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Haujobb : “Je suis un maniaque du contrôle, surtout sur scène”

par Violeta

Si on devait résumer l’électronique des années 90 en quelques disques, la discographie des Allemands Haujobb serait parfaite. Le duo a réussi à naviguer entre les différents genres de l’électronique tout en menant à flot son label. On a parlé avec Daniel Myer et Dejan Samardzic quelques jours avant leur époustouflante performance au Sinner’s Day.

—Quand avez-vous créé Haujobb, pourquoi avez-vous choisi un nom en rapport avec Blade Runner ?

—On était tout simplement fascinés par le thème du film et par la signification du terme « Haujobb ». En réalité, on a mal compris le terme « Hautjob », qui signifie « humanoïde ». À nos yeux, haujob avait une signification similaire (Prügeljob- Beatjob) et on aimait que ce terme péjoratif qualifie quelque chose qui n’existait pas encore.

—Dans une interview, vous avez révélé que vos albums préférés étaient A shocking hobby de Speedy J, Violator de Depeche Modeet Too Dark Park de Skinny Puppy. Que trouvez-vous de remarquable dans ces œuvres ? Pensez-vous que ces albums ont influencé votre travail ?

—DS : Au fil des ans, les goûts et les couleurs changent. Je suis certain que Daniel a d’autres albums préférés à présent. Par exemple, l’un de mes préférés était aussi Violator, mais après toutes ces années, j’ai changé d’avis. Aujourd’hui, je dirais qu’il s’agit de Black Celebration suivi de Music For The Masses.

—DM : Je dirais que ce sont probablement les plus influents de notre histoire musicale. En tout cas, en ce qui me concerne. Et aussi les premières sorties de Photek, bien sûr. J’aime toujours Speedy J et Skinny Puppy, par exemple. Mais à l’époque, on était surtout des consommateurs, des fans de musique et de musique électronique en général.

Homes and Gardens, votre premier album d’EBM, est sorti en 1993. Je suppose que l’EBM occupait une place importante en Allemagne à l’époque ? De quoi vous êtes-vous inspirés pour la compo de cet album ? Les critiques et vous-même avez toujours fait référence à Skinny Puppy.

—DS : Skinny Puppy a grandement influé la création du groupe en général. Et c’est là que Too Dark Park a joué un rôle énorme. J’avais à peu près 18 ans quand je l’ai écouté pour la première fois. J’avais encore jamais rien entendu de tel.

—DM : Idem. J’ai adoré la dureté et la complexité de Skinny Puppy, mais aussi des groupes plus dansants comme Leatherstrip ou Front Line Assembly. Tout ça était assez nouveau pour nous. Seul Björn a écouté cette musique plus longtemps que Dejan et moi-même. Pour nous, c’était un nouveau monde de sons et de thèmes.

—En dehors de l’inclusion de guitares, dans Freeze Frame Reality, on retrouve cette influence de l’IDM qui vous a aidés à créer le son du groupe. Quand avez-vous commencé à écouter de l’IDM ? Ce genre était-il considéré comme appartenant à la scène EBM ?

—DS : Dans les années 90, il existait une tonne de genres de musiques que certains appellent IDM. L’IDM était partout. C’était une tendance. Une grande partie de la musique n’a pas bien vieilli, je pense. Étonnamment, les années 80 semblent vieillir beaucoup mieux.

—DM : Je ne suis pas d’accord, car Aphex Twin et Autechre ont très bien vieilli, du moins à mes oreilles. Nous avons commencé cet album en 93 et WARP venait d’atteindre son apogée, je pense, du moins pour nous. À l’époque, on se lassait très vite d’un style de musique. C’est toujours valable aujourd’hui, je suppose que c’est pour cette raisons que tous nos disques ont un son différent. En fait, j’étais déjà DJ et je découvrais beaucoup de nouvelles musiques chaque semaine, en explorant les magasins de disques de notre ville. On a également ouvert notre propre club techno avec des amis à Bielefeld, appelé Neuroserve, à cette époque…

—Dans la critique d’Allmusic de Solutions for a Small Planet, l’auteur pense que certains éléments de l’album rappellent peut-être le remixage que vous avez effectué entre cet album et votre deuxième. Êtes-vous d’accord ou pensez-vous que c’était la suite logique après Freeze Frame Reality ?

—DS : Bien sûr. Tout en faisant quelques remixes, on travaillait sur l’album. Notre travail sur l’album a influencé les remixes, et non l’inverse.

—DM : Je dois ajouter qu’on a également changé presque tout notre équipement de Freeze Frame à Solutions avec le départ de Björn, qui possédait le sampler ARS10 et l’EmaxII, les principales sources sonores de nos deux premiers albums. Donc oui, la critique est plutôt bien rédigée. À partir de Solutions, on a utilisé un Akai S3000XL pour la manipulation du son.

—En 1997, vous avez sorti Matrix un album de remixes de Solutions for a Small Planet avec un deuxième album de samples, loops, kick drums, snares. Quel était le but de ce disque ? Montrer le matériel utilisé ou simplement aider d’autres producteurs ?

—DS : Je pense que c’était les deux. —DM : Oui, je suis d’accord.

—J’ai été vraiment surpris de lire : « On a pété les plombs avec notre quatrième album Ninetynine. On a mélangé Ambient, Trip-Hop, Jungle et on a perdu tous nos fans. Les sites de fans ont fermé à cause de l’album, dans une interview, on disait même nous détester. » J’ai toujours pensé que les fans de musique électronique avaient l’esprit ouvert. Comment s’est déroulée la création de cet album polémique ? De quoi vous êtes-vous inspirés ? Qu’est-ce que les fans ont le plus détesté, l’Ambient ou les éléments du Jungle ?

—DS : Avec le recul, cet album a eu des conséquences positives. Cela a pris du temps, mais on nous respecte désormais, car on a fait ce que bon nous semblait. On a fait sortir les gens de leur bulle. On les a réveillés. On a désormais une fanbase de grande « qualité », des gens qui réfléchissent, et pas seulement des amateurs de discothèques, qui veulent juste danser toute la nuit, quelle que soit la musique diffusée. Donc, je dirais que l’album était important à long terme.

—Avec Polarity, on constate un retour à votre son original. Vouliez-vous retrouver vos fans ou vous êtes-vous fatigués de la drum n’ bass et de l’ambient ? Que pensez-vous de la scène drum n bass actuelle ?

—DS : Polarity a plus de drum & bass que Ninetynine. Je pense qu’on a tout simplement eu une envie de changement, comme toujours. On est pas faits pour refaire le même album, encore et encore.

 Polarity est beaucoup plus axé sur les chansons que les albums précédents.

—DM : Je compose toujours un morceau de Drum & Bass de temps en temps. J’aime bien, d’une certaine manière, que le tempo soit si limité, mais on peut être très créatif… J’adorerais composer un autre album de Dots & Dashes avec Dejan. J’adore son travail pour ce projet.

Vertical Theory est presque un « disque pour piste de danse selon Haujobb » Tu es DJ depuis longtemps, avant même que le groupe soit créé, non ? Cette expérience t’a-t-elle influencé lors de la compo de l’album ? As-tu souvent joué tes morceaux lors de tes sessions ?

—DM : Je pense que cet album a constitué un gros changement, car c’était le premier album que j’ai entrepris seul. Dejan était un peu fatigué de moi et de Haujobb, je pense. Au final, il a aimé les premières démos et depuis toutes ces années, ce lien nous unit en quelque sorte. C’était notre premier album sur laptop. C’est peut-être pour cela qu’il est un peu plus « simple » et « dansant » que les précédents…

—Comment s’est passée la collaboration avec d’autres musiciens dans New World March ? On retrouve Manuel G. Richter, Andreas Meyer and Achim Färber, entre autres, sur certains morceaux.

—DS : C’est toujours agréable de travailler avec des gens talentueux et bons. C’est pourquoi l’album a été ressenti comme un « grand projet ». C’est mon préféré jusqu’à présent.

—DM : Pour moi, il est de plus en plus important d’obtenir des avis et des contributions extérieurs au processus. J’aime montrer à mes amis ce sur quoi je bosse pour avoir leur avis. Ou de travailler avec certaines personnes sur certains projets.

—Dans Blendwerk, on retrouve beaucoup de colère. Comme tu l’as expliqué, Daniel, elle a été provoquée par ton ex-femme. Lorsque vous composez, pensez-vous à l’ambiance du morceau avant, ou est-ce qu’elle se développe petit à petit ? Et quand ajoutez-vous/faites-vous les voix ?

—DS : J’adore ajouter les voix au plus vite. La chanson prend tout son sens quand on peut la construire autour d’elles.

—DM : La colère concernait essentiellement les femmes dans ma vie, à cette époque. Tout est arrivé si vite et j’ai complètement changé de vie en l’espace d’un an environ… la vie, c’est de la merde ! Hahaha.

—Depuis Blendwerk, vous n’avez plus rien sorti. Qu’en est-il de l’album à base de samples qui serait en cours de réalisation ?

—DS : On y arrive. —DM : Oui, il est en cours.

—Avec Dejan Samardzic, vous avez également enregistré un album et quelques EP sous le nom de Dots+Dashes en 1997-98. C’était votre projet Drum n Bass ?

—DM : C’était notre projet et comme je l’ai dit plus tôt, j’aimerais qu’on le continue. Je sors également sous l’aka de Hexer de temps en temps…

—Daniel, tu as composé une bande-son pour un jeu vidéo, Tao Feng : Fist of the Lotus. Comment s’est déroulé le projet ? As-tu travaillé différemment ?

—DM : Carrément. Ils m’ont engagé à cause de ma musique et au final, ils voulaient un résultat qui n’avait rien à voir. Ça ne me dérangeait pas. J’étais très bien payé.

—Que peux-tu nous dire sur ton festival Planet Myer Day ? Vas-tu à nouveau l’organiser après la pandémie ?

—DM : Oui, la prochaine édition aura lieu le 28 janvier 2022.

—Continuons avec les questions sur les projets secondaires. Peux-tu nous parler de Cleaner/Cleen ? J’ai acheté ces albums pendant la pandémie, je suis plutôt curieux à leur sujet.

—DM : C’était essentiellement des restes de Haujobb. J’étais le seul à travailler sur la musique à plein temps et j’avais besoin d’un exutoire. Je ne suis pas très satisfait de certaines sorties, mais d’autres sont quand même assez cool.

—Nous aimerions également parler de ton travail en tant qu’Architect. Sous ce nom, tu as sorti quelques albums. Comment choisis-tu la musique à publier sous Architect ?

—DM : C’est simple. Je fais ce que je veux.

—Je t’ai vu il y a quelques années avecton projet Liebknecht en première partie de Nitzer Ebb. J’ai adoré ta musique. Je suppose que c’est l’un de tes principaux centres d’intérêt maintenant. Tu peux nous en dire un peu plus ? Au début, tu ne voulais pas sortir d’albums sous ce nom, n’est-ce pas ?

—DM : Liebknecht est censé être mon projet de dance music. Je voulais juste faire une chanson par-ci par-là, mais ça a fini par être très amusant. J’ai également apprécié de travailler avec Rinaldo. Il m’envoyait toujours des sons et à la fin, je lui ai simplement demandé de me rejoindre sur scène. Pour l’avenir, on a prévu beaucoup de choses qui suscitent beaucoup d’attention, pas seulement sur « notre » scène.

—Daniel, tu fais à nouveau partie de Covenant, n’est-ce pas ? Ça te fait quoi, de faire partie d’un groupe ?

—DM : C’est parfois la meilleure chose au monde, parfois la pire. Je suis un maniaque du contrôle, surtout sur scène. Et en studio. Je travaille sans cesse sur un morceau, avant de penser qu’il est terminé. Avec Covenant, je suis obligé de lâcher prise. C’est agréable d’une certaine manière, mais parfois c’est aussi frustrant, parce que procéderais d’une manière radicalement différente pour beaucoup de choses.

—Comment se porte votre label Basic Unit Production ?

—DS : Il n’est plus très actif. Nous avons eu l’impression de ne pas avoir réussi à aider les groupes de manière significative, à l’exception de Black Nail Cabaret qui se débrouille bien et dont je suis fier.

—Que peut-on attendre de votre concert au Sinner’s Day ? Vous avez dit que vous alliez arrêter de jouer en live en tant que Haujobb, ce concert sera-t-il une exception ? Vous avez joué au festival E-Only récemment.

—DM : On ne peut pas s’arrêter. On parle beaucoup dans le feu de l’action. On continuera… Ce set sera très court, mais intense. Je vais DJ quelques nuits avant à Berlin pour un public super branché, et j’ai hâte de transmettre ce niveau d’énergie sur scène en Belgique…

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