L’apparition de Sigue Sigue Sputnik avec Flaunt It en 1986 a surpris tout le monde. Parmi eux, un enfant de neuf ans qui, en les voyant à la télé pour la première fois, n’imaginait pas que tant d’années plus tard, il les verrait en concert. Nous avons parlé avec Martin Degville, chanteur et incarnation de la légende de Sputnik. À la fin, il nous affirme qu’il ne donne jamais de mauvais concert. C’est vrai, on l’a vu à Milan, au W-Fest, et on le reverra au DarkMad.
—L’histoire raconte que Tony James vous a vu pour la première fois dans votre boutique YAYA. Cette boutique était très importante au début du groupe. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’atmosphère de cet endroit et le décrire ?
—Oui, la boutique était un centre bouillonnant d’activité : on y concevait des vêtements pour les hommes, les femmes, les transgenres, on jouait du rock, du Bowie, Roxy, Marc Bolan, Suicide, Elvis, du punk, Velvet underground. Beaucoup de célébrités et autres musiciens sont venus acheter nos étranges costumes : Johnny Thunders, Blondie, the Banshees, Adam Ant, Duran Duran pour n’en citer que quelques-uns. On a relooké plein de gens. Tony venait à la boutique chaque samedi après-midi avec Magenta Divine, qui a fini par être notre agent de presse pour SSS. C’est aussi là que j’ai rencontré le guitariste Neal X. On traînait ensemble et c’est ainsi que je suis devenu le chanteur et le guerrier du style de SSS.
—Comment était-ce de vivre avec Boy George, et que pouvez-vous nous dire sur le fait d’avoir fait partie du Rum Runner Club ?
—C’était dingue de vivre avec George. On a fait la fête non-stop pendant des années à Birmingham. Le Rum Runner et le Barbarellas étaient les discothèques sordides où on se rendait. C’était vraiment une sacrée époque pour tout le monde, on était libres et on pouvait être nous-mêmes. On pouvait être créatifs aussi bien dans l’art que dans la musique et dans la mode. C’était une époque absolument incroyable.
—Vous étiez très important pour le look final de Sigue Sigue Sputnik, pas vrai ?
—Oui, l’image était très importante pour le groupe. Moi-même, et Yana Ya Ya, qui est devenu le sixième membre, avons conçu cette espèce de look glam digne de la science-fiction pour qu’il corresponde aux besoins et à personnalité de chaque membre du groupe. Rien n’est artificiel, et pour nous, plus c’était outrageux, mieux c’était. Nous n’avons jamais fait appel à des stylistes, et la maison de disques ne nous a jamais ennuyés avec l’image. De fait, je crois qu’ils n’ont jamais compris, et qu’ils nous ont laissé faire. Le but était de choquer et c’est ce qu’on a fait.
—Quelles sont vos influences en tant que chanteur ? Elvis ? Alan Vega ?
—Elvis, Sinatra, Alan Vega, Iggy Pop, Bowie, Ferry. Pour moi, ça a tout à voir avec le style de la voix et la façon de chanter. C’est ça qui m’intéressait. Les chanteurs à la voix très puissante et à la technique impressionnante m’ennuient. Quelqu’un qui crie des obscénités dans un micro, c’était plus ma tasse de thé.
—Que pouvez-vous nous dire sur la composition de « Love Missile F1-11 » ? Vous avez écrit ce morceau seul avec Neal X, à l’aide d’idées de Tony James, n’est-ce pas ?
—Oui, « Love Missile » a été écrite sur un synthé Pro One et une boîte à rythmes 808. Je crois que Tony a eu l’idée du titre, c’est moi qui ai écrit le reste du morceau et les paroles. Neal a eu l’idée du riff. C’est plus ou moins comme ça que ça s’est passé.
—J’ai lu que pendant la première tournée, il y a eu beaucoup de violence, plus particulièrement lors du concert où s’est passé l’accident avec Ray Mayhew (il a lancé une bouteille à quelqu’un qui se trouvait dans le public). Pourquoi l’audience s’est-elle comportée de cette manière ?
—Notre première tournée était vraiment très effrayante. Le public n’était pas intéressé par le groupe, mais on avait certains facteurs qui semaient le chaos. Ça ressemblait un peu à un match de foot avec des supporters adverses. À la fin, on a dû annuler certains concerts, car on avait reçu des menaces de mort, mais ça n’a fait qu’alimenter les attaques de la presse. Je crois que les gens ont mal compris la signification de l’ultra violence, qui était un Voice Over au début de « Love Missile ».
—Comment était-ce de travailler avec Giorgio Moroder ? Le groupe n’a pas aimé les premiers mix de 21st Century Boys, pas vrai ?
—C’était vraiment sympa de travailler avec Giorgio. On a enregistré tout l’album dans un studio à Londres avec lui, son programmeur, une boîte à rythmes Lynn, et nous-mêmes. Ensuite, on a tout mixé dans son studio à LA. « 21st Century Boys » était notre deuxième single, et même si le résultat était fabuleux, j’aurais voulu qu’il lui apporte un côté encore plus hard rock.
—Quelle partie du design désormais classique du premier album, a été créée par le groupe ?
—On a tourné au Japon et on a volé des idées du manga Akira ainsi que des magazines de transformer. Rien que le fait d’être à Tokyo c’était comme être dans une scène de mon film préféré, Blade Runner. Ensuite, on a demandé à nos propres designers de mettre tout ça ensemble quand on est rentrés.
—Que pouvez-vous dire sur votre collaboration avec Peter Waterman dans votre single, Success, de 1988 ? Pensez-vous que c’était une erreur de l’avoir pris comme producteur ?
—C’était la pire décision qu’on n’ait jamais prise. On avait vraiment l’intention de faire un croisement de son entre les Beasties Boys et les Beatles. Cependant, tout ce qu’on a eu comme résultat, c’était une version médiocre de la ligne de basse du « I Feel Love » de Giorgio et on les a renvoyés. On a confié à l’ingénieur du son le soin de terminer le morceau. Je détestais cette espèce de synth pop façon chewing-gum qu’ils avaient concoctée. Nos propres mix de Success étaient bien meilleurs.
—Maintenant, que pensez-vous de Dress for Excess, le deuxième album du groupe ?
—Les chansons sur cet album sont excellentes, mais il manquait un morceau comme « Flaunt It ». Ça ne nous a pas aidés non plus d’avoir plusieurs producteurs et remix pour l’album, du coup il a perdu en continuité.
—Le groupe était renommé pour savoir faire la fête. Vous souvenez-vous d’une anecdote ?
—Ouais, on n’arrêtait pas de faire la fête et entre nous, soit ce sont des souvenirs brumeux, soit ce sont des choses que je préférerais ne pas raconter à vos lecteurs, haha.
—Le groupe se sépare pour la première fois en 1989. Tony James a dit à l’époque que le groupe n’avait plus d’argent. Était-ce votre point de vue ?
—On n’a jamais manqué d’argent et le groupe a toujours été financé par la maison de disques. Par contre, tout le personnel avait changé et un nouveau PDG avait été désigné. Il détestait le groupe, nous a laissé tomber, même si on vendait encore des disques en masse. Il s’est excusé des années plus tard…
—Vous avez fait votre premier projet solo avec Mick Rossi, l’album World War 4. Que pouvez-vous nous dire sur l’enregistrement de l’album ? Au début, vous aviez prévu d’en faire un EP mais à la fin vous en avez fait un album complet, pas vrai ? Qu’est-ce qui s’est passé avec le deuxième album que vous aviez prévu ?
—Oui, c’était génial de travailler avec Mick. C’était un bon ami et il jouait comme mon héros Mark Ronson des débuts de Bowie. Les chansons de ces albums étaient censées être utilisées pour l’album suivant de Sputnik, qui bien sûr, ne s’est pas matérialisé. On a tout enregistré en deux semaines et ça c’est arrêté là.
—Vous êtes revenus avec SSS pour un nouvel album, Piratespace. Comment était-ce de travailler ensemble à nouveau ?
—C’était comme mon bon vieux temps. On avait plein de nouvelles idées, et bien sûr, la technologie pour la production du son avait changé. On voulait aussi faire un pas en avant et créer un son rock beaucoup plus gros et lourd, sans perdre notre son du passé.
—Votre dernier album avec SSS s’appelle Blak Elvis Vs The Kings of Electronic Rock and Roll. Qui a eu l’idée de faire un album de reprises de chansons chantées par Elvis ?
—Un label japonais nous a contactés et nous a demandé de faire des versions électro de toutes nos chansons favorites d’Elvis. Bon sang, c’était du pur bonheur, car on était vraiment libres et on pouvait retourner à nos racines. En plus, toutes les chansons étaient hallucinantes de base, et avait survécu à l’épreuve du temps. On s’est vraiment beaucoup amusés en faisant cet album, et encore aujourd’hui, je l’adore. Il sonne toujours très moderne et original.
—Pourquoi avez-vous quitté de nouveau SSS en 2003 ?
—On est partis en tournée, je crois qu’on a réalisé qu’on avait tous connu des changements dans notre vie. Chacun avait des besoins différents et des styles de vie différents. Du coup, on a eu des disputes, et c’était pas beau à voir.
—Que pouvez-vous nous dire de Sputnik 2 – The future ? Vous avez enregistré uniquement l’EP Smart1, c’est ça ?
—Je m’étais presque retiré du monde de la musique, mais elle avait été présente depuis mon plus jeune âge et j’avais encore ce besoin de créer de nouveaux sons et styles. C’est pour ça que j’ai décidé d’écrire un tout nouvel ensemble de chansons et que j’ai utilisé Sputnik 2 – The future comme plate-forme pour revivre et me réinventer.
—Que pouvez-vous nous dire de votre collaboration avec les frères Lluch de Sci-Fi Superstars ? Le groupe a sorti deux albums n’est-ce pas ?
—Oh, c’est vraiment sympa de bosser avec eux. Ils viennent du rockabilly, et ils m’ont contacté pour réenregistrer une reprise de « 21st Century Boy » dans ce style. Du coup, je suis parti en Espagne et ensuite, on a décidé d’écrire un nouvel album ensemble qui associerait les deux styles. J’ai toujours adoré l’idée de travailler avec de nouvelles personnes qui apportent leurs propres idées. On est restés en contact et on joue souvent ensemble. Peut-être qu’on sortira un nouvel album bientôt…
—En 2011, vous avez sorti un album en édition limitée appelée Revisited, avec des réenregistrements de vieilles chansons de SSS. De quelle façon avez-vous choisi les morceaux à reprendre ? Les nouveaux mixtes, qui les a faits ?
—Oui, je voulais explorer une version plus hardcore de toutes les chansons que j’avais écrites sur Flaunt It. Je voulais les faire passer à un niveau supérieur. Aujourd’hui, les possibilités de création et de recréation de la musique sont infinies. J’étais passionné par ce projet, c’est pour ça que je l’ai enregistré. Ensuite, il a juste fallu qu’on trouve des gens qui voulaient remixer et produire des versions époustouflantes.
—En tant que SSSE, vous avez sorti un album de nouvelles chansons, Electronic DNA, en 2013. Comment le présenteriez-vous à vos anciens fans de SSS qui ne l’auraient pas encore écouté ?
—J’ai regardé mon passé, et j’ai décidé d’écrire un nouvel album de pur rock « n’ roll, avec des riffs à base de gros synthés, des guitares spatiales au son puissant, des boucles de batteries tambourinant. En fait, il définit ce que je suis, mais encore une fois, je ne fais que changer… EDNA sortira au Japon en 2019 et je partirai en tournée pour en faire la promotion. J’ai également été invité aux jeux olympiques de 2020 où je chanterai des morceaux de cet album et de tout mon travail passé.
—Que pouvez-vous nous dire sur votre concert au W-Fest ?
—Martin Degville donne TOUJOURS d’excellents concerts, je vous y retrouverai pour un show spectaculaire. C’est l’heure de faire la FÊTE !!!