Vuduvox est l’un des groupes que l’on suit depuis les débuts du Garaje. On les a interviewés par le passé et en septembre, on a essayé de les voir en live au New Wave Festival de Liège, mais ce jour-là, on a raté l’avion. En outre, le groupe allait jouer lors de l’édition de 2020 du W-Fest. Malheureusement, on devra attendre 2021 pour pouvoir les voir en concert. En attendant, vous pouvez lire notre nouvelle interview avec J-C Van Thienen, et écouter ses nouveaux morceaux sur Bandcamp.
—Est-ce que la sortie d’une autre version du premier album, masterisé par MF de Pankow, est toujours d’actualité ? Pour l’instant, on a eu droit à un aperçu de « Berlin » et « Silex ».
—Hum, il devrait sortir un de ces jours, sûrement chez un label indé belge, cette fois. On s’est mis d’accord là-dessus en septembre dernier, mais j’ai été pas mal occupé depuis, et eux aussi, et le confinement n’arrange rien… De toute façon rien ne presse : par le biais de toutes nos dates en Angleterre, en Italie et en Hollande ou dans des festivals allemands et belges beaucoup de gens nous ont découverts en live et viennent tout juste de découvrir Vaudou électrique, notre premier album, en passe d’être épuisé. Dirk Da Davo, des Neon Judgement, avait travaillé sur la pré-prod., j’avais bouclé le mixage, et Len Lemeire d’Implant s’ était chargé du mastering. MF a fait un excellent job, et il mérite de voir le jour lui aussi.
—Que s’est-il passé avec le nouvel album Fetiche ? Pour l’instant, vous avez sorti uniquement « Les infrabasses », et joué quelques chansons en live. Comment ont-elles été reçues ?
—Fetiche est terminé sans être terminé… Tous les titres ont été enregistrés et mixés, et j’ai eu un souci technique, des fichiers ont disparu, ce qui m’a obligé à en refaire pas mal et retrouver les samples… Du coup, j’ai retravaillé certaines parties et refait les voix… mais on y est presque. En parallèle, je n’ai jamais arrêté d’enregistrer et de composer pour le troisième album. Ces morceaux attendent patiemment le mixage final, et on en a encore tout un tas en stock… Bien que ce soit un super morceau, «Les infrabasses» ne sera pas sur l’album, vu qu’il est sorti sur la compilation EKProduct l’année dernière. On a aussi sorti d’autres morceaux, comme un remix pour Zwaremachine, une reprise de «Headhunter» de Front 242 pour la compilation allemande Im Rythmus Bleiben, et une autre d’Indochine (sic). Un autre inédit est sorti sur la compilation Orphans, chez Northshadows Records, en bonne compagnie avec IAmTheShadow, She Pleasures Herself et Autopsie d’une Ombre. Les titres de Fétiche déjà inclus dans notre set live ont vraiment été bien reçus et appréciés à chaque occasion, que ce soit «Entre chien et loup», «Aboyer» ou «Fétiche»… On en a également testé plusieurs du troisième album comme «Elektro Tanz Machine», «Paris brûle-t-il» et «Nos cœurs sont des machines», et personne ne s’en est plaint…
—L’année dernière, le groupe a beaucoup tourné. On était censés voir votre live, comme tu le sais, mais on a raté notre avion. Comment résumerais-tu cette année de concerts ?
—En effet, l’année dernière on a joué dans tout un tas de clubs et de festivals en France, Belgique et Hollande et partagé la scène avec She Past Away, Ash Code, Zwaremachine, Neon Electronics, Whispering Sons, Larva, etc. Vous avez vraiment raté quelque chose, mais il y aura d’autres occasions, dès qu’une solution sera enfin trouvée pour cette cochonnerie de coronavirus, en tout cas pas par nos gouvernements respectifs qui confirment de jour en jour leur réputation de bricolos.
—Que peux-tu nous dire d’Olivier T, l’autre membre du groupe ?
—Olivier ajoute ses riffs de guitare sur mes démos et s’occupe du matos et des instruments en live. Il a toujours une solution technique ; un vrai sorcier… C’est Jacky, de SA42, pour qui il joue de la batterie électronique en live, qui nous a présentés il y a 10 ans environ. Un peu plus tard, après le départ du guitariste de l’époque juste avant une série de 9 dates, je lui ai proposé de rejoindre BUZZ, mon projet d’alors, et il a accepté. Il est ensuite passé à la guitare quand j’ai décidé de muter en VUDUVOX. Je ne l’ai jamais regretté depuis. Et, pour info, nous avons récemment ajouté de la gratte sur deux morceaux de SA42 que Jacky a mis en ligne il y a peu.
—Dernièrement, on a appris une autre très mauvaise nouvelle : la mort de Genesis P-Orridge. A-t-il influencé ta musique ? En outre, Andy Gill, de Gang of Four, est mort le mois dernier. Tu aimais sa musique, non ?
—Je n’ai jamais été particulièrement intéressé par les groupes comme Psychic TV, je préfère des trucs moins extrêmes, comme Chris and Cosey, The Young Gods, ou Cabaret Voltaire ou Renegade Soundwave. La mort d’Andy Gill a aussi été un coup dur. J’ai eu la chance de voir Gang of Four en concert il y a 10 ans, lors d’un festival belge et, comme je m’y attendais, ils ont volé la vedette, d’autant plus que Jon King était toujours au chant. La pire disparition pour la musique indé restera à mon sens Adrian Borland de The Sound, et son claviériste Colvin Mayers, deux amis chers… Plus récemment, les morts de Joao Gilberto ou Christophe m’ont fichu un sacré coup… je n’étais pas fan d’«Aline», mais depuis «Les mots bleus», il était incontournable, à classer auprès de Daniel Darc, Manset ou Sheller, sans parler de ses collaborations avec Alan Vega ou Diego Carrasco.
—De quoi parlent les paroles de tes chansons ? Pourquoi avoir choisi de chanter en français ?
—Pour être honnête avec toi, je préfère aborder certains thèmes avec des insinuations ironiques et travailler la langue que beugler contre les hommes politiques, je laisse ça à RATM, aux groupes de rebelles à deux balles préfabriqués par des majors et aux indés franchouillards. Par contre, VUDUVOX parle des attentats islamistes (« Paris brûle-t-il? »), de la vivisection («Pas d’âme»), de l’Europe d’après-guerre («So Kalt», «Berlin») ou de l’Holocauste («Ils descendront du train», «Varsovie»), de la détérioration du monde occidental («Silex», «Entre chien et loup») ou des grandes figures du XXe siècle, comme les homonymes «Mishima», «Kennedy» ou «Maiakowski». Je n’ai dédié aucun titre à cette brave Greta ; elle n’a pas besoin de nous pour gérer sa carrière…
Choisir de chanter en français a été un défi à un moment où la langue s’utilisait principalement pour la variété. Je voulais utiliser le français, tout comme Parálisis Permanente ou El Aviador Dro utilisaient l’espagnol, DAF l’allemand, Litfiba l’italien et Gary Numan l’anglais… Ça correspondait aussi à un sentiment européen bourgeonnant, une décision spontanée de créer un lien avec d’autres musiciens et d’autres publics malgré les frontières, à des milliers de kilomètres de la mascarade que les politiciens ont fait de l’Europe, de Merkel à Mitterrand, en passant par Macron. C’est drôle, car j’ai eu/j’ai de bons retours des autres pays européens, tandis que beaucoup d’aficionados français – les frimeurs qui n’ont que le mot «rock’n’roll» à la bouche sans piger un mot d’anglais et adorent coller des étiquettes aux groupes – me détestaient pour mon choix, et me détestent toujours. Je n’ai jamais changé de point de vue, en partie pour faire la nique à ces enfoirés et aussi et surtout parce que c’est devenu ma marque de fabrique : machines + guitare + paroles en français + samples de voix dans toutes les langues possibles et imaginables. Bizarrement, j’ai été témoin d’une certaine évolution lors du changement de siècle. Lorsqu’on a joué en Angleterre avec Attrition et The Venus Fly Trap, ou à Rome il y a quelques années, ou aux festivals NCN et E-Only en Allemagne, le chant en français n’était plus un obstacle.
—Tu as dit que Sampler et Sans Reproches, que nous avons rencontrés l’année dernière, était l’une des dernières stations de radio faisant la promotion de la scène. Quelle autre station de radio ou quel autre magazine soutient la scène dans ta région ?
—Sampler et Sans Reproches font un excellent travail depuis des années, maintenant. Sinon dans notre région comme dans le reste du pays c’est plutôt le désert. Parmi les résistants et les irréductibles on peut citer le fanzine Twice, et les émissions Coma Electrique sur Aligre Paris, Eclectronic sur Radio Scarpe Sensée, Cyberland Radioshow en Franche-Comté… ça se compte sur les doigts de la main… La presse officielle attend généralement que ton CD soit accompagné de l’achat d’une page de pub pour en parler et VUDUVOX ne mange pas de ce pain-là… c’est un projet indépendant qui en appelle à d’autres non-conformistes, DIY, comme vous, par exemple. Mais je peux mentionner parmi ceux et celles qui nous soutiennent ailleurs, Luminous Dash et Peek-a-Boo (Belgique), Retroactivity Radio et Radio Deepland (Brésil), Ver Sacrum et Flux (Italie), The Slab, Intravenous et Pulse (UK), Dark Essence Radio (Autriche), EBM Radio (Allemagne), ainsi que des photographes bourrés de talent comme Marija Buljeta, Patrice Hoerner, Yannick Lagier ou Roger Op Den Camp et Xavier Marquis. Pour avoir un aperçu complet, il suffit d’aller sur notre page Facebook où tu trouveras des photos, des chroniques et des interviews.
—Est-ce difficile de faire la promo d’un groupe, de nos jours ? Penses-tu que Bandcamp et YouTube t’ont été utiles ?
—C’est plus difficile que jamais, crois-moi. Quand on a sorti notre premier album, il a été piraté le jour suivant par un connard sur un site russe. Mais les labels indés comme EKP ou Wool-E font un travail d’enfer, et ont toujours été là pour la musique, pas pour l’argent… Quant à YouTube et consorts, ils sont plutôt utiles et permettent d’atteindre des gens qui ne nous ont jamais vus en live (du moins pas encore) et de faire notre pub. Même s’il faudrait y consacrer huit heures par jour, Facebook est plutôt utile, aussi… sans ça, on serait coincés dans une grotte au lieu d’avoir une visibilité décente. Mais Facebook est aussi pollué par des imbéciles et des frimeurs, comme le milieu musical et la société en général…
—Qu’utilises-tu pour composer et enregistrer tes chansons ? Préfères-tu l’analogique ou le numérique ?
—Je vais ressembler à un hérétique, mais je préfère la musique au son. Je n’ai pas de temps à perdre avec ça. Je me fiche de ce fossé entre analogique et numérique. J’ai vendu tout mon matos analogique quand j’étais à sec dans les années 90, car j’avais dépensé tout mon argent dans l’enregistrement de nos maxis d’alors et j’ai jamais eu une seule thune de notre label. Du coup, quand j’ai pu acheter du nouveau matos, j’ai opté pour du matériel économique, facile à utiliser et à transporter. Mon micro est un simple SM 57, et je l’utilise aussi sur scène. J’en ai essayé des plus chers, mais ça ne correspondait pas à ma texture de voix, c’est aussi simple que ça. Punk un jour, punk toujours. Ça ne m’intéresse pas d’avoir « la machine qui fait ping », comme dans le sketch des Monty Python. Tous les morceaux de VUDUVOX sont basés sur un seul et même son, comme les Ramones. La seule fois où ils ont changé leur son, c’est quand ils ont bossé avec Phil Spector qui en a fait une bouillie abominable.
—VUDUVOX allait jouer au W-Fest, n’est-ce pas ?
—On n’a jamais été aussi proches de jouer au W-Fest, mais malheureusement on ne participera pas à l’édition de 2020. On a reçu voici un mois un mail nous disant qu’à cause de cette saloperie de Covid-19, le festival doit être reporté et aura lieu dans un endroit plus petit… Je ne sais pas si cette option-là tient encore d’ailleurs, au vu du lockdown sur tous les concerts jusqu’à tard dans l’année. Par contre, l’organisateur nous a assurés qu’on figurerait sur l’affiche de 2021. C’est une super opportunité, le jour venu on va vous en mettre plein la vue (et les oreilles) et je pense que Fétiche devrait être sorti d’ici là, avec d’autres titres sur d’autres compilations… Pour le moment on va se confiner un peu et faire attention, mais ce n’est que partie remise… The dark bea[s]t go.[r]es on!