Lebanon Hanover est, sans aucun doute possible, l’un des groupes les plus importants de la scène gothique actuelle. Le duo a revitalisé la coldwave en 5 albums regorgeant de beauté et de froideur qu’ils réussissent à transmettre même dans l’interview. Ils joueront au W Festival le vendredi 16 août. Au diable le réchauffement climatique, grâce à eux, le monde refroidit.
—Lebanon Hanover est un lieu aux États-Unis. Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre groupe ? Êtes-vous allés là-bas ?
—Larissa : Je suis passée par cet endroit en voiture en 2010 et j’ai aimé son côté abstrait.
—Comment vous êtes-vous rencontré la première fois ?
—William : On était des voisins de Last.fm et on s’est rencontrés quelques semaines plus tard à Sunderland.
—Vous avez enregistré vos chansons à côté de Newcastle. Larissa, vous avez dit que vous trouviez cet endroit « sans vie ». Selon vous, de quelle façon l’endroit où vous vivez influence la musique que vous composez ? Maintenant, vous vivez en Allemagne, mais avant vous viviez au Royaume-Uni. Pensez-vous que cela a changé votre façon de composer ?
—L : Sunderland et Newcastle ont une atmosphère rude. Ça nous a beaucoup affectés. Parfois, on se sentait menacés dans la rue et on avait peur de sortir de chez nous. Alors dernièrement, on restait à l’intérieur, on buvait du thé et on composait, ce qui nous a menés à une période plutôt productive.
—Lorsque vous écrivez vos chansons, canalisez-vous une certaine humeur ou pensez-vous qu’elles sont le reflet de ce que vous ressentez en général ?
—L : Normalement, je ressens exactement ce qui est mentionné dans la musique.
—Je n’ai rien trouvé de Lebanon Hanover sur Allmusic, ça m’a vraiment surpris, peut-être parce que votre label est grec ?
—W : Je n’ai jamais entendu parler de Allmusic.
—Lorsqu’on parle de votre musique, la coldwave française est toujours mentionnée. Aimez-vous Asylum Party, Marquis de Sade, Martin Dupont ou Charles de Goal ?
—L : J’aime ces groupes, mais Trop Tard, Guerre Froide et Trisomie 21 sont mes préférés.
—Surtout au début (et dans le dernier album), on peut entendre une forte influence de The Cure, principalement à cause du son de la basse. Simon Gallup vous a-t-il influencés ?
—W : Peut-être que oui, quelque part au fond de nous.
—Comment choisissez-vous de chanter en anglais ou en allemand dans des chansons comme « Hall of Ice » ou « Gallowdance » ?
—L : Dans « Gallowdance », j’ai ressenti le besoin d’utiliser ma langue maternelle. De cette manière, les Allemands ressentent la chanson au plus profond d’eux-mêmes. Généralement, je suis une esthète des mots. Je suis toujours à la recherche de beaux mots. Certains sont plus jolis en allemand ou en anglais. Par exemple, Eiskunstlaufen est beaucoup plus beau que ice skating.
—Le groupe a commencé avec un split avec La Fête Triste, sorti uniquement sur cassette, une édition limitée à 55 exemplaires. Pouvez-vous nous en dire plus ? J’ai lu que vous n’étiez pas spécialement des amis de La Fête Triste. Pensez-vous ressortir ce split ?
—L : C’était la première offre de publication qu’on a eue. Je ne referai probablement pas de split, mais à l’époque, notre groupe était si petit, et on avait tellement envie de sortir une chanson sur un support physique.
—Dans votre premier split, on peut détecter une certaine touche d’humour dans le titre de certaines de vos chansons, comme « Schwarzenegger Tears. » Est-ce également le cas de « Fuck 2010, Fuck the Future, Fuck Everybody », ou vous étiez juste en colère ?
—L : À 22 ans, je devais vraiment être en colère.
—Après 5 albums, que pensez-vous maintenant de The World is Getting Colder, l’écoutez-vous toujours ?
—W : C’est une grande encapsulation d’une période où tout était nouveau. Pour nous, il aura toujours une certaine énergie, mais c’est vrai que je ne l’écoute plus.
—L : Je ne l’écoute plus non plus.
—Je vois que Why Not Just Be Solo, sorti en 2012, représente un grand pas en avant. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’enregistrement de l’album ? Vous jouez toujours beaucoup de ses chansons.
—L : Tout comme nos trois premiers albums, c’est un enregistrement classique maison de Lebanon Hanover. Cet album, ses paroles honnêtes et son atmosphère plus sombre me parlent toujours.
—Tomb for Two est sorti un an plus tard. Pensez-vous que les chansons sont plus accrocheuses ? » Hall of Ice” est l’une des chansons les plus accrocheuses que vous ayez jamais enregistrées.
—L : Les morceaux sont paisibles, plus courts et combinés à des sons de synthés mélodiques. Ils sont plus accrocheurs que Solo et Abyss.
—Vous avez enregistré Besides the Abyss, sorti en 2015, dans un studio professionnel. Pensez-vous avoir été plus libre au cours de l’écriture des chansons, grâce au fait de savoir que l’enregistrement allait être plus facile, parce que vous aviez plus de ressources ?
—L : Ça nous a vraiment aidés d’avoir accès aux ressources du studio comme le saxophone, la semi-acoustique et les synthés auxquels on n’avait pas accès jusqu’alors. Le processus d’écriture n’a pas été si différent des autres albums, car William et moi avons produit et construit l’album ainsi que ses structures comme d’habitude.
—Dans votre EP Babes of the 80s, sorti en 2016, la pochette et la musique ont l’air moins sombres. Était-ce un projet conçu pour la piste de danse ? Il existe quelques remix, l’un de She Past Away et un autre de l’artiste italien Tobias Bernstrup. Je crois avoir lu que les remix ne vous intéressent pas vraiment, n’est-ce pas ?
—L : L’italo des années 80 est extraordinaire ! Les remix nous intéressent, mais ça dépend de qui en est l’auteur et de leur style.
—Let Them Be Alien, votre dernier album, sort en 2018. Votre EP de 2016 était-il une influence pour ce disque ? Je crois qu’il est plus lumineux que vos albums précédents, et certains rythmes sont moins minimaux.
—L : En fait, on voulait composer un album complètement old school typique de Lebanon Hanover pour résumer notre travail de 2010 à 2018.
—L’année dernière, vous avez joué au Montreux Jazz Festival. Comment avez-vous vécu cette expérience, où vous avez joué dans un festival plus mainstream ? Était-ce l’occasion d’atteindre un public différent ?
—L : J’ai adoré, mais je ne suis pas sûre qu’on ait atteint un public différent. Tout le monde se trouvait à la grosse scène extérieure tandis que la nôtre était plus intime et se trouvait à l’intérieur.
—Vous avez tourné dans le monde entier, dernièrement. Une anecdote amusante à nous raconter ?
—L : À Moscou, le réceptionniste d’un hôtel nous a reconnus, a préparé un rideau pour se faire prendre en photo avec nous. Le jour suivant, il nous a apporté un vinyle de Kino. Une expérience mémorable !
—De quelles chansons vous sentez-vous les plus fiers ?
—W : « Petals », « True Romantics »
—L : « Saddest smile »
—Vous tournez vos propres vidéos. Où trouvez-vous vos idées et comment les filmez-vous ?
—L : Je m’inspire de lieux de la vie de tous les jours. Parfois, je visualise une vidéo juste après avoir composé un morceau. Par contre, on n’utilise pas toutes ces idées pour les vidéos. Les vidéos ont été filmées avec un très petit budget. Des amis utilisant des VHS ou de simples caméras de poche nous ont aidés.
—Comment décririez-vous votre relation avec Fabrika Records ? Ils ont aussi sorti les œuvres de Die Selektion, et nous allons bientôt les interviewer. Mais vous sortez vos CD avec Dead Scarlet Records. Est-ce difficile de travailler avec deux labels différents ?
—L : Ce sont plus que des amis. On a établi un puissant lien. Fabrika Records est un label pour vinyles. Mais étant donné la forte demande en CD, les mêmes personnes s’occupent également de Dead Scarlet, qui se spécialise dans les CD.
— Vous avez sorti une version sur cassette de votre dernier album. Est-ce une idée romantique ou nostalgique ?
—L : On a tous les deux des lecteurs cassette.
—Qual est l’autre projet de William. Vous avez sorti un deuxième album l’année dernière, c’est ça ? Comment choisissez-vous de sortir une chanson sous le nom de Lebanon Hanover ou de Qual ?
—W : On sort les morceaux en temps voulu, le plus tôt possible. Ces deux projets sont séparés. Alors il est possible de sortir un morceau avec l’un des deux.
—Qu’est-ce qu’être gothique au XXIe siècle ?
—L : Je ne suis pas gothique, et ça serait beaucoup trop facile.
—W : Je suis gothique par nature.
—Que peut-on attendre de vous au W Festival ?
—W : Notre cœur.
Photos (dans l’ordre) : © Caroline Bonarde, Polar Noire, marquis(pi)X