est bien sûr différent, mais l’ADN reste le même.
—Safari Records est-il ton label ou celui de Goose ?
—On a lancé notre propre label, Safari Records, avec Goose. De cette façon, on a la liberté de sortir tout ce qu’on veut et quand on veut, parfois en collaboration avec un autre label.
—Tu organises aussi les B-Night, une série de fêtes organisés dans des lieux inhabituels. Je suppose que cette activité a malheureusement pris fin dernièrement, mais pourrais-tu nous en parler ?
—Quand il s’agit d’organiser une fête, j’adore briser les frontières. J’aime collaborer avec des amis pour créer quelque chose d’unique. On a organisé des pool parties, des fêtes dans des galeries et autres endroits improbables. Ma préférée : lorsque j’ai joué live devant l’attraction de fête foraine que je préfère.
—Tu as collaboré pour une chanson du court-métrage de Lockdown de Robin Pront. L’as-tu composée uniquement pour ce film ?
—Oui, un bon ami à moi travaille dans l’industrie des bandes-son (Sonhouse) et m’a donné cette opportunité. Ça a été un véritable honneur de travailler avec Robin Pront sur ce court-métrage avec Matthias Schoenaerts et Veerle Baetens. Ce genre de projets sont intéressants, car ils te font sortir de ta zone de confort.
—Quel équipement utilises-tu pour tes live ?
—J’utilise principalement le MPC1000, il fonctionne comme une boîte à rythmes tout en envoyant des MIDI et des midiclocks à mes autres machines : TR909, MFB522, Polivoks Pro (synthé monophonique analogique), Korg MS10, MFB dominion club. Sur ma table de mixage analogique, j’utilise également des bus d’effets avec de la reverb et du delay. De temps en temps, je change de matos pour ajouter du piment. En studio, j’aime utiliser l’ARP Odyssey, le Polivoks et le MS20 pour les lignes de basse. J’aime également préparer des samples de batteries avec une vraie batterie.
—Comment décrirais-tu tes lives ? Comment convaincrais-tu quelqu’un de venir te voir ?
—Mes lives sont très différents de mes DJ set. Ils sont plus organiques, bruts, purs et énergiques. Les sons passent directement des machines dans les haut-parleurs, sans conversion numérique. Dans un environnement live, je rends mes morceaux plus dansants en fonction de l’ambiance de la salle. Je prépare des séquences et des patterns de batterie à partir des morceaux existants, mais j’improvise également beaucoup.
—Quels sont tes plans pour l’avenir ?
—Je suis en train de finir un nouvel EP et je travaille sur un album. Je prépare aussi des collaborations avec des artistes qui m’inspirent. Et attendez-vous à bien plus !