La raison principale pour laquelle nous serons au W Festival depuis le mercredi cette année s’appelle Twisted Nerve, groupe gothique culte d’Édimbourg. On a passé en revue l’histoire du groupe avec le chanteur, Craig Paterson. On vous suggère également d’accompagner votre lecture en écoutant Archive, leur compilation récemment publiée. Il nous reste encore sept mois avant le festival, et on est déjà sur les nerfs.
—Commençons par le nom du groupe. Est-ce une référence à la chanson de Damned ou au film de 1968 ?
—Le nom du groupe vient du film Twisted Nerve de 1968.
—Quand le groupe a-t-il commencé à proprement parler? Je sais qu’il existe une Peel Session datant de 1981, avec un son plus post-punk, un chanteur et un guitariste différents. Même si vous n’étiez pas dans le groupe à ce moment-là, que pouvez-vous nous dire de cette époque?
—Au début de 1978, Twisted Nerve était un groupe de punk. Le groupe était influencé par des groupes comme Buzzcocks, les Clash et les Stranglers. J’ai rejoint le groupe en 1981, juste après la Peel Session. Mais ils avaient essayé de me recruter depuis le début de 1980. J’avais mon propre groupe, Aerosol Burns et j’en étais assez content. Cependant, j’allais voir Twisted Nerve dès qu’ils jouaient à Édimbourg. Je suis devenu ami avec le batteur Keith et le bassiste Norbert. On parlait de groupes comme Killing Joke, Bauhaus, les Cramps, UK Decay… Ils n’étaient pas contents de leur chanteur. On a donc commencé à répéter en secret pendant qu’il était encore dans le groupe. Ensuite, après un concert, Keith et le chanteur se sont disputés et ils l’ont viré. Ensuite, c’est là qu’a commencé la véritable histoire de Twisted Nerve. Le punk avait fait son temps, et on était intéressé par une vibe plus sombre, gothique, inspirée des Banshees, des Antz à leurs débuts, des Psychedelic Furs, de Killing Joke…
—Que pouvez-vous nous dire sur la scène écossaise du début des années 80? Il existait des groupes comme Johnny and the Self Abusers, les Rezillos ou Skids…
—La scène musicale d’Édimbourg de l’époque était très animée. On jouait avec tout le monde, c’était tout mélangé. On a joué avec les Rezillos, les Skids, Exploited, Simple Minds, les Scars, les Fire Engines, Freeze, Valves, Josef K. Il y avait tout un tas de super salles et des disquaires où on pouvait se retrouver. Pareil pour les salles de répétition. Il y avait aussi une forte rivalité entre les groupes. Édimbourg a toujours été élitiste au niveau de la musique, il existait une clique dont nous ne faisions pas partie. On était comme des étrangers qui la regardaient. Twisted Nerve a toujours été indépendant, et on n’a jamais fait partie de scènes ou de mouvements.
—Dans les années 80, l’Écosse est devenue célèbre pour les groupes plus orientés vers la pop, comme Orange Juice, Aztec Camera ou Josef. Est-ce que vous aimiez leur musique ?
—Je connais tous les membres de ces groupes, c’était des gars sympas qui écrivaient de la bonne pop bien prenante. Ce n’est pas trop mon truc, par contre. Je préfère les groupes locaux comme les Scars ou les Belsen Horrors.
—La première référence de Twisted Nerve, Caught in Session, est sortie en 1982 et a été enregistrée en 1981. Il s’agit de la session dont nous parlions plus haut. Mais j’ai lu que vous avez rejoint le groupe en 1980, ou était-ce plus tard ?
—En réalité, le premier disque de Twisted Nerve était l’EP Mint Sauce for the Masses, auquel contribuait trois autres groupes locaux. Le groupe a composé les chansons « Neural Zone » et « Vertigo ». Ce disque est très rare maintenant.
—Quelle musique écoutiez-vous à l’époque ?
—J’ai toujours écouté Bowie, Iggy, les Velvets, Johnny Thunders, les Banshees, les Slits, les Antz (à leurs débuts) et les Psychedelic Furs. Mais à cette époque, j’ai commencé à m’intéresser de plus près à ce que vous connaissez désormais sous le nom de scène gothique. Sex Gang Children, Southern Death Cult, Alien Sex Fiend, Virgin Prunes, Blood and Roses etc. Ensuite, on a commencé à jouer avec ces tous ces groupes. Ce n’était pas prévu. J’adorais Death Cult ainsi qu’un autre groupe, Brigandage.
—Dans le 7″ Five Minutes of Fame, on peut sentir un gros changement au niveau du son. Étiez-vous responsable de ce changement?
—Oui, c’est de ma faute, j’en prends l’entière responsabilité. J’ai emmené Twisted Nerve vers le côté obscur et nous ne sommes jamais revenus en arrière. On écrit sur ce qui nous intéresse et c’est ce qui m’intéressait à l’époque, l’occulte, le monde spirituel, les drogues et leurs effets, le vaudou, le sexe, la culture amérindienne, les vêtements, le maquillage, Cowley etc. Alors des chansons comme « Medusa », « Séance », « Gargoyle » sont toutes sorties de là… Five Minutes of Fame est resté dans les classements de musique alternative pendant 3 mois, et est arrivé huitième. On a vendu 7 000 exemplaires. Il a également été élu single du mois par le magazine Punk Lives et enregistré dans le studio des Rezillos. Il nous a ouvert de nombreuses portes. Et effectivement, c’était le début d’un nouveau son pour nous, qui nous semblait tout à fait naturel.
—Parlons maintenant du 12″ Eyes You Can Drown In. C’est un disque beaucoup plus mature. Selon moi, on dirait que le groupe avait finalement trouvé son son. Qu’en pensez-vous?
—Eyes You Can Drown In est ma fierté et ma joie. J’ai écrit les 3 chansons, j’aime tout ce disque. J’adore les chansons, la production, la pochette, l’illustration, la naïveté. On faisait notre truc et on s’en foutait de ce que les gens pourraient en penser. On savait que « Medusa » était une véritable œuvre d’art. D’ailleurs cette chanson est encore l’une des préférés du public aujourd’hui. Ça nous a pris trois jours pour l’enregistrer et le mixer, on a fait du bon boulot. Encore un disque difficile à obtenir aujourd’hui, comme c’est le cas avec tous nos disques qui sont chers à la revente.
—Le groupe a sorti Séance en 1984. Maintenant, ce mini-album se vend jusqu’à 130 euros sur Discogs. Comment a-t-il été accueilli à l’époque ?
—Séance avait obtenu tout un tas d’avis divers : certains l’adoraient, d’autres non. D’autres pensaient qu’on aurait dû en faire un véritable album composé de 10 ou 12 chansons. En effet, on a un grand nombre de chansons non enregistrées dont on essaie de faire quelque chose maintenant. Encore une fois, j’en suis fier, je suis fier de toutes les chansons. La scène gothique l’a adoré, « Séance » les faisaient toujours danser. J’aurais aimé avoir un budget à proprement parler pour l’enregistrer, mais on était sous pression. On n’avait pas le temps et on était toujours en train de donner des concerts. Avec plus de temps et d’argent, on aurait fait un meilleur boulot. On n’a jamais écouté les critiques et on a toujours traité les critiques négatives et les éloges de la même façon. Le disque est comme ça et il a résisté à l’épreuve du temps. On l’a remixé en 2007 et il a un son bien meilleur. Par contre j’aimerais bien refaire les lignes de chant, je ne suis jamais satisfait, haha.
—Comment étaient les concerts de Twisted Nerve à l’époque ? Et le public?
—Les concerts de Twisted Nerve ont toujours été sauvages, du sang, de la sueur, des larmes, de la joie, de la célébration. À l’époque, on jouait de partout et avec tout le monde. Bien sûr, on a joué dans la salle d’origine Batcave à Londres, et les gens nous suivaient et voyageaient pour venir nous voir.
—Considérez-vous Twisted Nerve comme un groupe gothique, post-punk ou deathrock?
—Comme je l’ai dit plus haut, nous n’avons jamais considéré que nous faisions partie d’une scène musicale particulière, on ne peut pas nous étiqueter. On jouait cette musique bien avant la création du mot gothique. Les Banshees avaient un son gothique, mais c’était tout. Aujourd’hui, on nous qualifie de tout, rock gothique, death rock, post-punk… Ça ne veut rien dire pour moi. Tout le monde est le bienvenu aux concerts de Twisted Nerve. On n’a pas besoin qu’on nous colle une étiquette, interprétez-le de la façon dont vous le souhaitez. Twisted Nerve n’appartient à personne et appartient à tout le monde.
—Pourquoi le groupe s’est-il séparé ?
—Le groupe s’est séparé au début de 1986. On se détestait tous, et on ne supportait plus d’être dans la même pièce. On ne répétait plus, on avait la flemme et on était accro à tout. On a donné un concert au Teacher College d’Édimbourg et c’était tellement horrible qu’après la dernière chanson, je suis descendu de scène et je suis parti. J’ai donné un enregistrement de ce concert et il est vraiment horrible. L’âge ne l’a pas embelli, et il devrait rester oublié.
—Et comment s’est reformé le groupe ? C’était à l’occasion du Drop Dead Festival, c’est ça?
—On nous a invités au Drop Dead Festival de Prague en 2007. C’était une véritable surprise, j’avais gardé contact avec Norbert, mais Colin, le guitariste, était parti vivre en Australie. Keith, le batteur était toujours en cure de désintoxication et c’était impossible de le contacter. On a proposé à deux de nos amis d’un groupe local, Baby’s Got a Gun de nous rejoindre, et on a commencé à répéter. Ça faisait du bien d’entendre ça, et on s’amusait tellement à jouer les chansons qu’on a décidé de remonter le groupe. On comptait le faire juste pour un concert, mais ça s’est super bien passé et on s’est fait une tonne d’amis. On partageait la scène avec nos vieux amis, Sex Gang, Rubella Ballet, Ausgang, Lene Lovich. On ne savait pas qu’on était devenus mythiques, des légendes gothiques dans la scène musicale gothique du monde entier. Lorsqu’on est rentré à Édimbourg, on a eu beaucoup de demandes de concert. C’est ce qu’on fait depuis, y compris pour notre première visite aux USA l’année dernière.
—Qui sont les membres actuels du groupe ?
—On a enfin un line-up fixe et on en est très content. Je suis bien sûr le chanteur. Ensuite, on a le bassiste d’origine, Norbert Bassbin, Dunsy Dunsmore à la guitare des Joyriders et Dave Grave de Ritual Spirit à la batterie.
—Qu’est-il arrivé à votre projet Twisted Sex? J’avais peur de faire une recherche sur Google.
—Ha ha, mais comment vous savez ça ? Je pensais que c’était top secret, on peut dire que vous avez bien fait votre boulot. Il s’agit d’une collaboration entre moi-même et Terry MacLeay de Sex Gang Children ainsi que de deux autres personnes que je ne peux pas nommer pour le moment. Le premier supergroupe goth, haha. On enregistrera et on partira en tournée lorsqu’on aura le temps. C’est tout ce dont je peux parler pour le moment.
—Votre groupe a deux compilations, une que vous avez sortie vous-mêmes en 2015 et Archive, qui dispose d’une piste supplémentaire. S’agit-il de la compilation définitive de Twisted Nerve ?
—Des gens ressortent sans arrêt la musique de Twisted Nerve, c’est une bataille constante pour suivre le rythme. J’ai aimé les deux remix de 2007, mais pas les voix. On vient juste de sortir le CD Archive pour célébrer nos 40 ans d’histoire, sous le label Bat-Cave Productions. Il retrace toute l’histoire du groupe, depuis nos premiers enregistrements jusqu’aux derniers, « Magick of Trance ». On a tracé une limite ici, et maintenant, on est en train d’enregistrer autre chose, pour la première fois en 35 ans. Archive est un disque officiel et il contient tout ce que vous avez besoin de savoir de Twisted Nerve.
—Que nous préparez-vous pour le W Festival ?
—Au W Festival, vous allez voir et écouter un vrai groupe, une légende vivante, un groupe qui a toujours vécu à fond et qui porte ses blessures de guerre avec fierté. On jouera tous nos classiques, et vous ne pourrez pas résister, vous crierez de joie, vous découvrirez l’excitation et l’énergie d’un concert de Twisted Nerve. Dites-le à vos amis.