Le Paraíso, qui a eu lieu le 14 et le 15 juin sur le Campus de l’Universidad Complutense de Madrid, a été grandement salué par la critique et le public, qui ne comptait pas moins de 25 000 participants. Le festival offrait presque un jour complet de musique, réparti entre le vendredi et le samedi. Nous, égoïstes musicaux que nous sommes, avons été présents 22 heures des 23 heures de sa durée. Jamais on ne se pardonnera d’avoir raté cette première heure.
Vendredi
On commence le vendredi avec la scène Nido, qui se concentre sur des artistes issus de la scène madrilène. Pedro D. & Suso Saiz ouvrent l’édition avec leur projet Bcosof Live Remixes. Pour ceux qui ne le savent pas, Bcosof est une plateforme consacrée à la musique et à l’art où on peut trouver l’œuvre des artistes susmentionnés. On est peu nombreux à s’assoir pour assister à cette session particulière sous le soleil ardent de Madrid. On se délecte avec un début très ambient, où le protagoniste est Steve Reich. On peut écouter ses versions comme « Pulse-Sections I-X-Pulse » et « Music for 18 Musicians ». Ils continuent avec « Amitaba » de The Buddhist Monks et entre autres, « Lights » de Catalynx et la très hypnotique « A sort of Homecoming » de Paul Keeley. Un grand début.
Sur la scène principale, appelée Paraíso, commence Maribou State, l’un des artistes qu’on a le plus envie de voir. Quatre musiciens commencent avec « Feel Good ». Pour le second morceau, la magnifique « Nervous Ticks » sort la chanteuse Holly Walker. Les morceaux de Portraits et de Kingdoms in Colour, s’égrènent peu à peu : « Steal », « Kingdom », « The Clown », « Vale » et « Turnsmill ». Ils nous laissent sur notre faim.
On se rend ensuite au Club pour voir la dernière demi-heure du live de Jacques Greene, qui, quand on arrive, est en train de jouer son morceau « Perlant ». De l’album Feel Infinite, datant d’il y a quelques années, on peut écouter « Feel Infinite », « I Won’t Judge ». Il termine ensuite avec son remix de « White Ferrari » de Frank Ocean. Bon son, et il nous motive. On a envie de voir son live en entier la prochaine fois.
Alors que se prépare la scène pour l’artiste suivant, on en profite pour manger un morceau, ce qui est rapide et facile. Armés d’un hamburger, on s’assoit pour voir au loin le début du concert de la rapeuse (qui fait bien plus que du rap) IAMDDB. Accompagnée d’un DJ, elle fait sauter tout le public du Club. On finit de manger en vitesse pour participer à la fête quand retentissent « Ooo », le morceau bien reçu « Shade », « Moonlight » (où elle demande aux gens de chanter le refrain avec elle), et « More ». Même si ce n’est pas notre truc, son show nous plaît assez.
On ne bouge pas du Club en attendant l’arrivée de Moscoman, l’un de nos plats de résistance de la journée. Il commence avec des morceaux de ses compatriotes, Red Axes, avec « Phu Quok » et ses influences arabes. Pendant ses deux heures de session, on peut écouter le remix d’Erol Alkan du « Cover Me » de Depeche Mode, le célèbre morceau « La Mezcla » de Michel Cleis Feat. Totó La Momposina. Il joue ensuite un de ses morceaux, « Rubab » qu’il a composé avec The Organism. À un moment, il feint de s’en aller, mais revient pour nous en mettre plein les oreilles. Après tant d’électro aux influences arabes et disco bizarre, il passe à des morceaux acid, qui sont de rigueur, et balance même un peu de flamenco, comme pour dire : je sais que je suis en Espagne. Il termine de façon élégante, avec un remix de « Sing it back » de Moloko et le « I Feel Love » de Donna Summer. Délicieux.
Je pars en courant pour ne pas arriver tard au véritable plat de résistance de la soirée, Cerrone, et dans la confusion, je perds mes amis. Au moins, j’arrive juste pour le début de « Back Track » et la célèbre « Love in C Minor ». Il envoie tous ses grands hits : « Give me love », « Love is the answer », bien que les voix soient préenregistrées, car pendant la première partie, il est seul sur la scène, accompagné d’un autre musicien à la programmation. Pendant que résonnent « Rocket in the pockets » ou « Strip-Tease » (qui capture le ton ludique et festif de sa musique) la musique est accompagnée d’images de Cerrone des années 70. Pour « Je suis Music », enfin, arrive une chanteuse qui chante plusieurs morceaux, comme « Hooked on you » et la dernière « Supernature » pour laquelle Cerrone se met à la batterie. À dire vrai, on attendait beaucoup de son concert. Bien que le show soit bon, seules les 15 dernières minutes nous font vibrer.
Comme on a déjà vu Talabot quelques fois (il est célèbre à Milan), on choisit de continuer avec Orpheus The Wizard (qu’on avait vu un moment pendant le Primavera Sound). Sa session est agrémentée de visuels du sol qui se lève au-dessus de la mer, qui allaient parfaitement bien avec sa musique. On danse sur « Don’t Cry » de Andrey Subbotin, « Freak Out » de Supadelics, « Butterfly Effect » de Cammel, « Standing in the Rain » de Don Raye, « Frogz Ov Gondwana » de River Yarra et le fantastique morceau, tristement oublié « 7 ways to Love » de Cola Boy. Il termine avec une partie plus dure, presque EBM, dont on lui sera toujours reconnaissants. Assez bien.
On termine ensuite avec Kink. Bien qu’il ne joue pas notre style de musique préféré, sa Boiler Room est carrément hypnotique, et on voulait, enfin, voir son live. Armé de son clavier et d’autres gadgets, il nous régale de ses productions, comme « Perth », « Raw », ou « To Love You ». Le public donne tout, comme lui, et comme pour la majeure partie des sessions du Club, le son est bon. À 5h30, le son se coupe et vient le moment de chercher mes amis et de rentrer chez moi. C’était une grande journée, et c’était difficile d’imaginer que la suivante allait être encore mieux.
Samedi
Le samedi, on arrive juste à temps pour le début du duo espagnol North State. La fratrie Vehí a sorti son disque, Before the Silence, le jour précédent, et leur concert en est une présentation parfaite. Chantant tantôt l’un, tantôt l’autre, ils jouent les morceaux de ce disque ainsi qu’un morceau qui n’est pas encore sorti. Ils ajoutent qu’il est possible qu’ils nous offrent ce morceau en cadeau pour le mois de septembre. Ils finissent avec leur tube « PC Age ». Assez bien.
On se rend ensuite au Manifesto, qui sera pratiquement notre demeure pendant le reste du festival. La programmation y a prévu des DJ assez éclectiques qui nous ont fait danser pendant le reste du festival.
On arrive pour Kalabrese (on rate vingt minutes environ), paré comme s’il venait de se lever après sa sieste, et qui mixe du house. On commence à danser et très vite, pour notre grande surprise, il lance le morceau immortel « The World is a Ghetto » de War, qui est suivi d’un de ses morceaux, « Dance Yourself Clean », qui nous donne de l’énergie pour le reste de la journée. Les gens dansent bien pour l’heure avancée (à peine vingt heures en un jour ensoleillé). Il continue avec « Capriccio Italien Op. 45″ de The Synthesizer, le fantastique remix de Joey Negro de « Spanish Hustle » de The Fatback Band, un peu de salsa, de la house au son des années 90, et un remix de « Girlfriend is Better » de Talking Heads. Pour sa ligne droite finale, il prend le micro pour chanter et continue sa sélection éclectique avec le « Pull Up To the Bumper » de notre adorée Grace Jones et un morceau de The Cure pour finir. Très divertissant, parmi les meilleures sessions qu’on a vues.
On reste au Manifesto pour continuer avec Max Abysmal qui nous submerge dans une mer de percussions avec « Africa » de Mr. Raoul K, suivi de Anatolian Weapons et leur « A Strange light from the East » qui est mixé avec « Peru » d’Alejando Castelli. Il nous délecte de classiques comme « Cuando Brilla La Luna » de Morenas et le remix de Mr. Marvin de « Oempa-Loempa » de Aquastep, deux morceaux de 1992, année qui paraît si lointaine. Ensuite, il continue avec les omniprésents Red Axes et leur « Kicks Out of You », « Black Jaguar » d’Alex Clavijo and Bassel Darwish, le new beat de Black Merlin et son « Burn It ». Il passe même un morceau d’Avalon Emerson, « One more Fluorescent Rush », le « Clean-Cut » de Juju and Jordash, le français Bufiman avec son « Running (The Chase) ». Pour le final, on a droit à « Egyptian Disco » de DJ Disse et le morceau des années 80 « Love in Motion » de 1000 Ohm. Bien, assez bien.
Arrive enfin le moment d’aller à la scène principale pour voir Charlotte Gainsbourg. L’année dernière, on a assisté à un incroyable concert de sa mère, Jane Birkin et on se réjouissait de voir ce concert. Assisse à son piano, elle commence avec « Lying with you » et, tristement, avec un son assez mauvais. La chose s’arrange un peu à partir du troisième morceau, mais jamais le concert n’eut le son qu’il aurait dû avoir. Le morceau génial « I’m a lie » est suivi de « Heaven can Wait », « Sylvia Says », « Paradisco » et la célèbre « Deadly Valentine ». On adore la mise en scène, avec des cadres qui occupent la scène. Elle, tout comme le groupe qui l’accompagne, est fantastique, c’est dommage que le son ne lui fasse pas honneur. Le souvenir de l’éternel Serge arrive avec « Lemon Incest » que Charlotte enregistre avec son père en 1984.
On retourne au Manifesto d’où on ne partira plus de tout le reste de la nuit, pour voir la moitié de la session de Millos Kaiser, brésilien qui, faisant honneur à sa nationalité, mixe un morceau de Jorge Ben quand on arrive. C’est une autre session très divertissante, où on entend « N-Haler » de Donnie Tempo, « Mongungi » de Maroochy Barambah, « Sunshower » de Nami Shimada, « Space Sound to Dance » de Fernando Abreu, un peu de techno pop espagnol qu’on n’arrive pas à reconnaître, et un grand classique, « Lindo Lago do Amor » de Gonzaguinha, fils du célèbre Luis Gonzaga. Très bien, on le note pour plus tard.
Vient le tour d’un de nos DJ préféré, l’inégalé Motor City Drum Ensemble, qui rassemble le plus de personnes ce jour-là devant cette scène. On a un peu de mal à trouver un endroit où danser sans être trop dérangés, mais dès que c’est le cas, on profite à fond de sa session. On écoute The Beloved, de l’époque où ils faisaient de l’acid avec « Acid Love », un peu de disco avec Midway et leur classique « Set It Out », et le « Disco Computer » de Transvolta. Il continue ensuite avec le génie de la guitare, Dennis Coffey et son « Wings Of Fire », le « Making Love Will Keep You Fit » de Brenda Harris, Venus Dodson, collaboratrice du grand Leroy Burgess avec son « Shining ». On avance un peu dans le temps pour arriver de nouveau aux années 90 avec « Samba » de House of Gypsies, l’un des mille projets de Todd Terry pour ensuite revenir de nouveau aux années 80, avec Quango Quango et son « Love Tempo ». Ensuite, on va au-delà, avec le space disco de Blush et leu « Lift Off », la disco de Hott City et son « Feeling Love », et un morceau d’acid de l’éternel Armando, « Downfall ». Mais l’un des moments de la nuit est sans aucun doute une version en espagnol de « I Feel Love », chantée par tout le public présent devant la scène. Très bien, comme toujours.
Beaucoup de gens vont voir Laurent Garnier sur la scène principale, mais on est sur une autre onde à ce moment-là, et on préfère continuer avec Antal, sans bouger du Manifesto. Il démarre avec un remix de Dimitri from Paris du « Needin’ U » de The Face Vs. Mark Brown and Adam Shaw. Il continue ensuite avec « Fire » de Osibisa, groupe duquel on est très fan. On réécoute de nouveau le « Spanish Hustle » remixé par Joey Negro, et un poco de latin disco avec le remix de Gerd Janson du « Heaven » des Gibson Brothers. Parmi les morceaux modernes, il faut souligner « Only Human » de KH (ou Kieran Hebden, aussi connu sous le nom de For Tet). En voyant le visage d’Antal et pendant que sonne l’amusant morceau « Disko-Kebap » de Urfalı Babi, on se demande s’il a des racines arabes. On continue en Turquie avec Nazan Åžoray et son « Halhal » pour ensuite retourner en Italie avec Walter Martino et son « What Love Can Do », qui fait partie de la bande-son du film Parano. Encore plus de disco avec Madleen Kane et son « Forbidden Love », Pockets et « Come Go with Me », remixé par le grand Joey Negro. Du même nom, mais avec son projet différent, Prospect Park, on entend ensuite « Till You Surrender » et « Starlight » d’Index. Avec le « Can’t Let Go » de Chocolate Buttermilk Band on se rend compte que c’est presque la fin, mais qu’on va tout donner. On continue avec du disco, le « That’s all » d’Ingram, et l’un des moments de la nuit, el « Stuff Like That » de Quincy Jones. Une session fantastique qui n’a qu’un seul problème : une baisse de son presque à la fin, qui est heureusement solutionnée.
En résumé, c’est un week-end fantastique rempli de bonne musique. Le festival doit encore résoudre quelques problèmes de son, tout particulièrement pour la scène Paraíso, et trouver une façon de ne pas couper les sessions finales de façon ausis brusque. En général, c’est une deuxième édition très bien soignée. On espère que le Paraíso dure plus longtemps qu’Adam et Ève.
Photos : fournies par le Paraíso Festival