L’un des autres groupes qu’on espérait voir au W-Fest répond au poétique nom de We Are Waves et nous vient tout droit d’Italie. Même si le festival n’aura tristement pas lieu, on n’a pas voulu rater l’occasion de parler avec Fabio Viassone, « Viax » chanteur de la formation qui associe new wave et touche d’électronique moderne.
—Avant, le groupe portait un autre nom et faisait du rock/crossover. Tu peux nous en dire plus à ce sujet ?
—Oui, certains des membres étaient impliqués dans plusieurs projets musicaux avant WAW. Quand j’étais ado, j’étais influencé par les groupes comme Korn, System Of A Down et Deftones (qui me plaisent toujours). C’était notre rêve post-adolescent et notre nom était moche (Overock). Mais j’ai de bons souvenirs de cette période.
—Pourquoi avoir choisi We Are Waves ?
—J’étais en tournée dans le sud de l’Italie comme bassiste pour un autre groupe italien. Je cherchais quelque chose d’émouvant et imaginatif. Le nom m’est venu en tête alors que je regardais la mer. J’admirais les vagues, en pensant combien elles nous ressemblent. Tout comme les gens, les vagues choquent constamment contre quelque chose, se lèvent de façon majestueuse pendant une seconde, choquent à nouveau contre autre chose, durement. Pendant toute sa vie.
—On a une question qu’on aime bien faire aux groupes italiens : les groupes des années 80 de ton pays, comme Neon, Diaframma ou Kirlian Camera t’ont-ils influencé ?
—Je vais être honnête : pas vraiment. On préfère d’autres artistes italiens. Des noms que tu as mentionnés, Diaframma est celui qu’on préfère. Leur premier album de 1985, Siberia, est une œuvre magistrale de new wave et de composition italienne.
—Vous êtes le premier groupe italien qu’on interviewe pour le W-Fest. Pourtant, dernièrement, on a parlé de beaucoup de groupes de ton pays : Hapax, Der Himmel über Berlin, et on a même vu certains en concert. Tu crois que c’est un bon moment pour la scène gothique/wave italienne ?
—L’Italie a une très bonne scène underground, bien qu’elle ne soit pas très célèbre au-delà de ses frontières. De nombreux artistes ouvrent la voie avec passion avec leurs projets et font le tour du monde. En ce qui concerne la scène gothique/wave, je pense honnêtement que ce n’est pas un bon moment, même s’il y a des réalités intéressantes, des promoteurs et des événements dédiés.
—Dans une interview, tu disais que Labile, votre premier album, parle de ce moment où ta vie prend une direction que tu n’aurais jamais imaginée. Quels événements importants se sont produits lors de la création de l’album ?
—Cette période a été très intense pour moi. J’ai travaillé sur Labile avec ma copine de l’époque. Elle était photographe d’art et travaillait sur un projet très proche du concept de l’album que nous faisions. Elle a inventé le nom « Labile ». Nous avons décidé de combiner des idées et de travailler ensemble sur le projet, mêlant photographie, mots et musique. Sur la couverture de l’album, elle et moi nous hurlons dessus. À l’intérieur, on retrouve le reste des photos de la série.
—Tu viens de Turin, une ville que j’ai visitée plusieurs fois, notamment pour assister à des festivals de musique électronique. Dans l’un d’eux, Club to Club, nous avons entendu parler du mouvement appelé « La nouvelle vague italienne », avec des artistes, principalement, de cette ville italienne. Aimes-tu la musique de Not Waving ou Ninos do Brasil, deux exemples du mouvement ? Les connais-tu personnellement ?
—Je les connais parfaitement, même s’ils n’ont aucun lien avec notre concept de « nouvelle vague ». Pour eux, c’est « la nouvelle génération d’artistes électroniques » et c’est très intéressant. On n’a pas de relations avec les artistes que tu mentionnes, on les connaît et on les a vus en concert, en particulier Ninos Du Brasil qui sont fantastiques.
—J’ai également lu que tu es vraiment intéressé par l’électronique d’artistes tels que Nero, Crystal Castles, Trentemoller, DeadMau5 et le nouveau mouvement afrobeat qui se produit dans la techno. Penses-tu que toutes ces influences marquent la musique de We Are Waves ?
—On est toujours à la recherche de nouvelles inspirations. On ne veut pas être nostalgiques, mais je pense que le risque éloigne la nouvelle génération de ce genre de musique. On utilise la « nouvelle vague/post-punk » comme palette de couleurs pour faire quelque chose d’actuel et de personnel. La musique électronique est actuellement l’un des domaines les plus créatifs et on aime être influencés par différents types de musique.
—Peux-tu nous expliquer la raison de cet intérêt pour la musique des années 80 chez des gens aussi jeunes que toi ?
—On a découvert un monde dans lequel on se situe, non seulement musicalement, mais aussi personnellement. J’ai toujours été introverti et découvrir des groupes comme Cure, Interpol ou The Smiths a été une révélation. J’ai compris que je ne suis pas le seul à ressentir ces sentiments.
—Dans Promises, on retrouve une chanson intitulée « 1982 ». Pourquoi avoir choisi cette année ? Est-ce une date importante pour toi ?
—C’est l’année de ma naissance. C’est une chanson qui évalue ma vie, et c’est le début parfait pour un album comme Promises, qui parle de la transition de la jeunesse à l’âge adulte et de sa charge de faiblesses.
—Dirais-tu que tes morceaux sont essentiellement mélancoliques ? Ou choisirais-tu un autre sentiment pour les décrire ?
—On se concentre davantage sur l’empathie. On veut reproduire le sentiment de faire partie de quelque chose, partager des émotions avec des gens qui viennent à nos concerts ou écoutent notre musique. C’est la chose la plus importante qu’on essaie de réaliser avec les illustrations de nos albums et clips vidéo.
—Tu peux nous raconter comment est née l’idée de l’EP Promixes? Si j’ai bien compris, l’origine était une tournée de Viax et Cisa en 2015 dans laquelle tu as fait un set plus électronique, non ?
—Comme dans la plupart des cas, c’est arrivé par hasard. On devait jouer sur une émission de radio et il n’y avait pas de place pour tout le groupe. On a donc arrangé quelques chansons de manière plus synthétique. On a aimé le résultat et on prévoit de créer un set distinct, qui ressemblait à une sorte de version négative de Promises, qui est plutôt très chaleureuse et empathique. On a fait plusieurs tournées de cette façon, en jouant avec des artistes comme The Toxic Avenger ou Aucan.
—Deux des membres fondateurs ont quitté le groupe il y a quelque temps. Qu’est-il arrivé ?
—Notre ancien batteur est parti vivre à Berlin. Notre ancienne bassiste avait une fille et a commencé à se concentrer sur sa carrière médicale, qui est assez exigeante, surtout en ces temps dramatiques. Mais on est toujours de grands amis. Comme toute relation longue, les gens changent leurs priorités et doivent faire de nouvelles choses par eux-mêmes. WAW n’est pas seulement un groupe, c’est une famille ; les familles laissent les gens s’exprimer.
—Passons à ton dernier album, Hold (2018) tu as dit que tu voulais un son plus personnel. Selon toi, comment le son de We Are Waves a évolué sur ces trois albums ?
—Le son de WAW est en constante évolution. Avec Labile, on a commencé à construire notre style musical, en essayant d’être reconnaissable. Avec Promises, on le définit, sachant que notre label (MeatBeat Records) nous a permis une meilleure production. Avec Hold, on voulait étendre les choses, expérimenter l’électronique et écrire des chansons un peu plus « vides » (sans 40 couches d’instruments jouant simultanément, mais un peu plus minimalistes). Maintenant, on écrit du nouveau matériel, encore différent.
—Dans une autre de tes interviews, tu parles du nouveau phénomène d’itPop. Tu peux nous dire en quoi il consiste?
—ItPop est un pseudonyme de «scène indé italienne inspirée des célèbres auteurs-compositeurs-interprètes italiens des années 70 et 80».
—As-tu été tenté de chanter en italien ? Serait-il plus facile pour le groupe d’atteindre une certaine renommée en Italie ?
—Peut-être. Beaucoup de gens me posent la même question. Mais je ne suis pas doué pour écrire et chanter en italien. Cela ne correspond pas à ma façon de faire de la musique. On a donc décidé d’être moins connus en Italie (un pays très concentré sur les artistes qui chantent dans leur langue maternelle) et un peu plus « international ». Au cours de ces années, on a beaucoup voyagé et joué au Royaume-Uni, en France, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, en Russie. Ce serait impossible si on chantait en italien.
—Comment le groupe vit-il ces temps de quarantaine ? J’ai vu que tu as donné un concert de chez toi.
—Le pire, c’est que tous les concerts de 2020 ont été annulés. On ne peut pas se voir et on est piégés par nos problèmes personnels. On se parle occasionnellement, mais pas très souvent. C’est une période très étrange et lourde. Oui, j’ai fait un petit concert acoustique de chez moi, c’était bien de pouvoir entrer en contact avec nos fans. Je le referai probablement si je suis de bonne humeur.
—Que peut-on attendre de We Are Waves à l’avenir ?
—Avant cette pandémie, on travaillait sur du nouveau matériel et on avait prévu quelques concerts, comme celui du W-Fest 2020. Maintenant, on doit trouver de nouvelles dates pour tout. Mais on a une petite surprise qu’on sera heureux de partager avec tous nos fans bientôt.