Dans le romantisme aux accents sombres et mélancoliques, où le plaisir rencontre la douleur, se trouve Velvet May, le projet d’Andrea Davide. Textures d’EBM profondes, nerveuses, introspectives et conceptuelles, avec une touche veloutée de nostalgie rétro et post-punk.
Originaire de Naples, Andrea vit désormais à Berlin. Il a à son actif trois disques étonnants sous le nom de Velvet May et a fondé son propre label (Tears on Waves). Son live au mélange de Techno et d’EBM nous régalera les oreilles pour la première fois en Espagne, lors du showcase 03 de DOMINANT, le 9 juillet au Garage of The Bass Valley (Barcelone).
Bonjour Andrea, tout d’abord, merci de bien vouloir répondre à cette interview.
—J’aimerais commencer par une question qui n’a rien à voir avec ta carrière musicale, mais qui suscite toujours beaucoup de curiosité chez moi. De quoi rêvais-tu quand tu étais petit ? Que voulais-tu faire adulte ?
—Salut ! Merci de cette interview. Quand j’étais gosse, je voulais travailler dans l’art ou devenir un sportif de haut niveau. Bien des choses me fascinaient, comme la botanique et l’informatique, deux domaines opposés, mais qui m’intriguaient énormément.
—Ton intérêt pour la musique est né à ton plus jeune âge. Tu es en contact avec la musique depuis que tu as 12 ans. Tu écoutes de nombreux genres, notamment du rock et de la musique électronique. Te souviens-tu d’une chanson ou d’un album qui t’a particulièrement marqué, où tu t’es dit : « la vache, c’est ce que j’aime » ?
—Les deux premiers albums qui me viennent à l’esprit sont Cubist Blues d’Alan Vega et le premier album de Black Sabbath de 1970.
—À 15 ans, tu as commencé à jouer dans des clubs de ta ville natale, Naples. Te souviens-tu du moment exact de l’épiphanie, quand tu t’es dit : « Je sais que je veux me consacrer à ça le reste de ma vie » ?
—Effectivement, ça s’est produit quand j’avais 15 ans. Jouer dans ma ville natale, à une époque où tout allait vers des réalités plus expérimentales, a contribué à mon parcours artistique. C’est là que je me suis dit que je devais me consacrer à la musique. Naples possède une scène musicale très active et colorée où de nouveaux groupes jouent chaque week-end. Ça a déclenché quelque chose en moi.
—Le projet Velvet May est-il né quand tu as déménagé à Berlin ou Velvet May est-il né parce que tu as déménagé à Berlin ?
—Le projet est né deux ans après mon déménagement à Berlin. Mes expériences dans cette ville ont conduit en partie à la création de ce projet.
—Comment c’est de vivre à Berlin ? Cette ville est très différente de ta ville natale de Naples, que ce soit au niveau du climat, de l’organisation, des gens, de la nourriture, des coutumes… Que t’a apporté le fait de vivre là-bas ?
—Comme tu l’as dit, Berlin est une ville à l’opposé de ma ville natale. Lors de mon arrivée, j’ai ressenti le besoin de découvrir et de faire miennes toutes les différences entre elles. La ville m’a permis d’être en contact avec une société multiethnique, où l’on retrouve l’art partout. Grâce à cette société ouverte, j’ai pu mieux me connaître et aussi de vivre toutes les expériences avec un autre regard. Ça contribue évidemment à la créativité. Certes, ma ville me manque souvent et quand j’y vais, je chéris la chaleur, les émotions, les gens, le soleil et enfin et surtout l’aspect spirituel très fort que Naples peut donner.
—Tu peux nous expliquer d’où vient ton aka ? Velvet signifie velours en français ; un rapport avec la texture veloutée de ta musique ?
—Très précisément, le mois de mai a été très important pour moi. Des choses qui ont déclenché quelque chose en moi se sont produites et j’ai dû faire des choix. Le mot « velvet » fait référence à la caractéristique veloutée que j’ai décidé de donner au mois de mai. Il peut faire référence à la fois au romantisme et à la nostalgie, mais aussi à la robustesse et à la résilience.
—Pourquoi as-tu créé ce projet ? Quelles sont tes inspirations, tant sur le plan musical que conceptuel ?
—J’ai de très nombreuses inspirations, résultats d’un voyage qui a duré toute ma vie et qui continue d’évoluer. Le livre qui m’a le plus inspiré sur le plan artistique, social et thématique est le roman de Charles Baudelaire « Les Fleurs Du Mal ». Cette œuvre magistrale est célèbre pour ses représentations du sexe, de la mort, du pouvoir corrupteur et oppressant de la ville moderne et de l’innocence perdue. Elle contient de nombreux aspects sur lesquels mon projet est basé, et beaucoup de mes titres de morceaux y font également référence.
—Le projet a été très prolifique en 2019 et 2020, tu as sorti 3 albums en moins d’un an, avec des remixes d’Autumns ou Years of Denial, mais depuis, tu as ralenti le rythme. Ça a à voir avec la pandémie ou bien tu t’es concentré sur d’autres projets ?
—Merci pour la question. Mon projet a occupé mes pensées chaque jour pendant plus d’un an. La pandémie nous a affectés et accablés, et surtout a nui à la motivation qu’un artiste doit constamment recevoir ou rechercher. Dans mon cas, pendant cette période, j’ai décidé de prendre une nouvelle direction musicale, d’élargir mes horizons grâce à de nouveaux projets qui sont plus connectés à mon vrai moi, et d’embrasser la musique à 360 degrés. Je travaille sur le premier album avec mon groupe, mais je vais bientôt sortir de la musique en tant que Velvet May.
—En parlant de la pandémie, comment l’interruption qui a eu lieu ces deux dernières années t’a-t-elle affectée ? Tant sur le plan artistique que personnel.
—La pandémie a créé énormément d’obstacles sur le plan émotionnel et donc artistique. On s’est refermés sur nous-mêmes, car on n’était pas en contact avec le monde extérieur, on ne voyait personne, on s’est retrouvés sans concerts, sans voyages et sans activités de toute sorte qui permettent de motiver l’esprit. Dans ces cas, produire peut devenir très difficile. Parfois, c’est important de se retrouver seul, mais il faut toujours toujours trouver un équilibre pour que le processus créatif soit limpide.
—Visiblement, on a retrouvé la normalité. Quels sont les avantages et les inconvénients de la pandémie, selon toi ?
—Malheureusement, les effets négatifs ont été dévastateurs. Au-delà des personnes du monde entier, le secteur artistique a été très durement touché, économiquement et aussi psychologiquement. Des artistes se sont refermés sur eux-mêmes, perdant leur énergie et leur motivation. Certains se retrouvent seulement maintenant. D’autres avaient besoin de ce moment d’arrêt, afin de mieux comprendre la direction à prendre et de s’éclaircir les idées.
—Comme toi, de nombreux producteurs décident de fonder leur propre label, non seulement pour sortir de la musique quand ils le souhaitent et être musicalement indépendants, mais aussi pour publier la musique d’autres artistes qu’ils aiment. Tu es à la tête de Tears On Waves depuis quelques années, peux-tu nous dire quels sont les avantages et les inconvénients de gérer son propre label de disques ?
—Comme tu l’as dit, je gère mon label pour sortir ma musique et celle et que j’aime de façon indépendante, chaque fois que j’en ressens le besoin. Je n’ai pas beaucoup d’aspects négatifs à mentionner puisque je sors ma musique lentement et que je m’arrange pour que tout fonctionne. Le mieux est de créer depuis zéro, de travailler sur le concept. Le pire, ce sont les ralentissements des usines de pressage.
—Quel est le quotidien de Velvet May ? As-tu une routine, en fonction de la saison ou autre ? Dis-nous tout…
—Ma journée dépend de mon état d’esprit, je m’écoute beaucoup. Je n’aime pas me forcer à aller au studio quand je n’en ai pas envie. Le processus créatif doit être aussi naturel que possible pour obtenir les résultats souhaités. Dans tous les cas, j’adore passer des journées en studio, même si c’est pour expérimenter, pour explorer des directions inconnues sans avoir de destination précise, mais aussi pour être là, à écouter et découvrir la musique toute la journée. En quelques mots, je suis complètement mes sentiments.
—En parlant du studio, quels types d’instruments et de supports utilises-tu pour produire ?
—J’aime créer de la musique d’autant de façons que possible, en utilisant tout ce que le monde du son et de l’audio peut nous offrir, de l’instrument entièrement numérique à l’instrument entièrement acoustique. Il est important de ne pas se fixer de limites, de toujours expérimenter et d’avoir envie d’apprendre. Il faut aussi se concentrer sur ses instruments préférés, chercher son propre son et ne pas trop se perdre dans un millier de choses qui font perdre du temps.
—Lorsque tu produis, penses-tu à la piste de danse et au fait de rythmer ta musique pour la piste de danse ?
—Lorsque je compose, je suis uniquement ce que je ressens à ce moment-là, et ce que je veux ou dois exprimer, sans penser à l’endroit où ma musique sera jouée.
—Où puises-tu ton inspiration pour les paroles de tes chansons ?
—J’utilise plusieurs concepts lorsque j’écris des paroles. Ceux qui m’inspirent le plus sont l’amour, le temps, la luxure et le désir, la décadence, la dissolution et la beauté de la folie.
—Quel matériel t’accompagne généralement lors de tes performances live ?
—Je n’ai pas d’installation fixe, j’aime intégrer et interchanger différents instruments quand j’en ressens le besoin. Habituellement, j’ai un contrôleur et un séquenceur général, un Akai Force, un micro et quelques synthés comme Dave Smith Mopho et Access Virus.
—Pour tes concerts, te sens-tu plus à l’aise dans des clubs petits et intimes, ou aimes-tu les grandes salles avec beaucoup de public ?
—J’aime les deux. Ça dépend aussi énormément du type de situation et du type d’intimité qu’on ressent avec le public. Très souvent, j’aime les situations plus intimes pour faire du live, où je peux aussi parfois expérimenter, alors que lorsque je fais des DJ sets, je préfère les grandes salles.
—Un concert dont tu te souviens particulièrement, qui t’a marqué ? Pourquoi ? S’il est difficile pour toi de choisir, tu peux aussi en nommer plusieurs 🙂
—Oui, absolument. Le concert qui m’a le plus marqué est celui que j’ai donné il y a deux ans à l’Urban Spree pour le Choke Fest, à la fois parce que c’était mes débuts en live à Berlin et parce que la chaleur des gens était vraiment enivrante. Il y a un mois, j’ai donné l’un de mes meilleurs concerts, au Link à Bologne (Italie), un endroit incroyable, que je recommande vivement de visiter.
—En parlant de DOMINANT, je pense que Velvet May est un choix parfait 😉 Je suis curieuse de savoir depuis quand tu connais le projet et ce qui a suscité ton intérêt pour lui.
—J’ai repéré Dominant il y a deux ans et j’ai toujours été intrigué et ravi par sa sélection d’artistes. J’adore le message intrinsèque au nom, et les affiches ! Je suis ravi de jouer pour la première fois à Barcelone à cette occasion.
—Ce sera la première fois que tu te produiras en Espagne, que penses-tu de la scène espagnole en particulier ? Est-elle très différente de la scène italienne ou berlinoise ?
—Sur le plan musical, la scène musicale espagnole est l’une des scènes les plus incroyables, et elle a contribué à l’industrie musicale avec les artistes qu’elle a fait naître. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup fréquenté les clubs en Espagne, alors je ne peux te répondre avec exactitude. Je remarque beaucoup de similitudes culturelles avec nous, les Italiens, et notre chaleur, alors je m’attends à être accueilli de la même manière.
—As-tu des projets pour l’avenir que tu peux partager avec nous, que ce soit en solo ou en collaboration avec d’autres artistes ?
—Dans les prochaines semaines, je vais me concentrer sur le projet avec notre groupe, avec lequel nous sortirons bientôt un album. J’ai vraiment hâte. De plus, je suis impatient de sortir mon prochain et quatrième EP sur Tears On Waves, un titre sur une compilation publiée par Kablys (club à Vilnius, Lituanie) et un remix sur She Lost Kontrol. C’est tout, merci beaucoup pour ton temps et on se voit au The Garage of The Bass Valley, le 9 juillet 😉