L’unique brigade anti-vice qu’on aime chez le Garaje est un groupe de punk anglais créé à Bristol en 1978. Comme on va bientôt les voir en concert, on en a profité pour interviewer Beki Bondage, la charismatique chanteuse. Leur premier concert à Madrid aura lieu le 13 juin février dans la salle But, à l’occasion de la quatrième édition du No Future Fest. Vous pouvez acheter vos tickets à Potencial Hardcore, Escridiscos, Punk Rocketz et Chopper Monster et ici.
—Beki, comment es-tu devenue membre de Vice Squad (je veux dire, ce qui est par la suite devenu Vice Squad comme le nom était ton idée) ? Comment as-tu rencontré les autres membres ?
—J’ai vu une annonce d’un groupe qui cherchait une chanteuse dans le magasin Revolver Records à Bristol et suis allée rencontrer Dave Bateman, le guitariste d’origine qui est malheureusement décédé en décembre 2007, et le batteur Shane Baldwin. Ils m’ont dit que j’avais une bonne voix et une bonne image. Mark Hambly s’est ensuite joint en tant que bassiste et on a commencé à répéter dans le garage de ses parents. J’ai pensé au nom de Vice Squad que le reste du groupe aimait et on a donné notre premier concert quand j’étais encore à l’école, donc c’était plutôt cool.
—À la fin des années 70, il existait des groupes punk avec des filles, comme Penetration, The Slits, The Raincoats, X-Ray Spex, Patti Smith and Siouxsie and the Banshees. Aimais-tu leur musique ou les connaissais-tu en personne ?
—J’aimais leur musique, en particulier les voix de Poly et Pauline (Penetration). Je ne connaissais personnellement aucun d’entre eux lorsque j’ai commencé à chanter, mais dans les années qui ont suivi, j’ai rencontré Ari Upp, Siouxsie et Pauline.
—« Humane » (1982) est la première chanson du groupe sur les droits des animaux. Comment le véganisme était-il vu à l’époque dans la scène punk ?
—Il existait quelques punks vegan dans les années 80 mais il y en a beaucoup plus aujourd’hui. À l’époque, il était beaucoup plus difficile de se procurer de la nourriture végétalienne et j’avais l’habitude de me passer de nourriture lors de nos tournées. Les gens se moquaient de moi pour mes croyances en matière de droits des animaux, mais ces gens ne sont plus des punks.
—Stand Strong Stand Proud est considéré comme le meilleur album du line-up d’origine. Es-tu d’accord avec ça ?
—No Cause est plus agressif mais le son général est assez affreux tandis que Stand Strong sonne un peu trop « pop » à mon goût, mais la composition est meilleure. Je préfère de loin les albums les plus récents comme London Underground, mais c’est normal car on progresse. Je pense que les deux premiers albums sont OK quand on considère à quel point on était jeunes et inexpérimentés lors de leur composition. La musique était brute parce qu’on était très jeunes, c’est-à-dire encore à l’école et vivant avec nos parents. Je pense que l’incompétence est plutôt charmante dans les groupes d’adolescents mais irritante pour les groupes plus âgés qui utilisent l’étiquette « punk » comme excuse pour être paresseux. On était tous autodidactes, donc on a fini par avoir un son tout à fait unique.
—Vice Squad a lancé deux labels, le premier Riot City Records et maintenant Last Rockers Records. Je suppose que c’est mieux que de dépendre d’un label, non ? Le groupe a-t-il pensé à publier les disques des autres ?
—On ne possède pas Riot City Records, j’ai trouvé le nom et on était le premier groupe (et celui avec le plus du succès) chez le label mais il ne nous appartenait pas, il appartenait à Simon Edwards de Heartbeat Music. Last Rockers est notre propre label, il est à nous, on doit donc faire tout le travail ! C’est un tout petit label DIY donc on ne pense pas publier le travail d’autres.
—Dans les années 80, Paul et toi, Beki, vous faisiez partie des Bombshells, un groupe de hard rock. Tu as toujours dit que cette époque avait été très difficile. Comment le groupe a-t-il été reçu, étant donné qu’il avait une chanteuse venue du punk ?
—On a fini par repartir du bas, et on jouait dans les pubs le lundi soir pour gagner de l’argent, personne ne savait qui j’étais et j’ai apprécié l’anonymat. On a travaillé très dur et on faisait tout nous-mêmes, alors j’ai conservé mon éthique punk. Même si c’était difficile et que j’étais pauvre, on a passé de très bons moments et cela m’a permis de développer ma voix et d’affiner mon écriture.
—Le premier album de la nouvelle incarnation du groupe est Get a Life. Comment a été accueilli ce retour sur la scène punk ?
—Curieusement, les gens me disent qu’ils aiment cet album maintenant, mais je ne me souviens pas qu’il ait été bien reçu à l’époque. On l’a enregistré chez moi, donc c’est un album DIY et j’aime toujours certaines chansons, en particulier « Business As Usual » et « Westend Stars ».
—Rich and Famous, votre disque avec EMI est plus pop. La compagnie vous a-t-elle poussé à essayer d’écrire des singles ou à avoir un son moins punk ?
—Non, EMI ne nous a rien dit. C’est la faute de Paul, il aime beaucoup de trucs pop et a insisté pour ajouter toutes sortes de sons étranges. Maintenant c’est moi qui ai le dernier mot sur les chansons qui figureront sur nos albums !
—Impossible de reprocher au groupe de faire toujours le même album : Defiant avait un son plus métal. Le groupe écoutait-il plus de métal pendant ces années ?
—En effet, Defiant est définitivement plus lourd que les trucs précédents mais pour moi, ça ne ressemble pas à du métal, il a été écrit avec colère et frustration et on l’a capturé dans le son. On joue toujours la chanson-titre et « Voice of the People » en live. Cet album a bien fonctionné aux États-Unis, on a fait une séance de dédicace dans un magasin à L.A., et les gamins faisaient la queue sur plusieurs pâtés de maisons pour faire signer leurs CD et affiches de Defiant. On pensait que ça allait se passer comme dans le film Spinal Tap, et que personne n’allait venir. On a été très agréablement surpris lorsque tous ces gens sont venus nous voir.
—Au contraire, on revient au punk britannique avec London Underground (2009), est-ce un retour aux racines ? Comment définirais-tu le son du punk britannique ?
—London Underground s’est produit naturellement, il n’y a pas eu de décision consciente de le faire sonner old school, même si on a inclus une chanson qui porte ce nom. L’illustration de la pochette de Landon Armstrong est magnifique, on connaît deux personnes qui l’ont tatouée sur la poitrine et le dos. On joue toujours « Ordinary Girl », « Sniffing Glue » et « Starvation Box » en live. Je ne pense pas qu’on puisse définir un seul son de punk britannique car il existe plusieurs styles.
—Comment le groupe a-t-il commencé à sortir des EP de Noël ?
—On a fait les EP de Noël pour rire, les gens ont besoin de se réjouir à Noël car malheureusement c’est une mauvaise période pour beaucoup.
—On a interviewé quelques groupes qui ont financé leurs disques avec Pledge Music, mais votre campagne est la première à notre connaissance qui a également recueilli des fonds pour l’association caritative de sans-abris Shelter. Que peux-tu nous en dire ?
—L’album s’appelle Cardboard Country et on a eu cette idée car un quartier de Londres est connu sous le nom de « Cardboard City » (ville de carton) à cause de tous les sans-abri qui y dormaient dans des boîtes en carton. C’est un problème majeur au Royaume-Uni, c’est une situation honteuse dans un pays aussi riche. Ça nous semblait juste de faire don d’une partie des fonds de Pledge à Shelter, Shelter a aidé deux membres du groupe, donc on voulait aussi les soutenir.
—Comment le public punk a-t-il changé depuis les années 80 ?
—Ils sont plus âgés (évidemment) et parfois plus sages, certains sont toujours totalement punk tandis que d’autres aiment la musique et les vêtements mais ont une vie normale avec des emplois, des hypothèques et des familles. Certains ont des enfants qui aiment le punk et ils les amènent à des concerts, donc il y a une nouvelle génération de punks. Certains d’entre nous ne peuvent pas « sortir » du punk parce que les chansons politiques qu’on a écrites depuis la sécurité de nos chambres chez nos parents se sont avérées vraies. Par exemple, « Last Rockers » concerne la troisième guerre mondiale et on dirait bien qu’on se dirige vers cette direction.
—Que pouvez-vous nous dire du prochain album Battle of Britain ?
—Il très politique, très en colère et très provocant, tempéré par de gros riffs et des mélodies vocales. Je déteste l’injustice donc je trouve toujours des sources d’inspiration. Pour alléger l’atmosphère, on a ajouté « Pulling Teeth » qui critique ce qui reste de l’industrie musicale et qui parle la lutte pour essayer de garder un groupe, et « Ruination » sur les petits promoteurs/managers qui pensent être Peter Grant.
—Où trouves-tu l’inspiration pour les paroles du groupe ?
—Je suis constamment inspirée parce que le monde est un véritable merdier. Les dirigeants sont de plus en plus mauvais et les électeurs de plus en plus stupides. Alors que j’écris ça, l’Australie est en feu et a déjà perdu environ un demi-milliard d’animaux et Trump essaie de démarrer une Troisième Guerre mondiale, je ne manquerai pas de sujet de sitôt, malheureusement.
—Dans une interview à un groupe de ska punk espagnol, les membres ont dit qu’il était difficile de lutter contre le capitalisme et en même temps faire partie du système capitaliste. Qu’en penses-tu ?
—On fait tous partie du système, que cela nous plaise ou non, on ne peut pas reprocher aux gens d’essayer de vivre dans la situation dans laquelle ils se trouvent. Tout ce qu’on peut faire, c’est utiliser son argent, son intelligence et sa gentillesse au mieux. L’argent n’est pas le problème, l’amour de l’argent est le problème. L’agriculture industrielle en est probablement l’exemple le plus obscène. Je n’ai jamais compris l’extrême cupidité, l’un des plus grands plaisirs de la vie est d’aider les autres.
—Combien de fois le groupe a-t-il joué au Rebellion ? Quel est votre meilleur souvenir du festival ?
—Je suppose qu’on a joué au Rebellion, y compris quand il s’appelait Holidays In The Sun and Wasted, environ 18 ou 19 fois. Un de mes meilleurs souvenirs a été de jouer sur la scène extérieure en 2016, on a donné un concert fantastique et on avait un son exceptionnel.
—Le groupe a-t-il rencontré des problèmes lors de ses tournées à cause du Brexit ?
—Pas encore, mais ça posera problème lorsque nous quitterons l’UE. Je l’appelle Brexshit parce que je suis fatiguée des disputes à ce sujet. Ça a divisé le Royaume-Uni et personne ne semble savoir de quoi il est question.
—Le nouveau parti d’extrême droite a remporté de nombreux votes lors des dernières élections législatives espagnoles. Que pensez-vous des partis d’extrême droite en Europe ?
—Je pense qu’ils doivent être mitraillés par des Spitfires… des millions de personnes sont mortes en combattant le fascisme pendant la Seconde Guerre mondiale, il semble donc que les humains sont les animaux les plus stupides de la planète vu qu’ils continuent de répéter les mêmes horreurs.
—Que pensez-vous du trap ? Il semble que les jeunes préfèrent de nos jours le trap aux sons plus rock.
—Certains morceaux sont pas trop mal, les goûts et les couleurs changent, et beaucoup de nouveaux styles de musique sont en fait punk dans leur attitude et leurs paroles. Beaucoup de jeunes sont conscients du changement climatique et des droits des animaux, et c’est vraiment une bonne chose.
—Que pouvons-nous attendre de votre concert au No Future Fest ?
—Préparez-vous à beaucoup de bruit !