Il aurait dû atteindre la richesse grâce aux royalties, mais Cortex, le groupe français le plus samplé de l’histoire, s’est toujours maintenu dans le secret pour les passionnés de rythmes plus chauds. Le groupe d’Alain Mion et d’Alain Gandolfi a enregistré son premier disque, Troupeau Bleu en deux jours seulement en juillet 1975. Son œuvre la plus célèbre a été samplée par des compatriotes comme DJ Cam (quels bons moments nous avons passé dans les années 1990 avec lui, DJ Shadow ou le japonais DJ Krush). DJ Cam a en effet utilisé leurs sons dans son thème exclusif qu’il a inclus dans sa session pour DJ-Kicks. D’autres rappeurs célèbres, comme Tyler, the Creator, Wiz Khalifa, MF Doom ou encore Lupe Fiasco ont fait de même.
Troupeau Bleu est une œuvre de jazz funk aux touches brésiliennes. Sergio Mendes indique le nord et une belle voix française lui donne une touche unique. Aux influences de Herbie Hancock, Chick Corea ou Joe Zawinul (chose tout à fait normale à cette époque), ce premier album peut être un véritable délice pour les fans convertis (au jazz, bien sûr) d’Idris Muhammad ou de Lonnie Liston Smith. Soulignons notamment les chansons « Mary et Jeff », « Huit Octobre 1971 » et « Sabbat », divisée en trois parties. Elles représentent le matériel parfait pour des samples, et non seulement de rap : elles pourraient parfaitement se marier aux œuvres de 4Hero, LTJ Bukem ou Kruder and Dorfmeister.
La trilogie fondamentale du groupe est complétée par Vol.2 et Pourquoi. Avant ces disques, paraît le single Les oiseaux morts à l’air certain de Pink Floyd, où Alain Mion chante pour la première fois. Publié en 1977, Vol.2 suit les traces du premier disque. Cependant, cette fois, il est presque entièrement instrumental. Mion y accomplit un travail incroyable avec le Hammond, le mini Korg et le Fender Rhodes. Soulignons notamment la présence des chansons « Oh! Lord » et « Devil’s Dance ».
À l’inverse, Pourquoi, publié l’année suivante, compte sur la voix très présente de Mion. La fièvre du moment se transmet, avec des chansons qui sonnent plus disco, comme « Le Visionnaire » ou « Pourquoi ».
J’ai eu la chance de les voir en concert à Milan, dans la salle Arci Biko, le temple du funk, du jazz et du hip-hop. À cette occasion, Cortex s’est présenté sous forme de quartet avec Mion au clavier, une chanteuse qui jouait aussi du piano (et qui m’a raconté qu’elle voulait aller vivre à Madrid), un guitariste et un batteur. Pendant une heure et demie, ils ont joué des chansons issues des trois disques, comme « Mary et Jeff », « Devil’s Dance » (qui a ouvert le concert), « Chanson d’un jour d’hiver », « Automne », « Huit Octobre 1971 », « Sans Toi » mais aussi de la carrière en solitaire de Mion, comme « The Tap Tap », « Philla Nite Song » et « Arizona Dawn » (de son disque de 2001, Some Soul Food sorti sous le nom de The Alain Mion Trio) ou « Milwaukee » (de son disque No Mad).