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Interview : Aroma di Amore

par Violeta

Les années 80 et la Belgique ont été le terreau idéal pour la naissance de groupes originaux comme Aroma di Amore, qui ont gentiment répondu à nos questions à l’occasion de leur concert de retrouvailles. Ce sera une occasion unique de voir le groupe électro-punk/wave en live puisqu’il sera la tête d’affiche du dernier jour du Sinner’s Day Summer Festival, le 26 juin à Ostende.

—Elvis et Fred, vous avez participé deux fois au Humo’s Rock Rally. Le groupe a été associé à ce concours. En quoi consiste cet événement ? Au W-Fest, on a vu certains groupes qui y avaient aussi participé.

—Fred Angst : Elvis Peeters et moi-même sommes les membres originaux du groupe. On l’a créé en 1982, et l’une de nos premières apparitions en public a eu lieu au concours Rock Rally de cette année-là. Le Rock Rally est un concours de deux ans pour les nouveaux groupes belges. Il existe toujours. Certains des groupes belges les plus connus y ont commencé leur carrière, comme dEUS, Evil Superstars, Noordkaap, Whispering Sons et bien d’autres.

—En tant que Didi De Paris et Les Poseurs de Minuit de Noël, avez-vous enregistré quelque chose ou avez-vous simplement créé le groupe pour le Rock Rally ?

—Fred Angst : Didi de Paris et les Poseurs de Minuit de Noël était une collaboration ponctuelle avec le poète punk Didi De Paris, un ami commun, qui a réuni Elvis, Andrea et moi-même pour la première fois. On n’a rien enregistré avec ce groupe.

—Quelles étaient vos influences à l’époque ? TC Matic peut-être ?

—Fred Angst : Nous avons été influencés par Wire, Public Image Ltd, et d’autres groupes post-punk de l’époque, ainsi que par TC Matic. Mais on a aussi puisé notre inspiration dans la Neue Deutsche Welle (Der Plan, Fehlfarben, Grauzone, Einstürzende Neubauten).

—Votre premier mini LP s’appelait Koude Oorlog (guerre froide). Sa pochette était assez particulière. Pourquoi avoir fait ce choix ?

—Fred Angst : L’illustration de la pochette a été réalisée par Leo Racuszek, l’un de nos amis. Elle peut être interprétée comme le visage tourmenté de la colère.

—Vous accordez énormément d’importances à vos paroles. Où trouvez-vous l’inspiration ? Un auteur ou un parolier en particulier ?

—Elvis Peeters : Tout d’abord, nous avons décidé d’utiliser notre langue maternelle, et de ne pas choisir l’approche anglo-saxonne qui était courante dans le rock à cette époque (et l’est toujours). La chanson « Dobberman » (sur notre premier EP) est inspirée par un roman du défunt (auteur autrichien) Thomas Bernhard. En tant que parolier, je suis influencé et inspiré par D.A.F., Wire, l’auteur expressionniste flamand Paul van Ostaijen, les situationnistes et l’antimilitarisme.

Harde Feiten est votre premier véritable album. Comment s’est déroulé son enregistrement ? Avez-vous réussi à obtenir facilement le son que vous recherchiez ?

—Fred Angst : Nous avons fait équipe avec le producteur Ludo Camberlin. C’est lui qui a façonné le son de l’album. Il avait les compétences dont nous avions besoin pour transposer notre son live sur un enregistrement.

« Zij Is Blij » était assez populaire à Valence à l’époque. Vous y avez joué en 1987, quel souvenir avez-vous de ce concert ?

—Fred Angst : Je me souviens qu’il y avait beaucoup de monde. C’était impressionnant.

—L’œuvre suivante du groupe, De Sfeer Van Grote Dagen, est l’une des plus expérimentales. Avez-vous mis des limites à votre musique à un moment donné ?

—Fred Angst : Cet album a été produit par le bassiste et producteur néerlandais Theo Van Eenbergen, qui était membre de Nasmak, un groupe néerlandais de new wave expérimental. Il a ensuite collaboré avec Henry Rollins. Au début, la production nous impressionnait pas du tout, car le son était différent de ce à quoi on s’attendait. Après coup, on a bien dû admettre que Theo avait fait un très bon travail. Aujourd’hui on considère que c’est l’un de nos meilleurs albums des années 80.

—J’ai lu dans la bio de votre web que Lo et Elvis sont allés en Afrique à cette époque. Quels souvenirs gardez-vous de ce voyage ? Avez-vous rencontré des musiciens locaux ?

—Lo Meulen : Elvis a écrit quelques paroles pendant ce voyage et nous sommes allés voir des groupes locaux à Nairobi et Dar es Salaam. On s’est bien amusés. J’ai rencontré ma petite amie australienne lors de ce voyage et j’ai ensuite déménagé à Londres pour la rejoindre. C’est alors que j’ai quitté le groupe pour un certain temps.

—Pour le deuxième album, avez-vous ressenti plus de pression ? Le single précédent ne s’était pas bien vendu et PIAS avait arrêté de travailler avec le groupe.

—Fred Angst : Pas du tout. Très vite, on a commencé une collaboration avec le label de Ludo, Anything But Records, qui continuait à croire en nous.

—Avez-vous eu des difficultés à continuer de jouer ensemble, malgré les changements de line-up ?

—Fred Angst : Comme beaucoup de groupes, nous avons traversé des périodes difficiles, mais lorsque Lo est parti en 1987, nous avons trouvé un remplaçant digne de ce nom en la personne de Wout Dockx. -Après le départ d’Andrea, nous avons eu deux autres claviéristes, mais ils ne s’intégraient pas au groupe. Du coup, on a commencé à utiliser des séquenceurs.

—Vous considérez votre deuxième album, intitulé KoudvuuR comme le plus abouti. Pourquoi ?

—Fred Angst : Eh bien, on était devenus des musiciens et des producteurs bien plus expérimentés. L’album a été enregistré dans le studio de Ludo. Luc Van Lieshout (de Tuxedomoon) et Hervé Lomprez (de Trisomie 21) nous ont filé un coup de main. Ils étaient les ingénieurs du studio à l’époque. L’album contient beaucoup de nos tubes, comme « Een Taal Is Een Stripverhaal » (une langue est une bande dessinée), « Naaldhak » (talon aiguille), « Meisje zijn » (être une fille) et « Sporen Van Lisa » (traces de Lisa). Sur la face A, Lo jouait de la basse ; sur la face B, c’est Wout qui jouait les parties de basse.

—Pourquoi le groupe s’est séparé en 1988 ?

—Fred Angst : Après la sortie de KoudvuuR et le départ de Lo, nous avons donné beaucoup de concerts à l’étranger (Espagne, Suisse, France) mais les critiques de l’album n’étaient très positives et les ventes ont été inférieures à nos attentes. On a donc décidé de faire une pause pendant un certain temps, mais en 1990, nous avons recommencé à tourner.

—Qu’est-il arrivé a vos chansons des années 1990 ? Est-ce le matériel qu’on pouvait trouver dans Ongehoord ?

—Fred Angst : Les morceaux sur Ongehoord sont des out-takes, des enregistrements en public et quelques nouveaux enregistrements (par exemple « Hartslag », une reprise de « Heartbeat » de Wire).

—Le groupe s’est reformé pour un concert au BIM, et est ensuite parti en tournée en 2005. Qu’est-ce que ça vous a fait, de rejouer ? Est-il possible que ce concert au Sinner’s Day vous incite à repartir en tournée ?

—Fred Angst : Après une pause de 10 ans, on s’est reformés en trio (Elvis, Lo et Fred) et découvert qu’entre-temps, la popularité d’Aroma Di Amore avait augmenté et que les gens étaient intéressés par nos premiers disques. Mais ils étaient tous épuisés. On a donc décidé de sortir le double cd-compilation Onverdeeld, qui a eu beaucoup de succès.

—Et comment s’est passée la composition de ce nouvel album 25 ans plus tard ? Vous travailliez avec de nouveaux musiciens, non ?

—Fred Angst : Le succès de la compilation nous a donné envie de composer de nouvelles chansons et de sortir un nouvel album. Notre musique n’avait plus rien à voir avec ce qu’on composait dans les années 80 et on a travaillé avec d’autres musiciens (comme Mauro Pawlowski) pour améliorer le son. Onderstroom records a sorti Samizdat en 2012.

Samizdat parlait d’« un monde dur et implacable qui idéalise l’individu ». Avez-vous constaté une évolution de la société au cours des 25 années qui se sont écoulées entre vos disques ?

—Fred Angst : Le monde a beaucoup changé depuis, avec le 11 septembre, les guerres en ex-Yougoslavie et en Irak. La fin de l’URSS. Et on a tous eu des enfants !

—L’album Zin est sorti en 2016. Comment votre musique a-t-elle évolué depuis « Gorilla dans de samba » jusqu’à ce dernier album ?

—Fred Angst : On a toujours essayé de se réinventer en tant qu’artistes, et ce que j’ai dit précédemment à propos de Samizdat est devenu plus évident sur Zin : les deux albums étaient imprégnés d’un nouveau son et étaient bien plus sophistiqués que ce que nous faisions dans les années 80.

—Pourquoi le groupe s’est-il une nouvelle fois séparé ?

—Fred Angst : Début 2017, on a décidé d’arrêter car on avait épuisé les possibilités pour Aroma. On aurait pu continuer, mais on n’avait pas envie de copier nos anciennes chansons et albums.

—Est-il difficile de parler de politique à travers la musique ? Quels artistes vous ont servi de modèle ?

—Elvis Peeters : C’est aussi difficile que de parler d’amour. Comme modèle, on pourrait citer The Clash, The Jam, et même Big Black.

—Est-il difficile de réussir sur le marché anglais quand on chante en flamand ?

—Elvis Peeters : Pour le marché anglais, c’est aussi difficile que de chanter en allemand, en espagnol ou en français, je suppose. La grande différence, c’est la puissance des machines de marketing des grandes maisons de disques.

—Elvis, tu es également écrivain, et tu as publié certains livres, comme Wat alleen wij weten et Dinsdag, ou De wanbidder. Tu peux nous en parler ? Y a-t-il un sujet que tu as abordé à la fois dans un livre et dans une chanson ?

—Elvis Peeters : Wat alleen wij weten (Ce que nous seuls savons) est une ode à l’imagination, écrite dans un langage dépouillé qui se situe quelque part entre la poésie et la prose.

Synopsis : Nour a sept ans et est atteinte d’une maladie incurable. Sa peau devient plus pâle, elle suit un régime très strict et la douleur s’aggrave. Mais Nour continue de sourire et de jouer. Alors que ses parents sont obnubilés par sa maladie, la jeune fille se rapproche de son grand frère. Il lui raconte des histoires pour essayer de lui faire oublier la douleur. Le frère et la sœur imaginent un univers à part entière dans lequel ils sont en sécurité et connectés à jamais. Les histoires rendent leur adieu imminent plus supportable. Entre eux se trouve un oiseau qu’eux seuls peuvent voir.

Récemment, j’ai traduit quatre-vingts poèmes de Miguel Hernández en néerlandais, publiés en Flandre. Avec le groupe Wilderman, on a retravaillé treize de ces poèmes en chansons, pas encore enregistrées.

—Tu as également fait partie d’un groupe appelé De Legende, non ?

—Elvis Peeters : De Legende est né d’une coopération avec le claviériste Geert Corbeels du groupe Men 2nd, basé à Louvain. De Legende a sorti trois mini-albums et deux albums complets entre 1992 et 2013. C’était un groupe sans guitare, sans boîte à rythmes ni basse électrique, complètement différent d’Aroma di Amore. Il avait plus de choses en commun avec les Pogues, les Negresses Vertes ou Gavin Friday and the Man Seezer. De Legende utilisait un piano, une contrebasse, une batterie, un violon, une mandoline et un saxophone.

—Bange Konijnen, un groupe de new wave belge satirique, est l’un des curieux projets d’Elvis Peeters and de Fred Angst. Dans la partie francophone de la Belgique, il s’appelait Lapin Lapin. Vous pouvez nous expliquer ?

—Fred Angst : En 1986, la Belgique a remporté le concours de l’Eurovision (« J’aime la vie » de Sandra Kim) et on voulait parodier ce morceau. On a donné quelques concerts avec des amis, mais comme il s’agissait d’une simple blague, on a laissé tomber le projet.

—Fred, tu travailles actuellement sur Zool., dont l’album est sorti l’année dernière. Comment décrirais-tu ce projet ? Dernièrement, tes anciens projets, (Nasca et Fred A.) ont également attiré l’attention. Tu nous en parles ?

—Fred Angst : Zool. est un concept dans lequel je crée de la musique instrumentale, quelque part entre l’ambient, le post-rock, le dub et l’electronica. Depuis 2003, Zool. a sorti cinq albums, le dernier en 2021, et cette année un split avec Butsenzeller sortira sur Consouling Sounds.
Ces dernières années, des albums plus anciens de Nasca en Fred A. sont également sortis.

—Sur Facebook, j’ai vu que Lo Meulen a également un projet solo.

—Lo Meulen : J’ai sorti quelques chansons depuis qu’Aroma di Amore a cessé de sortir de la musique. Actuellement, je bosse avec Elvis sur un nouveau projet, Zeer Kleine Speeldoos (qui signifie « très petite boîte à musique ») ou ZKS, qui sortira un single et un EP en mai-juin 2022.

—Que peut-on attendre de votre concert au Sinner’s Day ?

—Fred Angst : Nous allons jouer le best of d’Aroma des années 80, avec un guitariste supplémentaire et un saxophoniste. Et Onderstroom va sortir un coffret de 7 albums, avec toute la musique d’Aroma des années 80.

 

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