Dans les années 80, des groupes ont commencé à jouer de l’EBM en Espagne. Venus tout droit de Madrid, Flash Zero (connus à la base comme Flash Cero) était l’un des groupes les plus iconoclastes et les plus originaux qui aient importé notre genre de musique préféré dans ce pays. Nous avons parlé avec Fan Dl Kaox, chanteur et membre original du seul et unique groupe Vakalao. Ils joueront au DarkMad, et quelques semaines avant, lors de la présentation du festival.
—Vous avez commencé à jouer dans des groupes de punk comme Panadería Bollería Nuestra Señora del Karmen. Pensez-vous que cet esprit punk a toujours été présent au cours de votre carrière ?
—Jamais je ne me suis senti punk, je l’ai vécu, j’ai vécu ces moments, que je qualifierais de glorieux, mais jamais je ne me suis senti comme faisant partie intégrale de l’idée sociale du punk. J’étais avec des punks, j’étais avec des groupes de punk, je traînais avec des punks, mais jamais je ne me suis senti sous un genre de drapeau punk. C’était et c’est peut-être une sensation étrange, comme être dans un lieu, vivre dans ce lieu, savoir que tu n’es pas à ta place parce que tu ne te sens pas de ce lieu dans lequel tu vis, que tu vois ou que tu connais. Je crois qu’on m’a viré de PBNSK parce que je n’étais pas organisé. Mais je crois qu’on aurait été un groupe fantastique si on avait continué, un groupe qui répétait en faisant de véritables courses pour savoir qui allait terminer la chanson en premier. Avec moi qui n’apprenais jamais les paroles, ce mélange aurait terminé dans une brillante folie, une incroyable perte de contrôle. À la fin, j’aurais cru au punk comme étant ma voie idéale, mais non… Ils m’ont viré, car je ne pouvais pas me contrôler.
—Vous créez Flash Zero avec un ancien membre de PBNSK, Lolo de Lacruz. Comment êtes-vous passés à l’électro ? Avec quel équipement avez-vous commencé à jouer ?
—On était deux personnes qui cherchaient constamment à faire quelque chose de nouveau par rapport à ce qu’on voyait. On a rien inventé, mais on a aimé penser au fait de passer de PBNSK à un groupe électronique… et c’était le début. J’avais un Roland Juno -60 et Lolo une batterie électronique Simmons. On y a ajouté un Casio 5000, Lolo a incorporé son frère Javier et à sa copine de l’époque, qui était aussi mon amie… C’est comme ça qu’on a commencé.
—Comment décririez-vous Madrid en 1988, l’année de votre premier disque ? J’ai lu que pendant des sessions vous donniez parfois des discours. C’est vrai ?
—1988 a été une année normale : du sexe, des drogues, de la musique et de l’alcool, et bien sûr, le travail, la politique, etc. Mais avant tout, du sexe, des drogues, de la musique et de l’alcool. Tout le temps. À cette époque, j’étais un pro des amphétamines. J’arrêtais pas de parler, alors si quelqu’un me posait une question, je commençais sur ma lancée. Ça ne m’étonne donc pas.
—Étiez-vous intéressé par la house ou la techno qui s’écoutait dans la capitale, ou avez-vous toujours suivi votre propre voie ?
—Quand cette musique est arrivée, certains, moi compris, avons essayé d’en faire un max la promotion, chacun à sa façon. Au final, on a tout fait pour que les pistes de danse soient mises en lumière… Je me rappelle que je portais mes écouteurs 24h/24 et quand quelque chose qui passait sur la piste de danse ne m’intéressait pas, je connectais mon walkman et je continuais à mon propre rythme, comme si je montais ma propre fête. J’adore que l’électronique ait pu autant se développer, c’était un son, qui, comme il était nouveau à l’époque, paraissait avoir encore plus de volume. On le sait tous, c’était un style de vie et de mort, les after, baiser, la drogue, la fin de ta vie parce que t’es incapable d’arrêter de faire la fête.
—En 1988, vous sortez le premier disque de Flash Cero, réédité et remastérisé il y a quelques années, en 2015. Quelle version nous recommandez-vous, l’ancienne ou la nouvelle ?
—Ce qui me plaît, c’est le fait qu’on ait enregistré ce disque. Pour le reste, j’en sais rien. Ça me fait plaisir d’avoir enregistré et sorti ces disques à un moment donné, et c’est tout.
—Vous utilisez des paroles en anglais pour votre deuxième disque, Conspiracy. C’est le seul dans son cas. Était-ce une tentative pour essayer d’être célèbre au niveau international ?
—Bien sûr, on s’est dit : comme ici on nous ignore alors qu’on chante en espagnol, c’est terminé ! On va se mettre à chanter en anglais, et tout le monde nous écoutera. Mais la même chose s’est produite : tout le monde continuait à nous ignorer, sauf en Suède où on a vendu pas mal de disques.
—Dans Conspiracy, vous passez à l’EBM. Comment avez-vous découvert ce genre ?
—Front 242, et la suite. Quand t’es jeune, que tu vis dans les années 80 et que tu découvres Front 242, il se passe deux choses : ou tu meurs parce que tu as eu un infarctus supersonique, ou tu te mets à sauter parce que t’es fou de joie. Ensuite, tu comprends que y’a pas uniquement Front 242, et que c’est un véritable mouvement. Ensuite, tu te rappelles le punk, et comment c’était. Tu sais que le mieux que t’as à faire, c’est de te lancer la tête la première dans la mer, de suivre la vague, et que de voir ce qui se passe… jusqu’à ce que tu te fatigues et que tu changes de vague. J’adore l’EBM.
—Quelle relation avez-vous avec Interfront/Megabeat, l’autre grand groupe qui jouait un genre de musique semblable au vôtre ?
—Aucune. Je crois qu’on s’est vus une fois à Valence et je pense, bien que j’aie des doutes, qu’on s’admirait mutuellement. Je crois que Gani, d’Interfront/Megabeat et moi, on sentait ça. Les membres qui faisaient partie des deux formations étaient étrangers aux contacts qu’on avait tous les deux.
—Avez-vous suivi la carrière d’Esplendor Geométrico ? Ou de projets comme celui d’Orfeón Gagarin ? Vous aimez ?
—Orfeón Gagarin vient de sortir un disque génial. Jamais ils ne m’ont vraiment attiré l’attention, je savais seulement qu’ils étaient là, qu’ils envoyaient de la musique alternative. Que ces gens faisaient des trucs. Esplendor Geométrico est un autre monde. Fantastique. C’est incroyable de voir que de plus en plus, presque 40 ans après leur création, ils commencent à devenir la partie commerciale des festivals. Attention, jamais ils ne seront commerciaux, mais si tu les inclus sur une affiche, alors cette affiche se fait plus accessible pour beaucoup… Je vois qu’ils s’amusent et ça me fait plaisir. Quand tu fais de la musique indépendante, tu dois te faire plaisir avec son contenu ou sa projection.
—Que s’est-il passé pour que Flash Zero se transforme en Fan DI Kaox & The Space Flash Zero ?
—D’abord, j’ai quitté le groupe. Peu après, je suis revenu, je les ai tous virés et j’ai monté ce que je voulais monter, et j’ai accepté que les anciens membres de Flash Zero participent.
—Sur la pochette de Raya España 21, on voit « El verdadero y único sistema del Vakalao » (le seul et unique système du Vakalao*). Vous avez été extrêmement liés à cette scène. Et pourquoi « Vakalao » avec un V ?
—Valence s’écrit avec un V. Fan Dl Kaox avec K.
—Qu’est-il arrivé à Flash Zero après le single Doble Personalidad II, sorti en 1991 ?
—Le label s’est ruiné, ils ont fermé, et le projet qu’on avait de devenir le groupe phare de ce genre de musique est tombé dans le néant. Même ainsi, j’étais reconnaissant envers les directeurs, car ils m’ont laissé enregistrer ce que je voulais et comme je le voulais.
—La musique que vous faisiez en 1990 devient très populaire en 1991 avec Chimo Bayo. Comment l’avez-vous vécu ?
—Je me sentais proche de Chimo seulement parce qu’on s’est connu dans un moment où tout le monde se droguait. Lui, il chantait à sa manière que je détestais, moi j’avais la mienne. Mais c’est un chic type, ça a toujours été le cas. Même s’il savait à quel point je me fichais de sa chanson, il m’invitait chez lui et me traitait avec un respect absolu. C’était amusant. Ceux qui étaient dans le « là-bas » avant l’explosion… Et on l’a vue venir ! C’était vraiment amusant, c’était incroyable.
—Vous avez participé à un projet très iconoclaste, le « Follartour » (Follar= baiser en espagnol, c.-à-d. : la tournée de la baise). Que pouvez-nous nous dire de cette expérience ?
—C’était incroyable. Les gens qui étaient habitués à voir des spectacles hors norme dans le monde me disaient que c’était le spectacle sexuel le plus dingue de leur vie. La première fois, c’était hardcore. La deuxième fois, c’était « indéchiffrable ».
—En 2010 apparaît 747 Federales, mais ces dernières années, le groupe s’est converti en Flash Zero, n’est-ce pas ? Vous pensez sortir du matériel ou jouer sous le premier nom ?
—En 2020, FLASH ZERO 747 Vida Federal. C’est ça qui vous pend au nez. On a 37 morceaux enregistrés qui avec de gros changements, des réglages de précision et l’envie de musique électronique feront que Flash Zero seront toujours contents de la vie, de la vie supersonique.
—Chez 747 Federales, on retrouve Big Toxic. Selon vous, qu’est-ce qu’un producteur aussi célèbre que lui peut apporter à Flash Zero ?
—Une production célèbre, ce gars est génialissime. On est de très bons amis, mais, l’amitié à part, les membres de Flash Zero font partie du groupe pour la musique et son pouvoir. Si t’es fantastique (c’est pas mon cas, mais c’est celui des autres), je ferai tout mon possible pour que tu en fasses partie. Aujourd’hui, on est heureux dans ce groupe. On aime la musique, notre groupe et nous amuser.
—Comment vous est venue l’idée d’enregistrer un live, le Tour de la Tierra-live, sorti cette année ? Que pouvez-vous nous raconter sur cette tournée ?
—C’est fascinant de jouer sur 3 continents, surtout pour nous, un groupe qui ne vend pas, qui ne fait même pas partie de la scène underground internationale, etc. J’ai toujours adoré les directs, pas tous, seulement les meilleurs. J’ai vu ici la possibilité qu’avec sa formation actuelle, Flash Zero pouvait obtenir un résultat fantastique. Je devais donc essayer, et être sûr que j’avais ce que je cherchais, un disque live spectaculaire.
—Vous avez pensé enregistrer autre chose ?
—Les 37 morceaux électroniques enregistrés de 747, avec une nouvelle production finale seront ceux qu’on utilisera pour Flash Zero.
—Pensez-vous que la scène électronique est snob ? Comment est-ce possible que des pionniers comme vous n’aient jamais joué au Sonar ?
—Je suppose que les types du Sonar savent ce qu’ils font. Par contre, si ce qu’ils font nous plaît ou non à moi ou aux autres, c’est autre chose. J’espère qu’un jour ils nous appelleront pour que je puisse leur dire non. Sauf pour l’argent, si c’est pour l’argent… alors, oui, on s’y rendra, mais ce sera uniquement une question d’argent. Quand on arrive tard à un endroit, c’est possible que tu doives payer un extra.
—Que pensez-vous du livre ¡Bakalao!? Êtes-vous d’accord avec la façon dont il décrit l’époque ? Vous jouiez beaucoup à Valence ?
—Le livre est… je ne peux pas vous l’assurer, car je ne l’ai pas lu. Par contre, j’ai vu que l’auteur a dit que Led Zeppelin avait joué à Benidorm, et en lisant ça, j’ai eu une réaction normale : ignorer tout ça. Par contre, ce que je peux vous dire, c’est qu’en plus de ce qu’il dit, l’auteur n’est pas vraiment digne de confiance. Il est possible que ceux qui sont interviewés ne disent que des vérités. Chacun a sa vérité, mais à la fin, ce n’est que ça. Flash Zero a joué plusieurs fois à cette époque à Valence et aux alentours. Parfois, on nous payait une grasse somme en plus de nous offrir un catering d’exctasy hallucinant. Cette époque était dangereuse, mais je me suis toujours très bien amusé.
—Que pouvons-nous attendre de Flash Zero au DarkMad ? Une petite surprise ? Vous jouerez aussi dans la fête de présentation début octobre, pas vrai ?
—Le 6 octobre, on jouera le matin, à midi. J’adore cet horaire, l’heure où le soleil est à son apogée, boum : un voyage dans les étoiles. Pour le DarkMad, on espère que tout le monde passe du bon temps avec les groupes. On a très envie de voir tous les groupes briller, et pour nous, ce sera pareil. Un voyage aux étoiles. Dans ces concerts, on incorporera des morceaux en live de Vida Federal de 747.
*Note du traducteur : le bakalao est un genre de musique électronique né en Espagne à la fin des années 80.