Bien que d’autres années nous ayons loué l’originalité de l’affiche du festival d’Utrecht, cette année il s’est surpassé avec une sélection surprenante, où toutes les musiques, de l’électronique la plus expérimentale à la musique arabe la plus classique, ont leur place. Du 9 au 12 novembre, dans la ville hollandaise, venez déguster un festin musical, préparé par des artistes aussi divers que variés, comme Perfume Genius, Grouper, Shabazz Palaces, Han Bennink et Jerusalem In My Heart.
Commençons par le nom le plus important : Pharoah Sanders est l’une des figures clés du free jazz, et ses disques Karma et Thembi sont des disques clés du genre. Bien que son concert au Blue Note de Milan m’ait un peu déçu, je compte bien ne pas le rater. Ancienne collaboratrice de Pharoah, Linda Sharrock sera la légende du jazz vocal de cette édition :toujours capable de surprendre avec ses concerts, elle nous démontrera que la musique emporte la victoire sur la vie.
L’électronique la plus expérimentale et la plus risquée provient, cette fois, du grand Ben Frost, qui présente un nouveau disque. Je me rappelle encore en frissonnant du live d’AURORA. Joueront aussi le français Prurient (également connu comme Vatican Shadow) ainsi que Pharmakon et son industriel noise. Le célèbre DJ et producteur James Holden sera présent avec son nouveau groupe, The Animal Spirits. Wolfgang Voigt et son projet GAS, ainsi que William Basinski donneront une note d’ambient classique.
Le côté le plus mélancolique de la musique sera représenté par Sun Kil Moon : le groupe de Mark Kozelek a réussi, grâce aux excellents disques qu’il a sortis, à nous faire oublier son projet antérieur, Red House Painters. Pour sa part, Mount Eerie présentera le disque dans lequel il parle de la mort récente de son épouse.
La World Music (et pourtant je déteste cette appellation) sera largement représentée : depuis le Liban, nous vient Abdel Karim Shaar, interprète classique de Karab. Farida & The Iraqi Maqam Ensemble perpétuent la tradition Maqam, comme leur nom l’indique. Le festival continue sa louable tâche de faire venir des artistes oubliés. Cette année, c’est au tour d’Ahmed Fakroun, qui a enregistré un disque en 1983, où se mélange funk, folk, synthétiseurs et musique arabe traditionnelle, tandis qu’Alanis Obomsawin jouera Bush Lady, disque dans lequel elle interprète la musique des Indiens. Représentante de la Chine, Liu Fang est une virtuose du pipa, instrument classique du pays du soleil levant. Une formation qui a également eu son moment de gloire dans les années 1990, Le Mystère des voix Bulgares, présentera aussi sa musique. Afin de constater que la world music n’appartient pas au passé, le présent sera représenté par la plus belle voix du Mali, Oumou Sangaré et par le groupe Les Amazones d’Afrique, avec des voix d’Afrique de l’Ouest.
La pop la plus originale sera représentée par Perfume Genius, accompagné par l’électronique noise de Liars, l’art-pop de Jenny Hval, le folk de Weyes Blood, l’inclassable Grouper, le dark folk d’Aldous Harding, les rythmes effrénés de tUnE-yArDs, le post-hardcore de Pissed Jeans et, entre autres, le post-punk de Protomartyr (après leur incroyable concert d’il y a deux ans).
Autre artiste qui revient : Keiji Haino. Il jouera seul d’une part et avec le batteur Han Bennink d’autre part (artiste qui réalisera un triplet, car il jouera en outre en solo et avec Peter Brötzmann, dans ce qui sera sans aucun doute une session excellente de free jazz). Indéfinissable sera aussi la rencontre entre The Bug et Dylan Carlson de Earth. Les sons métalliques seront représentés par Zeal and Ardor, mais d’autres noms s’ajouteront sûrement à l’affiche. Pour les influences du même style, on peut également compter sur les Coréens Jambinai, bien que ceux-ci puissent entrer dans différentes catégories.
Le futur de la musique urbaine (autre classification que nous détestons) noire sera représenté par les concerts d’Yves Tumor et de la grande Moor Mother. Et bien sûr, Shabazz Palaces présenteront aussi leur vision particulière du hip-hop.