Theatre Of Cruelty est le nouveau disque du projet de power electronics/industrial HIV+, et aussi le premier disque sorti en solo depuis le We are all Haunted Houses (2007). Le nouveau travail du musicien espagnol résident en France est un hommage à Antonin Artaud, le poète, acteur et dramaturge auteur de Théâtre de la cruauté. On peut comparer HIV+ à Artaud, car il tente de créer une œuvre au contenu hautement émotionnel et révulsif, qui va bien au-delà de simples bruits inoffensifs. En outre, Theatre Of Cruelty a également été enregistré à l’aide de vieux synthés Korg uniquement, ce qui confère au disque une certaine atemporalité. L’édition sur vinyle et CD est publiée sur Unknown Pleasures Records, tandis que l’édition sur cassette est publiée par Industrial Complexx.
L’œuvre de HIV+ compte toujours sur une pléthore de collaborations. On ne pourrait pas demander mieux que celles qui figurent dans ce disque : de Marc Hurtado, l’un des frères d’Etant Donnés qui a enregistré des disques avec Alan Vega et Lydia Lunch, en passant par Marc Caro, directeur de Delicatessen et de la Cité des enfants perdus, le guitariste Alice Botté (qui a sorti un disque sur Unknown Pleasure), Phil Von (membre de Von Magnet), Emmanuel Hubaut (des Tétines Noires) et Barkosina (de Years Of Denial, l’un des groupes qu’on écoute le plus dernièrement).
Le disque commence sur un long morceau intitulé « Amour », qui compte sur la présence de la voix caverneuse et profonde de Marc Hurtado. Une voix qui semble sortie tout droit de l’Enfer, et qui apporte avec elle les cris des innocents condamnés à souffrir éternellement. HIV+ accompagne cette voix avec un rythme électronique répétitif agrémenté de petites tornades électriques. Sur le deuxième morceau, on retrouve l’imposante Barkosina Yod qui lit un collage de From The Nerve Meter, sur un fond indus. Dans « Pour en Finir avec le Jugement de Dieu » règnent des vrombissements inquiétants et des samples de voix, ainsi qu’une sensation perpétuelle d’angoisse. Dans « Extase », Phil Von chante avec théâtralité et semble atteindre l’orgasme, tandis que le fond musical gagne en intensité, et semble presque être un orchestre industriel. C’est mon morceau préféré d’un point de vue musical.
« L’Amour Sans Trève » compte de nouveau sur la présence de Marc Hurtado, ici avec une voix plus susurrante, avec des échos malsains et un fond musical répétitif et lancinant. Dans la sombre et inquiétante « Injection » on retrouve la voix distorsionnée de Marc Caro. Dans ce morceau, les synthés à la fin augmentent la sensation de menace. On a également la sensation d’être perdu dans le temps, tout comme dans la musique de Leyland Kirby. On retrouve cependant des sons d’indus plus classiques dans « Médecine », l’un des deux morceaux sur lesquels HIV+ est seul. « Limbes » est un morceau plus ambient avec des sons clairs de synthés, un véritable havre de paix en comparaison avec l’enfer sonore du disque. « Ombilic » est quant à lui d’un des morceaux les plus malsains et terrifiants, où l’on retrouve la voix cauchemardesque d’Emmanuel Hubaut et la collaboration d’Alice Botté. « Artaud le Momo », a pour fond sonore la distorsion de la guitare d’Alice, également présent dans le dernier morceau, « Pulsation », avec des samples de voix de pilotes et la sensation continue de danger.
Artaud disait qu’il voulait écrire un livre qui rendrait fous les hommes, qui serait une porte ouverte capable de les emmener dans un lieu où jamais personne n’aurait accepté de se rendre, une porte liée à la réalité. Il ne fait aucun doute que Pedro Robles y Peñas a eu la même intention, et il ne fait également aucun doute qu’il y est parvenu avec brio.