Il y a quelques jours, un ami m’a avoué que les artistes de musique électronique baptisés de façon « amusante », avec un jeu de mots sur le nom d’une personne célèbre, ne lui inspiraient pas confiance. On parlait du projet espagnol Tronald Dump et, entre autres, de Com Truise et Jichael Mackson. Curieusement, quelques jours plus tard, j’ai reçu un album de Blind Delon, un trio du sud de la France que je connaissais grâce à leur remix d’Holygram. Discipline, le premier album de Blind Delon, (jeu de mots aux dépens du grand Alain Delon, rien à voir avec le groupe des années 90), est sorti après plusieurs 12″comme Edouard (2016) et Maniaque (2017). Pour cet album, sorti l’an dernier sur le label franco-espagnol Unknown Pleasures, le groupe a collaboré avec I Hate Models, que, pour continuer avec les coïncidences, nous avons vu à Madrid il y a quelques semaines. Vous pouvez écouter et acheter leur travail ici.
Comme ils l’expliquent eux-mêmes, ils ont utilisé de vieux synthétiseurs et amplificateurs, créant ainsi un album très varié, où l’on retrouve à la fois des influences de Carpenter et de Tangerine Dream ou de jazz fusion des années 70. Blind Delon, qui sort parfois des morceaux plus techno, a ajouté cette influence à leur synthwave sombre particulière dans ces six chansons longues, pleines de détails et de surprises. L’album, qui partage son nom avec un chef-d’œuvre de King Crimson, nous soumet à six règles que nous suivrons avec plaisir.
« Rule I »: Tu danseras six jours, et tu en feras tout ton ouvrage. C’est le morceau où l’influence de l’électro et de la techno se fait le plus ressentir : la mélodie répétitive et planante à la Vangelis finit par exploser au bout de sept minutes et se transforme en un morceau irrésistiblement dansant.
« Rule II »: Tu ne tueras point. Le début rappelle la bande-son des Frissons de l’angoisse, composée par les Italiens Goblin, jusqu’à ce que les voix fassent leur apparition et que la chanson se transforme en darkwave mélancolique. Après le roulement de tambour, on revient dans une ambiance cinématographique.
« Rule III »: Tu ne convoiteras point le rythme de ton prochain. Dans le plus long morceau de l’album, on retrouve la guitare d’Incendie, ainsi que le chant de de Kris Baha et Lapse of Reason. L’ambiance est plutôt darkwave avec une introduction atmosphérique et un break inquiétant.
« Rule IV »: Honore les années 80. Après un début plus expérimental, on arrive à un morceau très cinématographique, avec une magnifique saveur des années 80, qui serait parfait pour un film du grand John Carpenter.
« Rule V »: Souviens-toi du space rock et de la liberté, pour les sanctifier. L’exception de l’album : dans ce morceau, les influences du space rock et du jazz fusion des années 70, grâce à la collaboration de DJ Varsovie et d’Arabian Panther, ajoutant de la mandoline et de la flûte, qui, avec la trompette et la clarinette, donnent une touche rappelant le post-rock des années 90. On commence à écouter le discours de Phnom Penh de Charles de Gaulle, mais la composition change et débouche sur un rythme lent et pesant qui meure entre des échos de voix.
« Rule VI »: Tu n’invoqueras pas le nom de la synthpop en vain. On retourne sur la piste de danse avec un morceau très cinématographique qui clôture ce disque varié à la perfection.
Un excellent album pour ces moments de réclusion, parfait pour organiser une fête chez soi ou s’envoler dans le ciel depuis sa fenêtre. Et, pour continuer avec les coïncidences, dans ce cas-ci, une triste coïncidence : à l’heure où j’écris ceci, Genesis P-Orridge est mort il y a une semaine. En 2018, le label espagnol Unknown Pleasures a sorti A Tribute To Genesis Breyer P-Orridge, en hommage à l’un des plus grands pionniers de la musique industrielle, dans lequel Blind Delon apparaissent au côté d’Esplendor Geométrico ou Norma Loy. Quelques mois plus tard, le trio français a sorti un 7″ en édition limitée avec deux reprises de notre artiste préféré. Une belle façon de continuer à rendre hommage à son héritage.
