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Interview : Ultranoire

par François Zappa

Pour ceux qui sont nés à l’ère de la télévision en couleur, il a toujours été difficile de s’habituer à voir les films en noir et blanc. Mais un jour, avec un peu de chance, on finit par apprécier les détails et la beauté de la photographie monochrome. On pourrait dire la même chose de la musique d’Ultranoire, le groupe d’électro-noire qui, en deux albums, nous ouvrent leurs veines et leurs cœurs, montrant que le sang a toujours autant d’impact, qu’il soit de couleur rouge ou en noir et blanc. Nous avons parlé avec Josef Stapel, chanteur du groupe ultraobscur que nous pourrons voir le vendredi au W Festival.

—Dans le premier EP, Monochrome, vous présentez à la fois la philosophie et l’esthétique du groupe, du nom de l’EP aux paroles de « Lost » (I Dream in Black and White) ou « Desperation ». En 2014, aviez-vous déjà clairement à l’esprit ce que vous vouliez faire avec le groupe ?

—Dès le début, on pensait créer un son synthwave ténébreux, sombre ou mélancolique. On n’a jamais eu pour objectif de faire des chansons pour le dancefloor. C’est encore notre concept à l’heure actuelle.

—Dans l’EP Individual de 2015, on trouve l’une des chansons les plus sexy que j’ai jamais écoutées. Y a-t-il une histoire derrière cette chanson ?

—Vous parlez certainement de notre chanson « Taste Me ». C’est Peter Lipovics, compositeur et ami, qui l’a créée. La version qu’on peut entendre sur l’EP a été finalisée avec Szilard.

—Dans votre premier album Disclosure, le groupe a inclus des chansons des deux premiers EP et quelques nouvelles chansons. Pensez-vous que, même en procédant de cette façon, l’album réussit à préserver une certaine unité ? Avez-vous retravaillé les pistes des EP ?

—On n’a pas voulu créer des versions supplémentaires pour cet album pour les chansons qui étaient déjà sorties. On ne voulait pas les réinterpréter musicalement parlant. On pense que l’album est un catalogue qui représente notre conception musicale et notre naïveté. Il représente un an et demi de dur travail.

—Parlons de votre deuxième album, Intronaut. Rien qu’avec son nom, on a l’impression de faire un voyage vers votre intérieur. En outre, les sons sont plus profonds que ceux de Disclosure. Est-ce difficile d’enregistrer un album aussi personnel ?

—On a enregistré Intronaut en 5 mois. J’étais en crise, j’avais perdu la personne la plus importante de ma vie. C’était une période difficile pour moi. J’enregistrais les chansons entre deux antidépresseurs. Je crois que c’était la période la plus sombre de ma vie, mais aussi la plus productive. J’ai écrit plus de vingt chansons et en ai enregistré à peu près 16. À l’époque, le groupe a été invité à jouer à plusieurs endroits, mais on n’a pas accepté une seule fois. La création de l’album a été une cure pour moi. Chaque jour qui passait, je prenais moins de médicaments. Je crois qu’Intronaut est un album très profond et sincère. Si j’en reviens à votre question, et pour être honnête, je dois dire que l’album était plus difficile à cause de mon état mental.

—Votre dernier EP s’appelle Isolation. Selon vous, quelle a été l’évolution du groupe et de son son depuis le premier EP ?

—Aujourd’hui, j’écris et produis presque toutes les chansons d’Ultranoire. Szilard m’aide surtout pour le travail de studio. On a remplacé les instruments analogiques par des synthés analogiques et des boîtes à rythmes. J’aimerais penser que nous avons énormément évolué. Vous entendrez ça dans le troisième album. Maintenant, on commence à se diriger vers l’instrumentation minimaliste. Cependant, les paroles et les sentiments n’ont pas changé. La mélancolie est toujours présente.

—« State Controlled Illusions » est-elle votre première chanson ouvertement politique ?

—Oui. C’est la première et heureusement la dernière chanson politique que j’écris. Je me suis inspiré de la politique du gouvernement hongrois actuel. Elle parle de la propagande de la haine et des mesures politiques avec lesquelles je ne suis pas d’accord.

—La conception de tous vos disques est plutôt élégante. C’est votre entreprise, Stapel Design, qui s’en charge. Est-ce difficile d’avoir ces deux boulots ?

—Je travaille beaucoup en tant que designer de communications, mais j’organise ma vie pour avoir assez de temps pour la musique. À cause de mes missions, je voyage beaucoup, je rencontre beaucoup de personnes intéressantes. J’adore ces deux activités.

—Comment avez-vous eu l’idée de mixer « Private Cosmos » avec une chanson de Martin Gore ?

—Il y a quelques années, Martin L. Gore a organisé une compétition de remix pour les fans de sa chanson « Featherlight ». Étant donné que Martin Gore est l’un de nos compositeurs préférés, on a voulu participer à la compétition. On n’a pas fait un remix, mais une chanson, qu’on a créée en deux jours.

—Où trouvez-vous l’inspiration pour les paroles ?

—Nos paroles sont principalement inspirées d’événements réels, mais aussi de films et de livres.

—Est-ce difficile d’écrire une chanson d’Ultranoire lors d’un jour ensoleillé ? Ou les ténèbres sont-elles intérieures ?

En été, les habits noirs peuvent être confortables, mais un peu de crème solaire, de l’ombre et une boisson rafraîchissante (du rosé avec du soda) peuvent régler tous les problèmes.

—Pourriez-vous nous parler de votre travail sur « Ultra-Angel », l’hommage à Depeche Mode ?

—Thomas, le propriétaire d’ElectroZombies.com, nous a contactés et nous a demandé de créer une reprise à Depeche Mode.

—Quel équipement utilisez-vous pour enregistrer ? Préférez-vous les synthés ultramodernes ou les plus classiques ?

—On achète et échange souvent nos instruments. Ces dernières années, nous avons rassemblé deux douzaines d’instruments nouveaux et de deuxième main. On n’est pas vraiment des collectionneurs. Certains étaient des instruments analogiques vintage, des instruments semi-modulaires ou de nouveaux modèles de différents fabricants. On utilise et expérimente aussi des synthés virtuels.

—J’adore la vidéo de « Drowning Man », où vous avez utilisé le court-métrage Nuit Blanche. Comment avez-vous découvert cette vidéo ? Elle correspond vraiment à votre musique.

—L’un de mes amis m’a montré le court-métrage Nuit Blanche, et on a adoré. Il nous a proposé d’utiliser ça pour la chanson Drowning Man. On a immédiatement accepté.

—Vous n’incluez pas de remix de vos chansons dans vos albums, pourquoi ? Vous n’aimez pas ça ? Dans le cas où vous êtes intéressé par les remix, de qui voudriez-vous un remix ?

—Ces dernières années, nous avons reçu des demandes de remix de nombreux musiciens, groupes et producteurs intéressants. Cette année, le groupe aura 5 ans et on voudrait sortir un album de remix pour la fin de l’année.

—Quelle musique écoutez-vous ?

—On écoute de tout. Mais vous savez quoi, je peux vous donner les quatre derniers artistes/groupes que j’ai écoutés. Voyons voir : Gary Numan, Massive Attack, Recoil et Dead Can Dance.

—Que pensez-vous des tournées ? Est-ce que ça peut-être difficile ?

—On a surtout de beaux souvenirs des tournées. Tout n’est pas question de glamour, de beaux hôtels et de nourriture délicieuse, mais on adore avoir la possibilité de rencontrer des fans. Le fait que le confort de notre maison nous manque est compensé. On n’a pas encore fait de véritable grande tournée, mais si on nous appelle pour nous faire jouer quelque part, l’ambiance est très bonne dans le minibus. On est impatient d’aller au W Fest et de présenter notre troisième album. Cette année, si tout va bien, on tournera aussi à Moscou.

—Quel est l’âge de votre public ? Voyez-vous des jeunes à vos concerts ? Je vais à de nombreux concerts moi-même et la plupart du temps, le public a plus de 30 ans.

—Notre public est un mix éclectique et j’adore ça. En général, ce sont des gens qui veulent écouter des choses différentes de la pop mainstream, une musique dans laquelle ils se reconnaissent et pour laquelle ils ressentent de l’empathie.

—Où en êtes-vous de votre troisième album ? Vous allez le sortir cette année, c’est bien ça ?

—Jusque là tout va bien. On travaille très dur. On voudrait créer notre meilleur album. J’aime toutes les chansons, elles sonnent vraiment à la Ultranoire. Certaines sont minimalistes et plus expérimentales. On les jouera pour la première fois au W Festival. L’album sortira aussi sur CD et vinyle.

—Que pouvez-vous nous dire de votre futur concert au W Festival ?

—On est impatients. Si vous jetez un œil au line-up, vous comprendrez. Le festival va être l’un des meilleurs événements de l’année.

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