Avec un seul disque sorti en 2012, Light Asylum a su conquérir des admirateurs fidèles qui n’ont qu’un seul reproche à faire au groupe, celui de ne pas avoir assez donné à se mettre sous la dent. Nous avons parlé avec Shannon Funchess, l’une des voix les plus originales et uniques de la scène. Concert à ne pas manquer au W-Fest, le 22 mai.
—Vous avez commencé votre carrière dans le groupe de funk rock Imij en 1994, non ? Que pouvez-vous nous dire sur cette période ?
—Non, j’ai été la chanteuse principale des Inebriated Arsonists à l’âge de 13 ans. On a fait une reprise hybride de David Bowie de « Ziggy Stardust » que j’essayais de chanter comme Peter Murphy de Bauhaus. Tous deux sont des légendes.
—Après cela, vous avez joué sur un album de TV on the Radio (2003), de Telepathe, deux albums de !!! (et vous avez même participé à quelques tournées avec eux) et un album de Teengirl Fantasy en 2010. Avez-vous fait d’autres choses liées à la musique ces dernières années ? Que pouvez-vous nous en dire ?
—J’adore collaborer musicalement, que ce soit pour écrire des paroles et des mélodies ou produire ou les deux. De merveilleuses occasions se sont présentées à moi ces dernières années : j’ai pu produire deux chansons et chanter sur les deux avec Nicola Kuperus et Adam Miller d’ADULT., pendant ma résidence à leur domicile à Detroit (Michigan), en 2015. Vous pouvez trouver ces chansons sur leur LP Detroit House Guests, chez Mute Records (2017 ). J’ai également fait un remix pour l’une des chansons, « We Chase The Sound ». Recherchez-la sur Google ! Avant cela, j’ai aussi collaboré avec un duo composé par un frère et une sœur, The Knife (Suède), pour leur dernier album Shaking The Habitual, sur la chanson « Stay Out Here ». Après l’album, j’ai aussi chanté un duo sur leur single classique « Pass This On » avec Karin Dreirjer de The Knife, pour l’album Shaken Up Versions. J’ai ensuite été invitée à participer à leur tournée en Europe et en Amérique du Nord, en 2014 et 2015. En plus de produire de la musique avec d’autres artistes incroyables que je considère comme de chers amis et de travailler sur du nouveau matériel pour Light Asylum, j’ai fait un peu de performance et de comédie pour des expositions de films artistiques dans le monde entier avec A.K. Burns et Michelle Handelman. Toutes ces expériences ont été éclairantes et essentielles à ma croissance. Je suis très reconnaissante de chaque occasion que j’ai de collaborer avec mes pairs.
—Vous avez enregistré un album avec Gerard Smith, sous le nom de A Rose Parade. Honnêtement, je n’ai trouvé aucune information à ce propos. Quand a-t-il été enregistré ? Que pouvez-vous nous en dire ?
—Waouh ! J’espère que vous prendrez ça comme un compliment… il est rare de trouver un journaliste de musique qui fait son travail, à cette époque où l’on copie-colle tout d’Internet. Je suis impressionnée. C’était un projet passionnant que j’ai monté avec Gerard Smith (Tv on The Radio). C’était le point culminant d’années d’amitié, on était comme frère et sœur, même quand on n’était pas du même avis. Malheureusement, Gerard est décédé en 2012 après avoir perdu son combat contre un cancer du poumon. Une condamnation à mort pour la plupart des gens dans une société où les soins de santé sont peu ou pas du tout présents (États-Unis). J’ai maintenant une amie qui lutte contre la même maladie, mais, heureusement, elle a les finances et le soutien d’une communauté avertie dans les arts de la guérison, qui combinent la médecine naturelle et des thérapies moins toxiques, et qui combattent les cancers, tandis que les doses et les cycles de chimiothérapie « normaux » prescrits par les médecins occidentaux pour des centaines de milliers de dollars tuent le corps du sujet, qui finit par mourir du traitement. L’album n’est jamais sorti, mais on a investi nos cœurs et nos âmes dans ces chansons et je suis reconnaissante du temps que j’ai passé avec lui pendant qu’il était encore en vie.
—En 2007, vous créez Light Asylum. Que pouvez-vous nous raconter sur vos débuts ? J’ai lu que vous utilisiez des instruments, comme des guitares. Comment avez-vous rencontré Bruno Coviello ?
—Bien sûr… et il y aura encore des guitares ! Haha. J’ai tellement d’influences… trop pour les nommer ici, mais au début, en live, il y avait du synthé, de la guitare, de la basse et de la batterie. J’ai deux albums en préparation et l’un d’eux présentera tous ces éléments. Être sur scène avec un groupe complet me manque, mais j’aime ce que je fais et j’ai toujours eu un faible pour les duos. J’ai fondé le projet en 2007 et sorti un single sur le label Glue Magazine. Après avoir rencontré Bruno lors d’une tournée où il jouait de la guitare pour le projet d’un autre ami, je lui ai demandé de jouer du clavier dans mon projet. Il a quitté le projet en 2012 peu de temps après la sortie du premier LP pour suivre sa propre voie.
—In Tension (2010) est le premier EP du groupe. L’avez-vous vendu pour la première fois lors de vos concerts ? Sur cette première publication, on retrouve deux des meilleures chansons du groupe, « Dark Allies » et « A Certain Person ». Aviez-vous déjà composé ces chansons dans le passé ?
—Oui, sous forme de CDR et de cassette avec les illustrations d’Amber Iberreche sur un autocollant sur la pochette du CD. On a tout fait nous-mêmes vers 2010, spécialement pour la tournée. L’EP est officiellement sorti chez Mexican Summer fin 2011 sur un vinyle de couleur gris marbré en édition limitée et sur CD. Je cherche toujours des idées, des mélodies et des paroles et je les enregistre sur mon téléphone dans ma vie quotidienne, je peux donc les réécouter pour trouver l’inspiration. Un peu comme un journal audio. Ces hymnes sombres canalisent une accumulation de mon expérience, où un peu de lumière traversait. J’adore structurer des chansons pour raconter une histoire et laisser juste assez d’espace pour que l’auditeur s’injecte dans la chanson… pour se l’approprier.
—Votre voix a été comparée à celle d’Andrew Eldritch et vous avez également chanté à l’église : selon vous, qu’est-ce qui vous a le plus influencée ?
—Les deux vraiment. Je suis une grande fan de Sisters of Mercy et Patricia Morrison autant que de M. Eldritch. J’adore les duos. Comme je le disais, j’ai beaucoup d’influences différentes et c’est mon rêve de jouer au W-Fest 2020 avec certaines d’entre elles : Heaven 17, Fuzzbox, ABC, Front 242, A Split Second, The Stranglers… la programmation est INCROYABLE.
—Le groupe a joué dans certains événements artistiques, diriez-vous que Light Asylum est, en quelque sorte, un groupe artiste ?
—Pas plus que Throbbing Gristle, CAN ou Kraftwerk.
—J’ai lu qu’en Autriche, vous avez collaboré avec Laurie Anderson. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
—Oui, c’était une expérience incroyable. À notre retour New York après la performance, elle m’a invitée chez elle pour sa fête de Noël annuelle. J’ai rencontré Lou Reed, que dire de plus ! Je l’ai invitée au studio pendant l’enregistrement du LP S/T pour avoir son avis. C’est évidemment un moment fort de ma carrière. J’ai eu la chance inestimable qu’une pionnière de la musique électronique encourage mon travail. Merci à CocoRosie d’avoir organisé le Donau Festival 2012 et nous avoir mis en contact en 2011.
—Que pensez-vous de votre premier album Light Asylum, sept ans plus tard ? Lorsque vous jouez les chansons de cet album, les jouez-vous de la même manière que dans l’album ?
—Elles ont toujours la même puissance que lorsque je les ai écrites. Je suis tellement contente que les gens continuent de découvrir « Dark Allies » sur les pistes de danse et sur des playlists, tout ça grâce aux fans et aux amoureux de la musique dark. Je vous remercie ! Je change de la version sans intro à la version complète de « Dark Allies », mais je m’en tiens principalement aux versions originales.
—Certaines de vos chansons comme « Sins of the Flesh » et « IPC » présentent un message politique et social important. Pensez-vous qu’il est possible de changer (au moins un peu) la société avec la musique ?
—La musique trouve son public et elle change le monde.
—Vous êtes aussi DJ. Comment décririez-vous vos sessions ?
—Oui, je suis DJ depuis 25 ans maintenant. Je joue un large éventail de styles, mais j’aime demander aux promoteurs des événements ce qu’ils veulent entendre. Ils disent toujours « jouez ce que vous voulez » et donnent des critères, qui aujourd’hui se limitent principalement à la techno, la house, et club bien que ces derniers temps, la musique expérimentale et le gabber font leur grand retour ! Je veux emmener mon public en voyage grâce à la musique. Quelque part, on doit tous oublier notre stress quotidien en dansant.
—J’ai vu une liste de certains de vos albums préférés et j’aimerais que vous commentiez ce que vous trouvez intéressant sur ces albums et que vous nous expliquiez comment ils ont influencé votre musique :
The Selector – Celebrate The Bullet – Production et ambiance incroyables
Kate Bush – Hounds of Love – Le seul cadeau que j’ai reçu à mon 15e anniversaire était cette cassette. Ça a changé la donne
Big Black – Songs About Fucking – Steve Albini m’a appris que cela peut toujours être plus dur, plus rapide, plus fort. Toujours.
This Mortal Coil – It’ll End in Tears – Je suis une grande fan du catalogue 4AD des années 80 et 90. Les moments plus calmes et plus réfléchis proviennent d’un amour pour cette fusion d’artistes réalisée par les propriétaires de labels, pour faire principalement des reprises d’artistes des années 70.
—On est aussi de grands fans de Grace Jones (quelque chose de peu habituel dans cette scène). En quoi a-t-elle été importante ?
—C’est la meilleure, sans aucun doute. Elle est la première femme d’origine africaine à avoir été visible dans le monde de la musique des années 80. Elle est également devenue un modèle précoce d’androgynie sans complexe. Une voix, un style et une énergie associés aux légendes Sly et Robbie Dunbar. Majick {sic}. Pas de barre de retenue.
—Vous avez aussi travaillé sur le 12″ avec Ford, Lopatin et Tamaryn. Comment est né ce projet ?
—On voulait promouvoir la 100e publication du label Light Asylum. Je chante avec Tamaryn, et la production a été réalisée par Joel Ford et le célèbre producteur Daniel Lopatin de Oneohtrix Point Never.
—Quand allez-vous sortir un nouvel album de Light Asylum ? Vous étiez censée en publier un en 2016, que s’est-il passé ?
—J’ai traversé beaucoup de choses ces 8 dernières années en essayant de revenir à Light Asylum. J’espère que lorsque le nouvel album sortira en août 2020, toutes les vieilles luttes seront enterrées et loin derrière moi. J’ai de nouveaux obstacles à franchir, mais j’ai enfin pu refermer le premier chapitre et j’ai hâte de sortir de nouvelles chansons. Que les vers de terre fassent leur travail, les vers d’oreille sont en route. N’ayez pas peur, tout cela fait partie du processus.
—Vous avez également fait un remix pour ADULT. Était-ce votre seul remix ?
—Non, j’en ai fait pour S.C.U.M. (États-Unis) et SALEM (États-Unis).
—Raphael, le nouveau membre joue également dans Ice Choir. Que pouvez-vous nous dire sur ce projet ?
—Raphael était le claviériste de la tournée fin 2012 – 2013.
—Que pouvez-vous nous dire sur votre concert au W-Fest ?
—Il va être INCROYABLE. J’ai hâte.
Photos : Helge Kramberger